•La puissance de l'image est parfois si grande qu'elle finit par se muer en mirage et chimère. C'est là le sujet développé par cette biennale méditerranéenne, riche en découvertes La VIe Biennale méditerranéenne des arts de Tunis s'est ouvert jeudi au Palais Kheireddine Pacha, à Tunis, avec un vernissage particulièrement brillant qui a réuni un nombre considérable d'artistes et d'amateurs d'art venus s'enquérir des dernières nouveautés en matière de peinture et de photographie en Méditerranée. L'actuelle édition a préféré s'écarter de ses anciennes préoccupations, à savoir tous ces éléments naturels : lumière, eau, feu, terre et vent pour se consacrer à l'image et au mirage. Une thématique proposée par Fatma Ben Bécher, présidente d'Ecume et adoptée par les 17 villes méditerranéennes qui composent l'essentiel de ce grand ensemble d'idées fécondes en échange et en circulation d'expériences. Cette thématique de la représentation mentale évoquant la réalité par analogie ou similitude ou même par métaphore est-elle perçue de la même manière et selon un corpus identique de n'importe quel pays de la Méditerranée où l'on se place ? L'autre aspect de la thématique de la biennale, qui est le mirage, constitue le pendant complémentaire ou l'anagramme de l'image. Ce mirage a cette faculté de nous transporter dans un ailleurs qui serait doté d'une apparence séduisante et trompeuse, tels les mirages observés dans le désert. C'est en définitive ce concept de Image et mirage qui a déterminé l'approche de tous ces artistes qui, par le truchement des œuvres exposées, ont tenté d'apporter un semblant de réponse à ces interrogations. Image et mirage Mouna J'mal Siala, Prix présidentiel de la photographie, qui aura l'insigne honneur de représenter la Tunisie à la Biennale de Dakar, a séduit le public avec un quatriptyque «Oisillon, prends ton envol», un trompe-l'œil qui donne à distance une certaine illusion de la réalité, une matérialité qui change en fonction de l'endroit où l'on se trouve. Parmi les œuvres présentées, il en est une qui captive l'attention et focalise l'intérêt du public. Elle appartient à un Palestinien de Ramallah, Rafat Assad. Il s'agit d'une installation baptisée «Absence» où il a fait preuve de beaucoup d'ingéniosité. Cette habileté si subtile et si astucieuse se révèle dans sa manière de traiter la matière, ici le bidon de forme cylindrique. Son travail s'est limité à tailler directement dans le récipient la forme d'une tête humaine et à installer à l'intérieur une source de lumière reflétée sur le mur. L'effet est saisissant. On a ainsi une série de têtes, presque des ombres chinoises dont l'immobilité nous rappelle les portraits des disparus qu'on accroche aux murs pour nous souvenir et nous remettre à l'esprit qu'à un moment donné ils étaient présents parmi nous, qu'ils ont existé et que leur «absence» est virtuelle et non matérielle parce qu'ils continuent de vivre en nous. Une autre installation qui a excité la curiosité du public, «Digital human being» d'un as de la photographie, Lotfi Ghariani. Elle s'inscrit dans le point de mire du concept développé par la Biennale. En effet, l'artiste, membre actif depuis six ans d'Ecume et détenteur d'un master professionnel en techniques de la photographie et processus de développement, a fait preuve d'humour également avec son installation suspendue avec en arrière-fond un mur noir où est inscrit le célèbre slogan de la campagne présidentielle de Barack Obama «Yes we can». L'artiste a remplacé la lettre «a» de «can» par un arobase, le signe du clavier du micro-ordinateur utilisé dans les adresses électroniques. D'après lui, le thème «Image et mirage» reflète en quelque sorte l'impact de l'image sur notre quotidien à travers l'internet, la télévision, la publicité, facebook, la téléphonie mobile et toutes sortes de nouvelles technologies de la communication. Le public n'a pas été insensible au tirage numérique de Hamidedine Bouali, à l'immortalité véhiculée par l'imaginaire et la mort chez Aïcha Ben Mustapha, les visions oniriques de Halim Karabibane, la sensibilité et la créativité de l'Algérien Mehdi Djellil, les «Chaises» éternellement vides d'une Goulette en rupture avec son passé de Lise Seror, les fabuleux numériques de l'Allemande Juliana Eirich, la somptueuse forêt crétoise du Grec Manolis Prinanakis, l'installation interactive de la Libanaise Anita Toutikian et la technique mixte de la Turque Leyla Ersin Ekmekciler. -------------- L'exposition de Image et mirage se poursuivra au palais Kheireddine -Pacha jusqu'au 6 mai 2010