André Nagy était un de ces entraîneurs qui avaient marqué leur époque. Des rares confidences qu'il confiait à ses amis les plus proches, nous avions retenu deux réflexions: la première concerne les entraîneurs. Il aimait dire : "Donnez-moi de bons joueurs et je vous donnerai un bon... entraîneur". La seconde exprimait ses sentiments à propos de ce que représentait pour lui un bon joueur. Il disait: "un bon joueur, c' est celui qui sait se rendre utile sans qu'on le lui demande à ses partenaires". Ce grand technicien qui était, rappelons-le, licencié en psychologie, n'était donc pas un imbécile, avait pratiqué le football à haut niveau et n'a jamais parlé de diplômes ni de qualités spécifiques. L'homme était sa priorité. En effet, il savait fort bien que l'entraîneur était et demeurera pour l'éternité, un homme seul. Les succès du jour ne sont jamais les siens et ne constituent en rien des garanties éternelles. Un rien pouvant tout changer, le technicien averti se doit d'être prudent, modeste et humble. Ces qualités semblent de nos jours les moins partagées du monde. Nous connaissons des entraîneurs qui ont quitté la scène aussitôt enregistrés des résultats flatteurs. On leur avait fait pourtant un pont d'or. Ils n'ont jamais accepté de revenir sur le terrain, sachant pertinemment qu'il leur sera impossible de refaire le même coup. Ils avaient compris qu'une génération exceptionnelle de joueurs ne pouvait succéder automatiquement à une autre. Nous voyons l'expression de cette conviction tous les jours. Ce ne sont pas les équipes les plus riches et les plus fournies en vedettes qui ont toujours le dernier mot. Un joueur ne peut être, en sport collectif, qu'un porteur d'eau pour l'équipe dans laquelle il évolue. Certes, il y a des individualités qui ont le don de transcender leurs camarades et qui sont capables, en deux tours trois mouvements, d'opérer un véritable hold-up; mais ce n'est pas toujours courant, et un technicien digne de ce nom se doit de croire plus à la performance collective qu'au seul talent. Nous avons eu à entendre quelques déclarations d'entraîneurs. Les mêmes techniciens se sont permis, par exemple, avec une arrogance incompréhensible, des affirmations qui frisent les écarts de langage lorsqu'ils étaient dans une équipe où les joueurs de talent et les moyens ne manquaient pas. Une fois sous d'autres couleurs, avec des moyens tout à fait différents, ils se faisaient tout petits, penchant beaucoup plus pour la... démission que pour l'effort et l'expression de leurs véritables capacités de meneurs d'hommes. Dans le même ordre d'idées, certains joueurs, sous le coup de l'euphorie, oublient l'apport de leurs camarades, la qualité de l'encadrement, les conditions dont ils bénéficient. Tête baissée, ils plongent dans une mégalomanie destructrice. Ces défauts, cette décadence qui succède à une grandeur déformatrice, sont hélas monnaie courante. S'attacher à les corriger à la base serait le commencement de la sagesse. Ni les entraîneurs ni les joueurs ne sont capables de le faire une fois en équipes seniors. On ne semble pas s'en rendre compte!