Certains ont dû remarquer la série d'ambulances privées qui a défilé dans le Grand-Tunis, roulant à une vitesse réduite et allumant les feux de détresse. C'est leur manière à eux, les ambulanciers, de faire une grève et de traduire leur indignation suite notamment au «hic» qui a ébranlé fortement la relation de confiance qui les unissait aux citoyens. Rappelons-nous de la période du 14, 15 et 16 janvier 2011, où la seule vue d'une ambulance privée suscitait la terreur auprès des Tunisiens. Les sociétés privées de secours médicales souffrent encore des séquelles de cette période. C'est pourquoi elles ont décidé de manifester pacifiquement afin de rectifier cette image défavorable qui entrave leurs activités. Olfa, représentant la société Ambulances Atlas, explicite le ras-le-bol: «Les ambulances privées ne sont pas des terroristes. Il faut que l'opinion publique sache que nous comptons parmi les personnes les plus touchées par ce qui s'est passé. Depuis le 15 janvier, nous ne parvenons plus à travailler car les gens nous apprivoisent comme si nous étions des criminels qu'il convient de s'en méfier, plus encore, d'agresser. Le 15 janvier, nous devions nous rendre pour une urgence à la zone de Mornag. Les comités populaires nous ont jeté de gros cailloux, croyant que nous sommes des miliciens. Nous n'avons, donc, pas réussi à accomplir notre mission qui consiste à sauver des vies», indique-t-elle. Et d'ajouter que le personnel a depuis été agressé: on lui a volé de l'argent et on a détruit un matériel médical qui coûte cher. «Si l'armée se contente d'un contrôle légitime, les citoyens, eux, recourent à des actes insensés. Il y a à peine dix jours, un ambulancier relevant d'un établissement de santé publique a été agressé à coup de couteau à la cité Ettadhamen, ce que je trouve gravissime. Certes, les dégâts matériels sont compensables. Cependant, je ne peux pas risquer la vie de mon personnel. D'ailleurs, j'ai suspendu le travail, le temps que les choses reprennent», renchérit Olfa. Un autre auxiliaire sanitaire, représentant la société Ambulance, B. Abdelkader, fait part de son désarroi quant à la situation des ambulances privées. «Partout où l'on se rende, les gens manifestent leur inquiétude et la non-confiance qu'ils nous vouent. Lorsqu'on passe devant un lycée, les filles crient de terreur. Récemment, j'ai dû refuser de porter secours à une femme enceinte qui s'apprête à accoucher, car j'avais peur d'être agressé», avoue-t-il. Se trouvant dans une situation critique, placée sous le signe de l'absence de toute forme de confiance entre le personnel et les citoyens, les ambulanciers n'ont qu'une seule revendication: rectifier leur image cruellement faussée.