Outre les entreprises publiques, comme l'agence officielle TAP, l'Etablissement de la radio télévision tunisienne (Ortt), l'Office tunisien de télédiffusion (OTT), le groupe Snipe-La Presse, l'Atce, et toutes les chaînes de télévision et de radio publiques, tous dirigés par des larbins sans envergure, n'ayant qu'un unique souci: servir leurs maîtres, plusieurs médias privés sont aux mains de proches du président. Belhassen Trabelsi est le premier à s'être engouffré dans la brèche. Il dirige, depuis une quinzaine d'années, un magazine spécialisé, Profession Tourisme, accaparant une grande partie de la publicité du secteur. Le patron du groupe Karthago (transport aérien, hôtellerie, immobilier, matériaux de construction, automobile...) possède la première radio privée du pays, Mosaïque FM... Il est aussi le patron de Cactus Prod. Le problème est que, contrairement aux autres boîtes privées, Cactus Prod utilise les équipements techniques de l'Ertt, monopolise les meilleurs horaires de diffusion (les prime-time des débuts de soirées) et accapare la totalité des recettes publicitaires avant, pendant et après la diffusion de ses émissions. Cactus Prod capte plus de la moitié des recettes publicitaires réalisées annuellement par l'Ertt, soit plusieurs millions de dinars. L'autre conséquence de cette générosité étatique bien ordonnée est que l'établissement public, qui est financé par des prélèvements sur les redevances des citoyens tunisiens à la Société tunisienne d'électricité et de gaz (Steg), et donc par le contribuable tunisien, est aujourd'hui dans une situation financière difficile, marquée par des difficultés de payement et une incapacité à assurer ses propres productions. Cette forme inédite de privatisation masquée, qui permet à un opérateur privé, qui plus est, un proche du président, de disposer des moyens publics pour produire, diffuser et commercialiser ses productions télévisuelles est dénoncée, en aparté et dans les réunions privées, par les professionnels du secteur. Ces derniers, qui voient ainsi les règles élémentaires de la concurrence foulées au pied d'un prédateur insatiable et au bras long, ne prennent cependant pas la peine d'exprimer ouvertement leurs griefs. Pas même au niveau de leurs structures professionnelles ou syndicales. Par ailleurs, rien de leurs récriminations ne transparaît dans les médias.Telle que présentée dans les séries télévisées estampillées Cactus Prod (Mektoub 1 et 2, en 2008 et 2009 et Casting en 2010), souvent d'ailleurs diffusées durant le mois de Ramadan, la société tunisienne offre un visage inquiétant, celui-là même qu'a façonné le long règne de Ben Ali: enrichissement illicite, course à l'argent facile, trafics de tous genres, corruption à tout-va... L'autorisation de Cyrine Ben Ali En 2010, deux nouvelles stations radios privées ont vu le jour. "Elles sont venues enrichir le paysage médiatique national", a dit la propagande officielle. En réalité, la première radio, Shems FM, qui a commencé à diffuser le 27 septembre 2010, est la propriété de Cyrine Ben Ali, l'une des filles du président de son premier mariage. Elle possède aussi, entre autres sociétés opérant dans le secteur des médias, le fournisseur d'accès à Internet Planet et l'agence de communication Havas Tunisie. Interrogée par le magazine Femmes & Réalités (n°3, novembre 2010) à propos de l'obtention de la licence pour la création de cette radio, celle-ci a affirmé, sans ciller, qu'elle ne doit rien à son père. Et on ne peut que la croire, même si on ne lui connaissait aucune activité antérieure dans les domaines de la radio ou de la presse pouvant justifier la rapidité avec laquelle elle a pu obtenir cette licence alors que de nombreux journalistes et hommes de radio, de vrais pros du secteur, attendent, eux, d'être autorisés, et certains depuis l'arrivée de Ben Ali au pouvoir‑! "Pour l'autorisation, j'ai été comme tout le monde", a affirmé Mme Ben Ali Mabrouk. Elle a ajouté, sans craindre de paraître ridicule‑: "A mon avis, il