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Comment la sauver ?
Notre révolution est-elle en train de partir en vrille ?
Publié dans La Presse de Tunisie le 15 - 02 - 2011


Par Mouna Kraïem Dridi *
Déjà un mois depuis que le peuple tunisien s'est soulevé contre les tyrans. Quelle fut grande notre joie, qu'il fut immense notre espoir. Espoir de liberté, de dignité, de démocratie, de citoyenneté et surtout de rupture avec l'égoïsme et les démons du passé. Etait-ce un rêve éveillé qui compensait une réalité douloureuse ? Etait-ce l'arbre qui cachait la forêt ? Pourquoi je me pose maintenant de telles interrogations ? C'est parce que je commence à ressentir une certaine angoisse de voir cette révolution tant saluée par la communauté internationale dévier de ses nobles objectifs avec le risque d'avorter.
Sans pousser mon pessimisme à son extrême, je peux dire que la joie n'a duré qu'un court laps de temps; à savoir, le moment de l'annonce par les médias que le président déchu a pris la fuite en direction de l'Arabie Saoudite.
Commencèrent par la suite, les incertitudes, les incohérences et les rafistolages.
Incertitudes, d'abord, sur un départ temporaire ou définitif, sur le 56 ou le 57 d'une Constitution qu'on espérait déjà tombée dans les oubliettes.
Incohérence, par la suite, par le recours, juste le lendemain, du Conseil constitutionnel au 57 (même s'il n'évoque pas le cas de fuite du président de la République).
Rafistolages, enfin, par un allongement artificiel de la durée de deux mois de la présidence intérimaire, insuffisante pour la préparation des prochaines élections présidentielles.
Par ailleurs, la composition fort contestée du "gouvernement d'union nationale" qui a gardé des barons du RCD à des postes sensibles, la correction trop tardive de cette erreur stratégique de casting, la nomination encore fort contestée des gouverneurs ont montré la difficulté de rompre avec l'ancien système qui aurait dû être déraciné, si on parle vraiment de révolution.
Néanmoins, nous avons continué d'accorder une certaine confiance au gouvernement, mettant sur le compte de la maladresse ses différentes erreurs.
La création des trois commissions nationales a été accueillie avec optimisme, mais, l'annonce de leur composition non concertée, a été ressentie comme une "douche froide" laissant apparaître ce même sentiment de difficulté de rupture avec un passé sinistre (présence de certains membres contestés et contestables, clanisme, etc...). De ces trois commissions, celle chargée des réformes politiques a pour mission de faire des propositions et ne peut, en aucune manière, se substituer à la volonté du peuple souverain.
En outre, le gouvernement provisoire continue sur le chemin des maladresses à travers le recours à l'article 28 de la Constitution pour obtenir la délégation du pouvoir législatif au président intérimaire.
Malgré l'urgence de légiférer par des décrets-lois, nous estimons d'un point de vue purement académique, que ce recours est d'une constitutionnalité douteuse alors que d'un point de vue politique, il est bien contestable.
D'abord, le paragraphe 5 de l'article 28 prévoit que la Chambre des députés et la Chambre des conseillers peuvent habiliter le président de la République, pour un délai limité et en vue d'un objet déterminé, à prendre des décrets-lois qu'il soumettra, selon le cas, à l'approbation de la Chambre des députés ou des deux Chambres, à l'expiration de ce délai. Il est donc clair, que l'article en question ne parle pas de président intérimaire, en l'occurrence dénué de légitimité populaire, mais tout simplement de président de la République.
Ensuite, d'un point de vue politique, est-il loisible dans des circonstances exceptionnelles, dans un contexte révolutionnaire, d'avoir recours à des instances dénuées de légitimité, en l'occurrence une chambre des députés dont la composition revient en majorité à un parti honni par le peuple (et dont les activités venaient d'être suspendues juste un jour auparavant par le gouvernement) et une chambre des conseillers dont les membres sont en majorité nommés en fonction de leur loyauté au président déchu ?
