Tout individu a parfois des troubles psychiques à un degré ou à un autre. Tout le monde est anxieux, irascible ou déprimé de temps à autre, et il n'y a rien là d'alarmant. Mais, parfois, les sentiments échappent à notre contrôle, ils persistent, alors que la cause est minime, voire inexistante, ou encore ils prennent la forme de troubles psychologiques mettant leur vie en danger surtout lorsqu'il s'agit de schizophrénie, de phobie, de psychose, de dépression ou de névrose. D'où l'importance des nouveaux traitements et des progrès spectaculaires de la psychiatrie et de la santé mentale. Au service de psychiatrie de Kairouan, à titre d'exemple, on a enregistré au cours de l'année 2011, 7.845 consultations et 517 hospitalisations, sachant que la capacité d'accueil de ce service qui dépend de l'hopital Ibn El Jazzar, est de 34 lits, soit 0,02 lit pour mille habitants. En outre, le taux d'occupation global est de 90,28% et peut atteindre les 120% pour le pavillon homme. En effet, l'aire géo-démographique du secteur de ce service, situé à une centaine de mètres de l'hôpital Ibn El Jazzar, comporte les gouvernorats de Kasserine, Gafsa et Kairouan, avec une population totale de 1.400.000 habitants sachant que ces régions frontalières avec l'Algérie sont défavorisées et caractérisées par une prévalence élevée de morbidité psychiatrique. De ce fait, l'étendue géographique du secteur est importante du fait que la distance entre ce service hospitalier et le lieu de résidence la plus lointaine peut atteindre les 300 km. Absence de capitonnage des murs et de détecteurs de fumée Pour avoir une idée plus précise sur la situation générale de ce service, nous nous y sommes rendus récemment et nous avons été agréablement surpris par la propreté des lieux, mais aussi frappés par la vétusté et l'exiguïté des différents pavillons. Au milieu de la cour principale, embellie par beaucoup de verdure et dotée de banquettes, des résidents étaient en train de courir, de s'amuser et de plaisanter. Dr Rachid Atallah, chef de service, nous explique que cette sortie quotidienne en plein air leur fait beaucoup de bien et leur procure une détente bénéfique : «Et puis, notre rôle, en plus des traitements, est de remonter le moral des patients, de discuter avec eux et de les rassurer. Ainsi, la guérison sera plus rapide. En fait, il se crée de jour en jour, entre eux et nous, un climat qui favorise les échanges, la compréhension et surtout la confiance avec une résonance bien plus vite qu'au dehors…». D'un autre côté, Dr Atallah nous explique que la durée moyenne de séjour est de 20,56 jours, due surtout à l'allongement du délai de recours aux soins, à la résistance au traitement neuroleptique conventionnel, et au manque d'implication de la famille. Par ailleurs, le taux de récidive et de réintégration atteint parfois les 40% et qui serait en rapport avec l'absence de structures intermédiaires, la mauvaise observance thérapeutique et la défaillance dans la prise en charge du patient en dehors de l'institution. D'autre part, on enregistre parfois une diminution de la qualité des soins des patients psychotiques hospitalisés, car ils sont parfois contraints de sortir prématurément du service avant la guérison complète, en raison de l'absence d'une assistance sociale dans le service et de l'insuffisance de sécurité dans les chambres d'isolement. Notons que seuls 5 médecins spécialistes et 24 cadres paramédicaux sont affectés dans ce service, ce qui est insuffisant. «Un meilleur suivi après l'hospitalisation et le renforcement du cadre médical seraient souhaitables afin d'assurer une bonne démarche tournée vers l'avenir. En outre, on a créé en 2008 une unité composée de 5 chambres d'isolement pour les malades dangereux. Or, jusqu'à présent, cette unité, qui a amputé le service d'un grand espace, n'a pas fonctionné faute de personnel, de capitonnage des murs et de détecteurs de fumée…», ajoute Dr Rachid Atallah. Projetde coopération avec le centrehospitalier Alpes Isère (France) Le 7 janvier courant, une délégation représentant le centre hospitalier Alpes Isère et présidée par le Pr Pierre Micheletti, ancien président de «Médecins du monde», a affectué une visite de 3 jours à Kairouan où elle a eu des entretiens avec le directeur de l'hôpital Ibn El Jazzar et le chef de service de psychiatrie. La visite de cet établissement hospitalier, l'observation des activités d'animation et les réunions de travail qui s'ensuivirent ont abouti à la conclusion d'un projet de coopération entre le centre hospitalier Alpes Isère et le service de psychiatrie de Kairouan. L'objectif de cette coopération est d'échanger les expériences, de préserver les acquis déjà réalisés et de promouvoir les divers aspects de la santé mentale.