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«L'université a augmenté les frustrations et institutionnalisé l'ignorance»
Karim Ben Kahla directeur de l'ISCAE
Publié dans La Presse de Tunisie le 05 - 11 - 2011

C'est une des phrases choc de Karim Ben Kahla, directeur de l'Institut supérieur de comptabilité et d'administration des entreprises (Iscae), qui juge d'emblée la situation catastrophique, compte tenu du budget consacré par l'Etat, des sacrifices consentis par les familles ainsi que des efforts fournis par les étudiants. Les désillusions de tout le monde sont profondes, déplore-t-il.
Selon cet enseignant de management qui a publié des études sur l'enseignement et la gestion universitaires, le chômage des diplômés est un problème national se plaçant en tête des lacunes de l'université.
Un manque d'adéquation lourd de conséquences entre le marché du travail d'une part et la formation universitaire d'autre part : au lieu de produire les futurs cadres appelés à tenir les institutions du pays, l'université tunisienne est devenue une fabrique de chômeurs.
Cherchez le maillon faible, où se situe-t-il ? Certainement pas au niveau des programmes. Selon M. Ben Kahla, directeur d'un institut qui a formé près de 40% des experts-comptables du pays, les contenus théoriques et les plans de cours ainsi que les programmes sont similaires à ce qui se fait en Europe, et à ce que “nous imaginons être les demandes du marché de l'emploi”. Pour lui, “la question se pose au niveau de la mise en œuvre”.
D'un autre côté, les attentes du marché de l'emploi, les entreprises elles-mêmes ne les connaissent pas bien, relève-t-il, en ajoutant “si nous devons suivre les attentes de l'économie, nous n'irons probablement pas très loin. On nous demande de nous adapter aux demandes des entreprises alors qu'elles sont elles-mêmes fortement inadaptées”.
Beaucoup sont de petites entreprises pas très ambitieuses vivant de rentes et de subventions, qui ne répondent ni aux attentes ni aux besoins de la société tunisienne encore moins à ceux de l'économie mondiale. Des entreprises maintenues en vie par le biais de réseaux clientélistes. C'est le tableau que M. Ben Kahla dresse d'une partie du tissu entrepreneurial local. Il estime de ce fait que “la mission de l'université est de changer les choses et non pas de s'adapter à une réalité elle-même médiocre”.
M. Ben Kahla, qui se définit comme un militant, pense que la vocation de l'université est d'être une locomotive à l'avant-garde qui tire les entreprises et l'ensemble de la société vers le haut. Cela suppose, ajoute-t-il, que l'on fasse plus que ce que nous sommes en train de faire aujourd'hui. “Que lesdites entreprises disent avoir besoin de simples techniciens, l'université se doit d'être en mesure de fournir d'excellents techniciens, de performants fonctionnaires, et d'ingénieux médecins et enseignants”, insiste-t-il.
La massification de l'université
Mal préparée à un choix avant tout politique, l'université n'a pas été en mesure de gérer le nombre sans cesse grandissant des nouveaux étudiants. Faisant du baccalauréat et l'accès à l'université des instruments politiques, les anciens dirigeants ont fait le choix de la quantité au détriment de la qualité. Or, selon notre interlocuteur, faire une université de masse est une chose et faire une université d'élite en est une autre.
On aurait pu être plus sélectif au passage du bac, argumente-t-il. Et, en lieu et place des 400 mille étudiants mal gérés et mal formés, ils n'auraient été que 100 mille ayant les qualifications requises. Si on veut faire de l'enseignement gratuit, public et de masse relativement décentralisé avec le peu de moyens dont dispose le pays, il ne faut pas s'attendre à des résultats différents. Ainsi et en l'état actuel des choses, l'université censée être un ascenseur social n'est autre qu' “un enfonceur social”, tranche-t-il, avec son langage décidément imagé.
