• Des négociations sont engagées avec les familles propriétaires d'une partie des domaines forestiers Portant dans leurs cœurs l'amour et la sauvegarde des milieux naturels et plus précisément les forêts surtout après les récentes vagues d'incendies du côté de la forêt de Dar Chichou, délégation de Hammam El Ghzez, une pléiade d'associations environnementales du Cap Bon ont organisé, samedi, une journée d'information en la présence de responsables forestiers et de l'APAL (Agence de protection et d'aménagement du littoral). La rencontre a eu lieu du côté de la Direction des forêts sise à Oued El Ksab (une parcelle de la forêt de Dar Chichou), et a eu pour thème «Agissons tous pour protéger la forêt», pour informer et sensibiliser le maximum de personnes sur l'importance de ces sites. Lors de son allocution d'introduction, M. Azaeiz Sassi, chef d'arrondissement par intérim des forêts- CRDA (Commissariat régional au développement agricole) de Nabeul, a donné un petit aperçu sur les caractéristiques naturelles du site Dar Chichou : «Dans les 284 mille ha de la superficie totale du Cap Bon, le couvert forestier occupe 61 mille ha (soit 21,5 % de la superficie totale de la région). En effet, la forêt artificielle de Dar Chichou couvre une superficie totale d'environ 9316 ha, de Oued El Ksab jusqu'à Rtiba dont 7300 ha sont répertoriés comme propriété privée. D'autre part, la Forêt de Dar Chichou constitue un ensemble forestier de fixation du massif dunaire initié dans les années 20 (le 04/07/1929, selon un décret beylical) dont l'objectif n'était autre que de lutter contre l'ensablement des terrains agricoles». Concernant les dégâts et le bilan réel de la catastrophe des récentes séries d'incendies qui ont affecté le site, M. Sassi a donné l'éclairage suivant : «Les incendies ont été déclenchés le 14 juillet dernier, avec un bilan de 400 ha brûlés, sur les 545 ha du site où a eu lieu l'incendie. Et c'est grâce aux efforts d'une équipe composée d'agents de la Protection civile, de l'Armée nationale, des forestiers et du ministère de l'Equipement que les feux ont été totalement maîtrisés. Ce qui est clair c'est que ces incendies ont une origine criminelle comme l'atteste le schéma de propagation des feux. Malheureusement, pour certains arbres âgés de plus de cent ans, il n'a fallu que quelques secondes pour les voir partis en fumée et carbonisés. Notons que le problème réside dans le fait qu'il y a deux types d'arbres dans cette forêt : il y a les feuillus qui ne représentent pas un danger et il y a les résineux (c'est-à-dire les troncs d'arbres qui sécrètent de la résine, un produit très inflammable). Enfin, notre direction va entamer prochainement l'opération de reboisement des parcelles brûlées». Une faune et une flore riches et variées De son côté, Mme Raja Abdelmlak, ingénieur paysagiste et représentante de l'APAL, s'est exprimée autour de l'importance du site de Dar Chichou du point de vue écologique : «Le Cap Bon avec sa richesse en matière de biodiversité (35% des espèces naturelles et biologiques présentes dans le bassin méditerranéen) représente l'un des fiefs de la faune et de la flore en Tunisie. En effet, le site de Dar Chichou bénéficie d'une aide de 5 millions de dinars, octroyée par le projet Medwetcost pour le préserver. Ce projet englobe dans la Méditerranée avec la Tunisie, des pays comme l'Egypte, la Palestine, l'Albanie et le Liban. Cette aire protégée renferme des lambeaux de flore originelle avec des espèces telles que le chêne Kermès, le lentisque et la calycotome velu. Elle abrite aussi des espèces rares ou en voie d'extinction comme le silène ou la coronille, le verdier (Khodhir) et d'autres espèces introduites pour l'intérêt économique comme le pin pignon, pin maritime, acacia et l'eucalyptus». Notons que cette forêt comme l'atteste le guide Forêts du Cap Bon «constitue une réserve cynégétique qui abrite plusieurs espèces faunistiques dont les mammifères (lérot, genette, mangouste etc.), les rapaces (élanion blanc, buse féroce, faucon crécerelle et circaète jean le blanc) et les reptiles (lézard ocellé, tortues et couleuvres). Plusieurs espèces comme le daim et le serval sont maintenus en semi-liberté (enclos) dans une perspective de reproduction et de repeuplement d'autres sites protégés en Tunisie». Pour ce qui est