Par Mohamed DAMAK La nature de l'étape postélectorale de la Constituante exige une priorité absolue pour la rédaction d'un texte constitutionnel à caractère juridique et neutre, traduisant un référentiel compatible au développement de tout programme de gouvernance politique par les partis, quelles que soient leurs couleurs. Partant de ce postulat, tous les partis élus à l'Assemblée nationale constituante ayant pour charge primordiale l'élaboration de la Constitution, sont appelés à : – Se démarquer de leurs références idéologiques respectives ; – S'engager à être fidèles à la réalisation effective des objectifs de notre révolution sociale. L'obligation d'adopter ces deux hypothèses préparerait nécessairement le traitement des principaux axes thématiques de la Constitution, à savoir les principes généraux, la charte des libertés et des droits, la structure des pouvoirs et le dispositif démocratique et ses moyens de contrôle. Je crois profondément que la majorité des articles de notre nouvelle Constitution ferait l'objet d'un consensus partagé par tous les acteurs politiques, ambitionnés par l'institution d'un Etat civil, démocratique et décentralisé où, particulièrement, il y aurait une généralisation du principe électoral à tous les niveaux local, régional et central. Il est certain que l'acceptation de ce contenu consensuel majoritaire ne devrait pas prendre beaucoup de temps. Toutefois, on doit reconnaître que quelques articles feraient l'objet de débats contradictoires, notamment ceux relatifs à l'identité du peuple, le régime de gouvernance politique, un petit nombre de principes des droits et des libertés et enfin quelques mécaniques démocratiques ainsi que ses modalités de contrôle. Par ailleurs, en plus de cette mission centrale relative à l'élaboration de la Constitution, il est impératif de mettre en place un programme économique et social transitionnel, transparent, réalisable et clair au large public. La simplification du diagnostic et de la mise à disposition des moyens nécessaires à ce programme, durant la période convenue (plus ou moins une année), permettrait un contrôle positif des membres élus de la Constituante ainsi que de toutes les familles de la société civile, opérant un contre-pouvoir constructif. Il est donc possible de proposer dix points fondamentaux à ce programme qui doit accorder une attention très particulière à l'atténuation des déséquilibres régionaux : 1-La composition d'un gouvernement politique qui inclut des partis et des compétences technocrates, adoptant ce programme et assurant un climat socio-économique consensuel, avec une contribution manifeste des différentes organisations nationales 2-L'assurance d'une justice transitionnelle préalable à une conciliation nationale 3-Un soutien socio-économique des chômeurs et une indemnisation des familles nécessiteuses 4-Un examen efficace et rentable de la problématique du chômage 5-Une assimilation de création d'entreprises à une création d'emplois dans une approche transversale regroupant tous les départements ministériels concernés (agricoles et halieutiques, industriel et de services, et notamment dans le domaine des IT), octroyant des avantages financiers, fiscaux et sociaux exceptionnels (zéro fiscalité et exonération totale des charges sociales patronales sur les trois premières années) 6-Une amélioration des taux d'encadrement et de qualification des entreprises existantes et opérationnelles, devant se rapprocher des normes internationales, notamment dans les secteurs industriel, touristique et de services 7-L'institution d'une structure gouvernementale, représentant les ministères concernés par la réalisation d'investissements locaux et étrangers, finançant de grands projets privés et publics et induisant de nouveaux emplois 8-Un programme de retraites anticipées bien étudiées, pour les métiers pénibles, permettant un recrutement de remplacement de jeunes mis à niveau sur le plan professionnel 9-Repenser la relation structurelle entre le pouvoir d'achat des ménages et le niveau général des prix sous l'impact négatif des politiques en vigueur de la caisse de compensation et des réseaux de distribution, notamment sur les biens et services fondamentaux 10-La création d'un Fonds national de réparation des préjudices des martyrs de la révolution et des familles lésées durant la gouvernance du régime déchu La spécificité de ce programme économique et social transitionnel et sa compatibilité avec la nécessité de rédiger une Constitution à caractère juridique et neutre devraient faciliter la mise en place d'un texte de loi organisant les pouvoirs publics et d'un règlement intérieur de la Constituante, déterminant les règles de conduite techniques relatives à : – L'élection du président de l'Assemblée nationale constituante et des comités spéciaux, chargés de missions constitutionnelles, législatives et de contrôle du gouvernement transitionnel ; – La définition des missions du président de la République et du Premier ministre. Partant, le programme économique et social transitionnel constituerait une base d'harmonisation des choix des membres du gouvernement, proposés par le Premier ministre et approuvés par la Constituante avec l'aval de la société civile. Une telle orientation aurait le mérite d'être animée par un dénominateur commun conditionné par les exigences de souveraineté nationale, seule issue à faire réussir notre processus démocratique. C'est également la traduction d'une profonde conviction, consciente d'une situation politique qui a fortement besoin de renforcer une maturité politique en gestation. Pour se développer, cette maturité politique se doit d'exercer le pouvoir et la construction afin de dépasser l'état d'esprit revendicatif qui était l'unique forme d'exercice politique sous la domination du régime déchu. Alors, la clé de réussite cruciale de cette phase de gouvernance transitionnelle est, en partie, entre les mains d'une opposition au sein de l'Assemblée nationale constituante dont le statut devrait être celui d'un partenaire, moyennant une mission de contrôle constructif. Cette issue pour la réussite du processus démocratique ne serait que la première phase car, en arrière plan, l'enjeu majeur qui s'ensuit, porterait sur de grands débats politiques qui feraient émerger une nouvelle configuration de notre paysage politique. Va-t-elle être fragmentée ou réunie ?