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Des idées qui en disent long sur le retard des Arabes Vient de paraître : L'image de l'Occident chez les intellectuels nationaux au XIXe siècle, de Moncef Chebbi
«A l'heure où le débat dans les pays arabes sur les moyens de rattraper leur retard, surtout scientifique et technologique, bat son plein et où apparaît clairement le flou entretenu dans la manière d'agir face à la montée de l'intégrisme, Moncef Chebbi a cru nécessaire de publier la thèse de doctorat soutenue à l'Université de Reims, en juin 1983. Forcément, les éclairages et les angles de vue ne sont plus tout à fait ce qu'ils étaient à l'époque. Mais il n'a pas succombé au désir de mieux repenser, mieux réécrire, préservant toutefois l'intégrité du texte original, n'y ajoutant que très rarement quelque détail explicatif.» Le voyage d'Ahmed Bey en France s'inscrit dans la logique du rapport de force entre la plus grande puissance du bassin méditerranéen et une régence faible qui traîne encore, malgré de nombreux signes d'indépendance, un vieux rapport de vassalité à l'égard de la Sublime Porte, siège du Grand empire ottoman. Le prise d'Alger vient annoncer, en 1830, la fin d'une époque d'équilibre apparent et d'une intervention indirecte de l'Occident dans les affaires des pays du Maghreb. La puissance française, prenant pied sur les rivages de l'Algérie, menace d'étendre son rayon d'action bien au-delà des frontières incertaines qui séparaient cette province ottomane de sa sœur et néanmoins rivale, la province de Tunis. Le pouvoir husseïnite, la maigre classe politique et la mince frange d'intellectuels tunisiens comprennent qu'un jour ou l'autre, la France tentera de mettre la main sur le pays. Comme pour l'occupation de l'Algérie, il lui suffira d'un prétexte quelconque pour passer à l'action. Ils vont donc s'efforcer de préparer la parade à cette triste éventualité envisagée avec frayeur. Car il s'agit bien de la chrétienté qui se prépare, selon un plan agressif, à lancer ses assauts contre tous les bastions du monde musulman. Le pouvoir beylical cherche à éviter cette confrontation en éliminant, dans sa politique intérieure, bon nombre de facteurs qui peuvent irriter ses puissants interlocuteurs européens. En parallèle, l'idée de réforme fait son chemin dans l'Etat huseïnite, Ahmed Bey envisage une modernisation des structures du royaume mais il ne s'en donne pas les moyens. Il commence par l'armée qu'il dote d'un encadrement européen et même de quelques pièces d'artillerie de création très récente. Une école polytechnique et militaire est fondée au Bardo, une année seulement après son arrivée au pouvoir. Un homme est nommé professeur d'arabe qui aura sur la pensée tunisienne une influence déterminante, cheikh Mahmoud Qababou. L'identité arabo-musulmane et… la décadence La réforme tunisienne se développe sous la poussée des événements. Certains intellectuels et hommes de lettres resteront enfermés dans le rapport antagonique séculaire entre l'Islam et la chrétienté. Ils réfuseront de lever les yeux sur ce que la nouvelle civilisation occidentale apporte à l'humanité tout entière. Leur attitude très proche du wahabisme, quand bien même elle s'en démarque officiellement, veut trouver dans la redécouverte dans les sources de la foi de la culture islamique tout ressort nécessaire au renouveau du monde musulman. Dans ce cas, le problème de l'identité masque les véritables raisons de la décadence. Quelques-uns ont pensé au contraire que les jeux étaient faits. Désormais, l'Occident a pris une telle avancée sur les plans de la technique, de la puissance financière et militaire qu'il est vain de chercher à la rattraper. Le problème de l'identité n'est plus dans leur démarche qu'une vague référence destinée, avant tout, à faire taire les critiques. Combattre le dogmatisme religieux en premier est devenu le postulat des réformateurs imbus de modernisme. A leur tête, le général Kheireddine Pacha qui avait pour disciples Ben Dhiaf, Beyram V, Selim Bouhageb, Mahmoud Snoussi, Ali Bouchoucha, Soliman Haraïri, Brahim Riahi, les généraux Rostom, Zaouche et Hussein, et surtout Mahmoud Qabadou. Ce mouvement sera à l'origine de la création, en 1907, du parti «Tounès Fatat» (Jeunes Tunisiens) d'Ali Bach Hamba. Il est nécessaire pourtant de procéder à une investigation profonde, tant dans la société malade que dans celle susceptible de fournir un remède, une recherche des raisons qui ont causé la décadence des pays de l'Islam et la prospérité de la civilisation occidentale. Se nourrir à la source du savoir européen ne signifie pas pour autant perdre son identité culturelle. ———————— L'image de l'Occident chez les intellectuels nationaux au XIXe siècle, de Moncef Chebbi - MC Editions - Tunis 2011