Une université incapable de se reproduire
Une autre réalité qui s'ajoute à la longue liste des difficultés, est le départ à la retraite de la première génération des fondateurs de l'université tunisienne. Une pénurie d'enseignants se fait sentir depuis quelques années, d'autant que les quelques leaders formés dans l'enceinte de l'université ne veulent pas enseigner. Les étudiants ne sont plus intéressés de faire cinq à six ans après la licence pour percevoir au final 1200 DT comme salaire mensuel, alors que leurs camarades qui ont choisi des carrières différentes peuvent commencer leur vie professionnelle, quand ils sont bons, avec 2 voire 3 mille dinars. “Les bons éléments ont déserté l'université et le métier d'enseignant s'est dégradé, tout comme les postes de responsabilités administratives au sein de l'enceinte universitaire”, déplore le directeur de l'Iscae.
Au fil de l'entretien, le Pr Ben Kahla évoque un triste événement qui l'a incité à s'engager dans la voie du militantisme universitaire et d'accepter ce poste de responsabilité “pour une misère”. Il raconte : “Si je prends mon cas, je considère que je fais du militantisme, je suis tombé dans l'administration en espérant améliorer les choses, parce qu'un jour alors que j'enseignais les masters, un étudiant, qui doit faire dans les 34 ans, s'est levé et a commencé à parler de sa vie, de ses frustrations, de son chômage qui dure depuis une dizaine d'années, de son père qui lui paye son paquet de cigarettes, ensuite il s'est mis à pleurer en pleine classe devant tout le monde, je suis resté médusé, je n'ai pas su quoi faire”.
“Il y a des décisions politiques à prendre et des questions à nous poser sans démagogie et sans populisme de façon ambitieuse et réaliste à la fois: qu'est-ce que nous voulons faire de l'université?”
L'université est devenue selon lui, un instrument de propagande et de politique politicienne. “Lorsque nous créons un institut des langues dans une région à l'intérieur du pays alors que nous n'avons pas les ressources humaines habilitées à enseigner ces matières et que les enseignants même originaires de cette région refusent d'y rester et préfèrent être à Tunis, nous allons droit dans le mur”.
Quant aux Tunisiens, il y a un choix à faire, ou bien l'enseignement est gratuit et le diplômé est voué à rester chômeur ou bien il faudra investir de l'argent, même moyennant un crédit, pour récolter au bout du compte un diplômé bien formé, habilité à briguer les meilleurs postes. “Malgré les difficultés, les Tunisiens investissent dans les études de leurs enfants, nous avons cette mentalité”, ajoute M.Ben Kahla, convaincu.
La vocation de l'enseignement supérieur est de former des leaders, malheureusement pour l'heure et comme nous le savons tous, ce n'est pas le cas. Et les quelques leaders que l'université tunisienne arrive à former partent à l'étranger de leur gré ou bien les entreprises tunisiennes n'en veulent pas, donc ils sont forcés à s'expatrier de toute façon.
Une autre option s'offre à la Tunisie, favorisée par sa position géographique, et lui permettrait de drainer des fonds : le tourisme académique, qui est un secteur très juteux, “il suffit de mettre de bons cursus et de bons diplômes; la Tunisie peut former pour l'ensemble de l'Afrique et pour la Méditerranée”.
Au final de l'entretien, le directeur de l'Iscae, rompu aux problèmes de l'université tunisienne au quotidien comme à ceux qui relèvent des grandes orientations nationales, propose de revoir le système d'orientation qui est du reste un système équitable, puisqu'il tient compte des besoins du pays, des vœux des étudiants ainsi que de leurs compétences, mais qui pourrait être amélioré.
Il propose de revoir l'ensemble du système de formation à partir du cycle primaire. Comme il propose de permettre à l'enseignement supérieur privé de s'épanouir tout en assainissant la concurrence, et d'encourager des formes d'enseignements semi-gratuites encore faut-il avoir le courage politique de le faire. Il ne manque pas d'insister sur la revalorisation de la profession et de renforcer l'attractivité de l'université. Il souhaiterait également “qu'on arrête de tirer sur les responsables parce qu'au point où vont les choses, personne ne voudra plus accepter le moindre poste de responsabilité”.
M. Ben Kahla en appelle au secteur privé entrepreneurial pour mettre la main à la pâte, en parrainant des stages, en payant des bourses à l'étranger, et pourquoi pas en finançant les bibliothèques des universités qui sont pour l'heure tristes à pleurer.


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