Par Mohamed Salah SOUISSI Permettez à un citoyen tunisien, au même titre que vous l'êtes, de vous féliciter, au passage, pour la confiance que les Tunisiens vous ont accordé pour les représenter au sein de votre prestigieux conseil. Permettez-lui de vous rappeler que la mission de cette instance est celle de définir les fondements de l'Etat, qui est une institution administrative capable d'intégrer et de réunir tous les citoyens, sans ségrégation ou exclusion, afin de gérer leurs intérêts, leurs affaires et leurs relations communes, de la manière la plus saine et la plus efficace. Certes, la tâche n'est pas aisée, étant donné l'obligation du respect que nous devons tous et sans distinction aucune aux droits et aux devoirs, s'agissant surtout de l'intégrité physique, morale, mentale et spirituelle de chacun. Pour cette raison, votre mission est celle de concilier et non d'opposer les avis, les opinions et les convictions profondes, sans avoir à les fixer, à les catégoriser ou à les diriger. Votre neutralité à cet égard est, par conséquent, la règle. Seule une règlementation et une législation issues d'une large concertation est retenue et admise pour la résolution des conflits d'intérêts communs et publics. Toutefois, nulle attitude ne peut faire prévaloir ou faire référence à une quelconque stricte conviction de caractère personnel contraire aux valeurs humaines, communément, scientifiquement et universellement établies. Le Conseil constitutionnel, en tant que tel, n'a aucun droit de définir, d'imposer, d'encourager ou de faire la propagande pour une référence confessionnelle, qui est une liberté d'ordre purement personnel, privé et intime. Une telle référence n'engage que la liberté et la responsabilité de l'individu, sans toutefois perturber ou porter préjudice à la vie publique. Ainsi, pour être respecté, et pour faire preuve de respect envers vos électeurs, vous devez éviter de vous positionner par rapport à une question qui ne peut en aucun cas vous concerner. La religion d'un citoyen tunisien ainsi que son identité culturelle ne sont pas votre affaire. Que vous les lui précisiez ou qu'il vous les précise est une offense à sa liberté, à sa personnalité et à son intimité. Vous n'êtes pas les porte-parole de sa foi, et jamais vous ne le serez. Ne touchez pas à sa liberté de penser. Ne le réduisez pas à ce que vous pouvez décider pour lui. Gardez vos distances et votre impartialité, pour qu'il ne se sente pas menacé ou agressé. Ne touchez pas à ses idées tant qu'elles ne sont ni à vendre ni à acheter. N'oubliez pas qu'avant d'être tunisien, il est un homme. Espérons que vous êtes suffisamment intelligents pour comprendre ce message d'un modeste citoyen tunisien. Un citoyen qui ne vous pardonnera jamais de prendre place dans la sphère qu'il est désormais seul à partager jalousement avec son créateur.