de projets des reboisement des sites sinistrés, Mme Abdelmlak a mentionné que dans les prochains jours l'Apal va collaborer avec la direction des forêts à travers un programme qui se focalisera autour des espèces autochtones telles que les chênes Kermès, les Oléas et les palmiers nains «Doums». La question foncière du domaine : un casse-tête sans fin Mais quand on parle des récentes séries d'incendies, tout le monde pointe du doigt l'épineuse question des propriétés privées qui représentent 7300 ha du site. Selon les dires des habitants de la région, il est fort probable que les propriétaires de ces terres soient derrière ces feux déclenchés vu que ces derniers sont excédés par la lenteur des procédures administratives pour leur restituer leurs biens. Slim, un enfant de la région nous révèle : «Ces incendies ne vont pas cesser si la question des propriétés privées n'est pas résolue. Il faut les comprendre ces gens, ils se sentent ignorés par les autorités, alors qu'ils ont un titre bleu légal et tous les droits». Il renchérit : «D'après les témoignages de plusieurs habitants de la région, les pyromanes ont utilisé des techniques diaboliques : ils aspergeaient les chats avec de l'essence ensuite ils immolent ces pauvres bêtes. Ces dernières paniquées courent dans tous les sens et provoquent des incendies dans plusieurs points de la forêt. D'autres ont pu filmer avec leur GSM, tout prêt du site archéologique de Kerkouane, un individu en train de déverser l'essence de sa motocyclette dans la nature pour-mettre le feu». De son côté, M. Sassi nous a déclaré: «Dans les années 60, l'Etat a signé un contrat de reboisement d'une durée de 30 ans, avec les familles propriétaires de ces domaines pour lutter contre l'ensablement des terrains agricoles. Actuellement, on est en train de négocier avec les héritiers Saâfi qui possèdent 198 ha dans la forêt d'Oued El Ksab. Nos portes sont ouvertes pour les négociations à condition que ces familles chargent un seul interlocuteur pour que les pourparlers soient efficaces. Notons que les terres qui ont été épargnées du danger des dunes pourront être restituées à leurs propriétaires. A condition que ces derniers préservent l'aspect forestier de ces terres selon les règlements et l'article 150 du code des forêts. Quant aux autres terres, un bureau d'étude va être chargé d'évaluer l'état des lieux de ces terrains, ensuite un PV d'aménagement sera rédigé par une commission du ministère de l'Agriculture pour trancher sur leur sort. Notons que l'Etat a l'intention de racheter une grande partie de ces terrains». Enfin, on clôture cette journée d'information par le témoignage de M. Mohamed Baroudi, un militant écologiste de la région et président de l'Association des amis de l'environnement d'Oum Dhouil : «Nos forêts ont toujours été victimes de dépassements, si tout le monde parle ces derniers temps des incendies qui ont touché la forêt de Dar Chichou, on oublie que cette dernière dans certains sites est polluée par des déchets domestiques. D'autre part, à l'image de notre localité Oum Dhouil, la flore et la nature passaient durant le règne de Ben Ali au second plan. Par exemple notre association a été créée sous une impulsion militante en 2007 suite à la manifestation du 18 mars 2005 qui a réuni plus 200 manifestants (dans une bourgade qui ne compte que 1000 habitants.). En effet à cette époque, les autorités locales avaient octroyé un permis à certains exploitants pour abattre des arbres plantés par les Français dans les années 40. En effet, à cette époque Oum Dhouil comptait une mine de charbon exploitée par les colons français. Ainsi, le délégué à cette époque, sous prétexte de tailler les arbres, a contribué au massacre de 26 arbres. Heureusement, grâce aux manifestants et à un certain Abdelkader Zitouni, fondateur de Tunisie verte qui était présent, on a pu sauver la majeure partie des arbres. Concernant l'avenir des ces forêts, je pense que tout doit passer par l'école. Il faut insuffler la conscience citoyenne et écologique chez nos enfants. Nos écoles restent des sanctuaires fermés et recroquevillés sur elles-mêmes. Il faut que l'école s'ouvre sur son environnement et que l'élève puisse être en contact avec la nature, l'écologie et l'amour de la nature se transmettent depuis le jeune âge». Abdel Aziz HALI