Par Najet TOUIL SASSI Le 14 janvier 2011, une liberté réelle, un droit authentique et une vraie dignité ont fait leurs derniers kilomètres pour venir en Tunisie, où ils étaient l'apanage d'une minorité qui leur donnait le sens qu'elle voulait, aux personnes qu'elle voulait, à Tunis et plus précisément sur l'avenue Bourguiba. Ce jour-là, la Tunisie s'est libérée d'un régime autoritaire et cela ne faisait aucun doute. Ce jour-là, les Tunisiens jeunes, vieux, riches, pauvres, instruits, analphabètes, citadins, ruraux tous étaient là pour dire «dégage» à la dictature, au mépris du peuple, du droit et des lois, à l'irrespect, à l'inégalité, à la corruption, au pillage du pays, aux passe-droits dans tous les domaines et à l'impunité totale. Tous étaient là pour dire oui à la liberté sous toutes ses formes, à la dignité, à la considération, au respect et à l'égalité de tous devant la loi. Le spectacle du drapeau tunisien, des pancartes et des bras levés, toujours émouvant aujourd'hui est, à juste titre, qualifié d'historique chaque fois qu'il est évoqué en Tunisie ou à l'étranger. Ce spectacle de tous les Tunisiens unis pour une même cause et un même but, semblait présager d'une Tunisie nouvelle où il ferait bon vivre, une Tunisie qui rassemblerait le peuple, toutes tendances confondues, dans la liberté, la dignité, l'égalité, la légalité et le respect de la loi, de l'Etat et des institutions. Une Tunisie soucieuse de son indépendance, de son développement économique et social, de son équilibre intérieur et extérieur et du caractère particulier de son expérience que lui confère son histoire, vieille de 3000ans et qu'aucun pays, si développé ou riche fût-il, ni personne ne peut nier ou remettre en question, l'histoire étant «définitivement» indélébile. Mais qu'en est-il aujourd'hui, une année après la révolution? Aux dires des spécialistes, l'état des lieux n'est pas tout à fait rassurant. Côté social, on estime que les promesses faites, surtout pour rassurer, tardent à se concrétiser, essentiellement pour ceux dont l'âge avance et qui sont toujours et encore en attente d'un emploi. Pourtant, la majorité d'entre eux répondent aux critères de recrutement dans et hors Fonction publique. Ils attendent, pour mettre fin aux différents mouvements de protestation, qu'une oreille attentive réponde positivement et rapidement à leurs doléances ou du moins leur fournisse des explications convaincantes car crédibles. Côté économique, les nombreuses «clés mises sous la porte» ont aggravé la crise générale que connaît notre pays mais également mis au jour les lacunes, d'une grande partie des Tunisiens, en matière de culture économique, politique, juridique et sociale. Des lacunes volontairement accentuées, pendant plus de deux décennies, pour mieux contrôler le peuple et le maintenir dans l'ignorance du droit et des lois surtout si l'on sait que, sans culture, l'ordre social ne peut qu'être perturbé et donner lieu à des agissements inciviques et incontrôlés donc nécessairement nocifs pour tous. Côté politique, c'est «l'effervescence» mais pas forcément «l'aisance» dans la mesure où la politique est par excellence le domaine des belles paroles, celles que le citoyen veut entendre et auxquelles il croit(d'où les réactions lorsque leur concrétisation tarde à se faire), celui de l'inflation, voire l'abus, de langage pour gagner du temps et la sympathie de ceux qui écoutent et qui croient en ce qui est dit, ce sont des promesses exagérées et de tout ce qu'il ne coûte rien de dire surtout si l'on est assuré de ne pas rendre des comptes même si l'on a fait une grave erreur d'appréciation. En politique, et c'est là une caractéristique des pays de dictature, on est assuré de cette «impunité politique» qui oblige les responsables des pays «dits démocratiques» à tant de prudence dans leurs choix et leurs discours publics et parfois même privés comme ce fut le cas ,récemment, de deux présidents célèbres qu'il est inutile de nommer. En ce moment, chez nous, l'amalgame politique est telle qu'on ne sait plus où donner de la tête, qui croire, qui ne pas croire et comment reconnaître les vrais problèmes des faux. Ce qui se passe dans l'hémicycle est, à ce propos, assez édifiant et n'est pas fait pour rassurer le peuple au nom duquel on agit et auquel on affirme mettre en place la deuxième Constitution d'une Tunisie libre, démocratique, égalitaire et respectueuse du droit et des lois. Aujourd'hui, chez nous, on a l'impression que tout le monde a quelque chose à dire mais que personne n'écoute personne et que chacun en fait à sa tête, comme ce qui se faisait sous l'ancien régime auquel s'appliquait fort bien le proverbe africain(n'est-on pas en Afrique d'ailleurs!) qui dit: «tu peux cogner à la porte d'un sourd, il continue à dormir». Pourtant, les partis politiques, pour légitimer leurs décisions, disent agir au nom du peuple et pour son bien. Ce peuple dont une grande partie est toujours au chômage, ne voit toujours pas le bout du tunnel tant il entend tout et son contraire. Ce peuple aimerait voir posés les vrais problèmes, ceux qui lui permettront, à moyen et long terme, de trouver du travail pour vivre dignement, assurer à ses enfants un avenir certain garanti par une formation réelle et compétitive, vivre dans un environnement débarrassé de toute forme de pollution, mis en valeur à l'instar des régions côtières du pays et régi conformément au droit et aux lois. Ceci pour contribuer au développement du pays mais aussi pour profiter équitablement de ses richesses naturelles et autres. Ce peuple aimerait vivre dans la paix et la sécurité pour tous afin de montrer à tous ceux qui ont applaudi, sincèrement, la révolution tunisienne qu'il est capable de monter les marches de la démocratie sans recourir à la force, à la violence et aux abus de toutes sortes. Un nouveau gouvernement vient de prendre les rennes du pouvoir, promet de faire ce qui est en son pouvoir et ce que lui permettra la conjoncture nationale et internationale. Wait and see, dirait un anglais.