faut mériter cette facilité. J'ai travaillé dur pendant plus de 15 ans. Ce n'est pas parce que je suis la fille du président que l'on m'a octroyé cette licence, ce n'est pas aussi facile et évident si je ne la méritais pas. On aurait pu facilement me répondre par la négative. D'ailleurs, il y a déjà en route une autre radio privée Express FM et bien d'autres suivront." Cette deuxième station, Express FM, spécialisée dans l'information économique, a, en effet, commencé à diffuser le 21 octobre 2010. Elle est la propriété d'un certain Mourad Gueddiche. Ce dernier n'est ni journaliste ni homme de radio lui non plus. Il est mieux que cela : le fils du Dr Mohamed Gueddiche, médecin personnel et ami de longue date de Ben Ali, et l'un des médecins qui ont signé le certificat médical attestant de l'incapacité de Bourguiba, document ayant légitimé la destitution de l'ex-président et son remplacement par son Premier ministre. Le patron d'Express FM ne doit rien, lui non plus, au président de la République. Difficile de croire que l'insatiable appétit des proches du président va s'arrêter en si bon chemin là. Tant leur volonté de contrôler le système de l'information est évidente. Des publireportages en veux-tu en voilà ! Pour tromper l'opinion publique internationale ...., les propagandistes du Palais de Carthage ne manquent pas de moyens de financement pour la plupart puisés dans les caisses de l'Etat et des organismes publics. Des articles publicitaires achetés dans des journaux étrangers par l'intermédiaire de l'Atce sont repris dans les médias locaux en grande fanfare comme "témoignages sur les avancées de la Tunisie grâce à la politique avant-gardiste du président". Des porte-voix attitrés du régime (...) sont dépêchés en Europe, notamment en France, pour prendre part – de manière souvent tapageuse dans le but de les perturber – aux réunions consacrées à la situation en Tunisie. Des lobbyistes de la communauté Tunis (juifs d'origine tunisienne) sont aussi invités à participer à ces réunions pour témoigner en faveur de Ben Ali. L'essentiel du travail de propagande financé par l'Atce consiste dans des publireportages publiés dans des journaux européens. Les clients qui se taillent la part du lion des enveloppes dépensées chaque année par l'Atce dans cette activité sont l'hebdomadaire Jeune Afrique et le mensuel AM, qui réalisent chacun, annuellement, entre 4 et 5 suppléments consacrés à la Tunisie. Parmi les autres médias qui émargent sur l'Atce et bénéficient des largesses financières du régime on citera le bimestriel Arabies du Libanais Ghassan Hawari, Les Cahiers de l'Orient de l'ineffable Antoine Sfeir qui n'hésite pas, à l'occasion, en plus des publireportages payés rubis sur l'ongle, de commettre, de surcroît, une tribune dans le quotidien Le Figaro, et toujours sur le même thème éculée: "La Tunisie, rempart contre la déferlante intégriste dans la région". Dans la liste des clients de l'Atce, il convient de citer l'inévitable Afrique-Asie légué par Simon Malley à un obscur journaliste d'origine syrienne, qui a fait payer, entre autres prouesses journalistiques, à ses clients tunisiens une campagne d'affichage, à Marseille, Lyon et Paris, avec la Une du numéro hors série du magazine consacré au président Ben Ali et titrée "Tunisie, pourquoi ça marche", en octobre 2009. Au sommaire de ce numéro de 106 pages tiré à 43.000 exemplaires, vantant "la stabilité politique et la paix sociale qui règne" en Tunisie, qui plus est à la veille des élections présidentielles et législatives, on peut lire les sujets suivants qui se passerait presque de commentaire: "Editorial‑: pourquoi ça marche; Diagnostic‑: les recettes d'un pays qui avance; Prospective: Les défis des prochaines années; Vie politique : en pleine mutation; Analyse: une démocratie responsable et graduelle, campagne: Un leader et trois challengers; Processus électoral‑: en toute transparence; Politique étrangère : une diplomatie tranquille..." (Source Ben Ali le ripou d'Aly Zmerli. A suivre)