Quelle logique sous-tend la décision du gouvernement, sinon celle de coller encore à une Constitution qui a montré toutes ses limites en plus de son illégitimité.
L'esprit révolutionnaire ne semble pas de mise au palais de la République.
Malheureusement, ce constat s'applique également à de nombreux Tunisiens qui ont vite oublié le fameux slogan scandé aux jours de la Révolution «khobz ou ma, Ben Ali la» (pain et eau, mais sans Ben Ali) et se sont laissé aller à une spirale interminable de revendications salariales et sociales opportunistes, et c'est le moins qu'on puisse qualifier.
Alors que l'esprit révolutionnaire impose les principes de sacrifice, de solidarité et de travail (Churchill avait réclamé aux Britanniques à la fin de la guerre «du sang, de la sueur et de la souffrance» pour rebâtir leur pays), une frange importante de nos concitoyens s'est mise à défendre des intérêts corporatistes et égoïstes aux dépens de l'économie nationale déjà fortement ébranlée par les événements.
Alors que la participation de tous est exigée pour remettre le pays sur les rails et «surfer» sur la vague de sympathie internationale suscitée par notre noble révolution, les trop nombreux débrayages et grèves n'ont fait qu'empirer la situation et susciter la «méfiance» de cette même communauté internationale quant à l'avenir de notre pays.
Les défavorisés de l'ancien régime (les régions sous-développées, les jeunes diplômés au chômage, les autres jeunes non diplômés également au chômage…) espéraient beaucoup plus de cette Révolution. Ceux-là qui ont payé le plus lourd tribut à cette révolution risquent de se retrouver encore une fois «oubliés».
Par quels financements l'Etat pourra-t-il répondre à toutes ces revendications salariales ?
Est-il du ressort d'un gouvernement de transition (dont la mission première est de conduire les affaires courantes de l'Etat, de remettre de l'ordre dans les rouages publics, de rétablir la sécurité des biens et des citoyens...) de prendre des engagements pour répondre à ces revendications diverses et variées en «plombant» l'avenir du pays et en léguant un handicap certain à ses successeurs qui seront légitimement élus ?
Malgré sa bonne volonté, ce gouvernement se trompe a priori de mission. Il n'aurait nullement dû s'engager sur ce terrain mouvant de négociations sociales. Mais pourra-t-il maintenant mettre fin à cette spirale ?
Outre les missions régaliennes déjà sus-évoquées, il doit désormais se consacrer à préparer le terrain favorable aux prochaines échéances électorales.
A ce propos, il serait judicieux d'inverser le calendrier en donnant la priorité non pas aux élections présidentielles mais à l'élection d'une Assemblée constituante à laquelle se présenteront tous les partis politiques, les représentants de la société civile et les personnalités indépendantes. Car, dans le cas contraire, l'élection du futur président se fera en application des dispositions constitutionnelles « en vigueur » et lui permettra de disposer des mêmes pouvoirs que le président déchu. Est-ce conforme à la volonté du peuple tunisien ? Nous ne le pensons guère.
Seule l'Assemblée constituante, élue directement et librement par le peuple souverain aura la légitimité de décider du sort constitutionnel de la Tunisie, en la dotant d'une nouvelle Constitution conforme aux aspirations du peuple. Et c'est seulement avec l'adoption d'une nouvelle Constitution que les futures institutions, en l'occurrence le président de la République et le pouvoir législatif, auront la légitimité nécessaire pour gouverner le pays.
L'esprit révolutionnaire exige une rupture totale et irréversible avec le passé par l'abrogation de la Constitution actuelle et la dissolution du Parlement qui a perdu toute représentativité même si le fameux article 57 de ladite Constitution ne le permet pas au président intérimaire.
C'est ainsi, et seulement ainsi, que le peuple tunisien savourera le goût de sa victoire contre les tyrans et pourra définitivement déchirer une page douloureuse de son histoire. Le sang des martyrs de la « Révolution du jasmin » n'aura pas alors été vain.
* Docteur en droit public-Universitaire


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