L'éthique financière portée à incandescence et poussée à l'extrême, c'est quand un chef d'entreprise ne peut rendre un service même à une personne très proche qui viendrait le solliciter pour un prêt. Et c'est tout à son honneur, puisqu'en érigeant cette éthique en ligne de conduite, il ne peut qu'être comptablement transparent et en règle. Gestionnaire et rien d'autre d'un patrimoine qui ne lui appartient pas, son rôle consiste à créer de la valeur à partir de ce patrimoine et rien de plus. C'est aux actionnaires qu'il revient de s'occuper des… dividendes. De fait, il y a souvent conflit d'intérêts entre le chef d'entreprise et «ses» actionnaires, du moins un certain degré de divergence quant à la transformation économique du patrimoine de l'entreprise. Pour le chef d'entreprise, le principal souci est la pérennité de l'entreprise. Son travail s'inscrit et se projette dans le long terme. Il est par conséquent tout à fait logique et naturel qu'il cherche à renforcer les ressources humaines de l'entreprise, à explorer de nouveaux marchés par ses produits, à innover afin de conférer un plus grand différentiel à ses produits… Pour les actionnaires, et c'est tout à fait normal, le but premier de leur investissement est le profit. Aussi, cherchent-ils le plus souvent à imposer leurs choix au chef d'entreprise qui, faisant contre mauvaise fortune bon cœur, ne peut y déroger… Sans doute force-t-on ici un peu le trait, mais c'est pour mieux attirer l'attention non point sur le diktat des actionnaires et son impact sur la bonne marche de l'entreprise, mais plutôt sur la nécessaire séparation qui devrait s'opérer entre le chef d'entreprise et l'assemblée des actionnaires. L'idéal serait qu'un équilibre vertueux s'établisse entre eux. Dans les deux cas, la valeur suprême servie par une éthique financière est d'être toujours au service de l'entreprise et de tous ceux qui la font au quotidien. Ce n'est pas une valeur facile à observer que de servir une entité économique foncièrement et principalement tournée vers la création de richesses. La culture de cette valeur a besoin d'une véritable ascèse, à travers les aléas d'un cheminement qui n'est jamais à l'abri d'erreurs de jugement ou d'orientations mal appliquées. C'est par une éducation permanente, au contact des réalités concrètes, que se forme l'esprit entrepreneurial, qui n'est point différent de l'esprit civique. C'est cet esprit qui façonne une économie, lui donne de la vigueur en la rendant toujours plus performante, car ne se souciant que de la création de richesses et du bon partage de ces richesses, qui lui donne sa fécondité en la rendant chaque jour plus industrieuse, plus inventive, plus innovante. Cette vigueur et cette fécondité, c'est d'elles seules que notre économie‑— et notre société — devra toujours tirer sa spécificité et la dynamique qui lui permet de compenser, aujourd'hui comme demain, l'étroitesse de nos ressources naturelles et la nécessaire maîtrise de sa croissance démographique.