L'exposition de Aïda Ben Hamouda et Fedele Spadafora, la pièce L'Isoloir et...l'ambiance C'est toujours une idée féconde de passer par El Teatro, surtout en cette période troublée par des prétextes fallacieux à toutes sortes de provocations. L'espace «Aire libre» accueille, à tout moment, une exposition, Mahmoud Chalbi qui en est l'animateur, y veille. Il a une programmation annuelle bien pensée qui n'est presque jamais interrompue, même pas par les vacances. Et le charme n'est pas seulement dû aux artistes exposants, mais à l'introduction fréquente d'une thématique originale, comme par exemple, un hommage aux couleurs. On a vu les états du blanc, ou du bleu, de façon anecdotique (pour la vue), mais aussi conceptuelle avec des problématiques qui ne manquent ni d'humour ni de profondeur. Les artistes, tout comme les visiteurs, s'y trouvent interpellés et stimulés. Première illusion Cette semaine, nous avons été conviés à apprécier un duo qui vit à New-York. La photographe est tunisienne et le peintre américain avec une ascendance italienne. Ils confrontent et associent, en même temps, leurs tempéraments et leurs pratiques, tantôt convergents, tantôt divergents, mais amusants et source de réflexion. Expliquons cela. L'une part de l'image réelle et devrait la rendre telle quelle par un objectif photographique mais elle assure un second travail de déformation des négatifs après une mise en milieu détonant de ses orchidées trempées dans l'eau , «diluées» dans un milieu étonnant. On n'a pas le fin mot du travail accompli et cela permet le charme d'une énigme. De fait, on croit voir de la peinture impressionniste ou abstraite opérée à partir de cellules corporelles. On croit voir de la peinture et c'est de la photo travaillée. C'est un détournement des codes opéré par Aïda Ben Hamouda qui fait bouger les lignes. Deuxième illusion Par contre, le peintre se présente en photographe qui peint des bols chinois avec une telle dextérité qu'on se méprend sur le travail, on croit voir l'objet lui-même saisi lors d'un voyage alors qu'il s'agit de peinture... On peut rêver. Précisons que d'autres travaux sont des témoignages plus classiques de peinture dans l'art du portrait mais on note que peinture et photo luttent pour cette aptitude et ce don de faire le portrait. Chez Fedele Spadafora, une attitude hyper-réaliste procure l'impression inverse de celle qui est donnée par la jeune femme. Le peintre passe d'emblée pour un photographe à l'objectif rigoureusement exact. Il traque le moindre détail et on cède à l'illusion de réalité. Cette inversion de leurs critères et de leurs spécialisations n'est pas le moindre charme de l'exposition, hélas trop brève car elle coïncide avec le séjour tunisien des artistes. Au passage, on peut donc espérer les rencontrer auprès de leurs œuvres et ils aiment assez discuter. C'est une des chances de cet espace de pouvoir croiser ceux qui y sont impliqués surtout vers le soir quand on va vers l'heure du spectacle. L'Isoloir et la comédie des pouvoirs En ce moment crucial de la vie tunisienne , on ne peut pas ne pas s'offrir le plaisir d'investir un instrument du vote imminent : l'isoloir selon la fantaisie d'une écriture collective pilotée par Tawfik Jebali. Très visuelle, très rythmée en séquences précises ou délirantes, la représentation enchante un public acquis certes mais qui pourra être de plus en plus large. On savoure l'humour et le côté décalé, voire provocateur. L'écriture et la mise en scène procèdent par séquences qui consistent en des utilisations diverses et détournées de l'objet isoloir qui, en fait, est aussi une scène et en même temps, bien sûr, le lieu où l'on cache ses intentions. Il est nécessaire d'aller au théâtre qui n'a jamais démérité en Tunisie. C'est l'art qui a devancé et même préparé les événements que nous vivons. C'est l'art fondateur de nos libertés. Et cette semaine-rendez-vous à El Teatro pour une triple activité culturelle: le théâtre et une exposition avec la saveur de rencontres stimulantes autour d'un thé