Hassen Soufy est un homme fidèle à ses amis, à ses repères, à ses souvenirs, à ses convictions. Il a mis 40 ans avant d'accepter de quitter l'appartement-atelier qu'il occupait en plein centre-ville, devenu inaccessible, et encore, il l'a mis à la disposition de son fils. Aujourd'hui encore, il ne cesse de retourner se promener dans ce quartier familier. «J'aime les choses patinées», dit-il. Il continue de fréquenter avec fidélité les mêmes amis artistes comme du temps où il était le petit benjamin de l'Ecole de Tunis et de peindre son univers, faisant fi des modes et des engouements. Aussi, est-ce tout naturellement qu'il revient exposer fidèlement à l'Atrium, séduit par la lumière et l'exposition exceptionnelles de la galerie. «Klee, Macke, Delacroix sont venus trouver cette lumière chez nous. Comment ne pas s'y perdre?», s'interroge-t-il. Pour cette nouvelle rencontre avec son public, un public fidèle, qui fréquente son atelier, suit son travail, lui fait confiance et l'accompagne, il a choisi d'évoquer la nature toujours renouvelée. «Voluptueuse Nature» est le joli thème que propose cet épicurien, au sourire d'éternel gamin, qui n'est jamais aussi sérieux que lorsqu'il a l'air de plaisanter «L'homme et l'artiste, parce qu'il est le plus sensible des hommes, est lui-même un concentré, un microcosme de la nature. On décèle ces similitudes, ces interactions, à condition d'être vigilant. Car ce qui est profond aime à être masqué. Si on n'est pas à l'écoute de la nature, elle ne se livrera pas. C'est à l'artiste d'établir un lien émotionnel. Tout le génie des peintres d'estampes japonais, mais aussi des impressionnistes, réside dans cette intimité consentie et réussie avec la nature. Et le public, qui consent à patienter des heures dans le froid et sous la pluie, pour voir “Les Nymphéas” de Monet, ou une nature morte de Cézanne, le sait bien». Et Hassen Soufy, qui aime bien rendre hommage aux maîtres de l'Art et de la littérature, n'hésite pas à citer Baudelaire : «Aimons-nous dans l'Art comme les mystiques s'aiment en Dieu». Car l'amour de l'art serait pour lui la solution de nombreux problèmes, dont ceux que nous vivons actuellement. «Le rôle de l'Art dans la vie est primordial, central, émancipateur, fédérateur. L'espace artistique est le seul espace qui peut concilier toutes les idéologies, où les tensions, les violences, les fanatismes, les intégrismes tombent. Il faudrait tenir des forums artistiques dans la rue. L'avenir de l'art est aussi important que l'avenir politique» En attendant de convaincre sit-ineurs et autres manifestants, Hassen Soufy continue de peindre ses délicates natures mortes, lumineuses et solaires, ses portraits de jeunes filles en fleurs et ses paysages aux couleurs d'un espoir toujours renouvelé.