Il semble que Belhassen Trabelsi, frère de l'épouse de l'ex-chef de l'Etat, avait des pouvoirs très étendus pour financer ses projets ou plutôt pour amasser de l'argent. "Ciment de Carthage" aurait pu être un projet performant permettant de créer des richesses, d'exporter et de faire travailler de nombreux jeunes diplômés, d'autant plus qu'il opère dans un secteur rentable, à savoir celui du ciment, produit très demandé aussi bien en Tunisie qu'à l'étranger. Malheureusement, ce projet est resté lettre morte bien qu'il soit introduit en Bourse pour offrir des actions avant le lancement d'une offre publique d'épargne. Des pressions ont même été exercées sur l'Etat pour promulguer dans les meilleurs délais un décret sur mesure. En effet, un décret n°2010-3116 du 1er décembre 2010 accordant à la société "Ciment de Carthage" les avantages prévus par l'article 52 du code d'incitation aux investissements a été promulgué. Il était question de lier cette entreprise au réseau ferroviaire relevant de la Société nationale des chemins de fer tunisiens (Sncft). Les travaux extra-muros devraient bien sûr être à la charge de la société nationale avec un financement du ministère des Finances. Les travaux intra-muros sont à la charge de l'entreprise. "Suite à ce décret, relève M. Néjib El Koufi, directeur juridique à la Sncft, la société nationale était sur le point de lancer un appel d'offres pour la réalisation de l'étude par un bureau d'études. Ensuite, elle devait envoyer le dossier au ministère des Finances avec le coût estimatif des travaux. Ceux-ci devaient commencer après approbation et déblocage des fonds". Selon le décret en question, la société "Ciment de Carthage" bénéficie de la participation de l'Etat aux dépenses d'infrastructure extra-muros au titre des travaux de raccordement de l'unité de production du ciment sise à Jebel Ressas à Mornag au réseau ferroviaire sur une distance de 15 kilomètres. Budget du ministère du Transport Le même décret stipule que la participation de l'Etat aux dépenses d'infrastructure extra-muros de la société "Ciment de Carthage" est imputée sur les dotations du titre II du budget du ministère du Transport. La participation de l'Etat aux dépenses d'infrastructure extra-muros est débloquée au profit de la Sncft selon l'avancement matériel et financier des travaux. Cette dernière est déchue des avantages accordés dans le cas dudit décret en cas de non-réalisation de l'investissement ou en cas de détournement illégal de l'objet initial de l'investissement. Le décret signé par le président déchu précise, par ailleurs, que le ministre des Finances, le ministre du Transport, le ministre du Développement et de la Coopération internationale et le ministre de l'Industrie et de la Technologie sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du décret publié au Journal officiel. Notre interlocuteur précise, cependant, que toute entreprise d'envergure qui fait travailler un nombre important de main-d'œuvre "est en mesure de demander à la Sncft d'être raccordée au réseau ferroviaire. Notre société est même qualifiée pour avoir de nouveaux clients pour le transport de leurs marchandises conformément à des contrats conclus dans ce sens." Le problème est que ces chefs d'entreprise qui font une telle demande restent beaucoup de temps pour qu'on daigne leur donner une suite favorable. C'est souvent le parcours du combattant Ils peuvent aussi contacter les autorités publiques au plus haut niveau pour exposer leur cas. Encore faut-il que leur entreprise soit opérationnelle et en cours de production. Ce qui n'est pas le cas pour "Ciment de Carthage" qui a eu tous les avantages alors que le projet est encore sur le papier. Cela laisse penser que l'objectif premier du promoteur n'était pas de réaliser le projet dans les meilleurs délais mais d'amasser de l'argent. Ce projet peut être concrétisé par l'Etat en mobilisant les financements nécessaires pour produire du ciment, ce qui permettra de recruter plusieurs diplômés et de renforcer notre exportation. Une fois mise sur pied, l'entreprise pourrait être vendue à un promoteur national ou international qui en assurera la gestion.