Ils nous ont longtemps fait croire que rien ne peut se faire sans eux et qu'ils sont les — uniques — gardiens du temple Film des frères italiens Paolo et Vitorio Taviani et Palme d'or au festival de Cannes 1977. Tiré d'un roman autobiographique de Gavino Ledda, un berger sarde qui se détache de la tyrannie de son père afin de devenir linguiste et écrivain. De Ledda , les frères Taviani disent : «C'est quelqu'un qui a vécu dans le silence et qui, comme rébellion, comme révolte contre le monde, comme moyen d'affirmation personnelle, utilise l'instrument son, l'instrument communication…» Padre padrone ou père patron. Pourquoi ce film ? Pourquoi les frères Taviani ? Pourquoi Gavino Ledda ? Tout simplement parce que tout ce qui se passe dans ce pays nous rappelle un peu le livre, le personnage, le drame. Parce que le père patron est au centre de notre vie, qu'il nous écrase et qu'on n'arrive pas à s'en débarrasser. D'ailleurs, on va encore plus loin en psychologie où on parle carrément de «tuer» le père. Pour être plus précis, c'est une énième déclaration fracassante d'un personnage devenu incontournable et presque folklorique de notre football qui nous a suggéré cet article. Mongi Bhar de son nom qui, relayé par des médias à sensation, se prend pour le Padre padrone, le père patron du CSHL. Et de provoquer un candidat à la présidence de ce club prestigieux, Adel Daâdaâ, en le mettant au défi de mettre 200.000 dinars sur la table s'il voulait veiller aux destinées du club. Défi relevé par le candidat qui en met 200.000 pour peu qu'il soit élu. Il n'a pas dû être très fier de sa trouvaille le Mongi Bhar, arroseur arrosé ! Mais il n'est pas le seul, le président sortant du CSHL, puisque des Mongi Bhar à la tête de nos clubs, il n'y a que ça et il n'y a qu'à voir ce qui se passe à l'Etoile, au Stade Tunisien, à la JSK et d'autres encore pour constater cet état de fait. Défi et provocation comme un signal, comme une constatation : «Seul moi suis capable de gérer et de faire vivre le club. Sans moi, c'est la catastrophe ; après moi, le déluge». Pourtant, comme ses collègues, Mongi Bhar n'en finit pas de dire qu'il a envie de partir, qu'il est fatigué, que ce n'est plus possible. Et, à chaque saison, il remet cela. Merci d'exister. Que serait le CSHL sans Mongi Bhar?! Adel Daâdaâ ou quelqu'un d'autre, c'est Gavino Ledda, ce sont ses agneaux contraints au silence. Pas tant par le président du CSHL, mais par tout un système où on doit passer par le ministre, le RCD, le gouverneur, le délégué, le omda, la milice. Jamais par les supporters, jamais par les vieux joueurs-symboles, jamais par la base. Par son geste, Adel Daâdaâ (que nous ne connaissons du reste pas) a déclenché un processus… révolutionnaire qui est la meilleure réponse à ceux qui considèrent, pour une raison ou pour une autre, qu'ils ont droit de vie ou de mort sur nos clubs. Puis, au-delà des personnes — et c'est ça le plus important — c'est tout le système qui doit changer car celui hérité et instauré par les «incontournables» est un système désuet et vicié qui a amené notre football droit au mur. Et si l'édifice s'effondre au niveau des clubs, ce sera par la suite au tour des fédérations élues par cette nouvelle race de dirigeants d'instaurer un nouveau système démocratique, transparent et efficace. Un nouvel ordre.