Par Fethi FRINI* La Syrie explose ! La Syrie se consume ! La Syrie se meurt ! Mais voyez un peu ce qu'il en est résulté comme dégâts. Dégâts ! C'est peu dire, mais quel sens ont encore les mots pour le cas de la Syrie, pour ce peuple frère mutilé, pour ce sacré pays meurtri? Quoiqu'on en dise, quoiqu'on en écrive, on a toujours l'impression d'être grandiloquent, continuant encore de dédramatiser la situation, de sous-estimer le drame, sinon de passer à côté de l'événement. Pourtant, on se doit, on a le devoir de dire la Syrie, de dire sa douleur, de dire surtout l'espoir, aussi mince soit-il, que cessent enfin les actes de violence de part et d'autre, entre les «belligérants», et de voir le peuple syrien frère, un jour très prochain, sortir au plus vite de cette mauvaise passe avec le minimum de dégâts, et le maximum de raisons, surtout pour se relever et puis se prendre aussitôt en charge. Une obsession suicidaire La Syrie ne peut, ne doit pas disparaître, du moins, de la carte du monde arabe, même si, aujourd'hui, ses principaux fossoyeurs seraient avant tout les Syriens eux-mêmes, ceux qui jouent le jeu des Grands de ce monde, ou alors qui continuent de gérer, par personnes interposées, les intérêts des parties prenantes au conflit ,au beau milieu d' une région habituellement chaude, objet de tant de convoitises, jamais à l'abri de dérapages incontrôlables. Des Syriens, voyant leur pays continuellement mis à feu et à sang avec quelque 7.000 morts et des milliers de blessés et d'emprisonnés déjà recensés selon les chiffres émis, le tout, côté pouvoir pour de soi-disant intérêts éminemment stratégiques à défendre. Des Syriens qu'une obsession suicidaire, se manifestant en de grands actes désespérés, semble habiter depuis des années sinon des décennies pour mettre à genoux un pouvoir longtemps jugé dictatorial. Obsession alimentée, vraisemblablement, tant par certains milieux, toujours à l'affut, qui ne rateraient aucune occasion pour jeter de l'huile sur le feu, ou qui se voudraient préoccupés par le sort du peuple syrien. Que reste-t-il de ce bastion arabe ? Mises à part, les statistiques macabres quotidiennes ou bien les images prises à partir des téléphones portables et retransmises en boucle par les chaînes satellitaires arabes d'informations avec leur lot quotidien de morts et de blessés, que reste-t-il de cette grande Syrie, de ce bastion arabe ? Qui aurait longtemps tenu tête, qui se plierait, pour un temps, aux contraintes, qui se soumettrait aux exigences du moment mais ne rompt jamais ? Qui n'aurait jamais ménagé pour autant ses efforts, pour soutenir les grandes causes de la région qu'elle aurait estimé à même d'être défendues ? De voler, à l'occasion, au secours des uns ou alors offrirait volontiers l'asile à d'autres? Revenir à de meilleurs sentiments Tout a été dit ou presque sur la genèse et les péripéties de ces affrontements malheureux, de ces troubles fomentés sinon de ces violences perpétrées, c'est selon, quand des villes entières se soulèvent, quand des militaires dissidents s'en mêlent ou quand d'autres, à la solde de telle ou telle partie prenante, s'y insinuent, de près ou de loin. Tant et si bien que le Conseil de sécurité s'en est saisi après que la Ligue arabe, de son coté, ent tenté, en vain, de faire en sorte que les parties au conflit reviennent à de meilleurs sentiments. On signe des accords, dès lors que les conditions semblent réunies, pour l'envoi d' observateurs sur les lieux, et on autorise des journalistes à s'y rendre pour en témoigner. Seulement, ni les uns ni les autres n' ont jamais été respectés. Et, concernant les journalistes, on n'en a même agressé quelques -uns, quand on ne les a pas tués. A peine un moment où l'on vient à signer un accord de cessez-le-feu que des actes de violence reprennent de plus belle, venant aussitôt remettre tout en cause. Tout est mouvant et précaire, tout est instable et ingérable, dans une situation devenue explosive. Tout ceci n'a en rien favorisé le dialogue entre les parties en conflit,car l'une cherchant à asseoir sinon à étendre son autorité pendant que l'autre tente, avec les moyens du bord, de la déloger pour s'y substituer. Pour la révision d'un système La cessation des hostilités, en fin de compte, ne relève-t-elle pas de la révision d'un système politique, de la remise en cause d'un positionnement stratégique qui n'aurait plus de raison d'être ?Les vents favorables ,qui auraient longtemps soufflé dans la région jadis, ont bien tourné et les conditions ne seraient plus aussi propices. Car tout en étant antidémocratique, le système politique en place en Syrie a plus ou moins bien fonctionné jusqu'au moment où il s'est avéré que le montage institutionnel actuellement en vigueur est devenu caduc, sinon inadapté. Tout est là : la révision du système institutionnel syrien est incontournable, quels que soient les hommes qui seront encore au pourvoir ou que le peuple une fois libéré de son joug aurait alors porté de lui-même au pouvoir. Là n'est qu'un prétexte qui, en fait, a servi de révélateur du marasme que vivrait la Syrie, depuis longtemps déjà, dont la prospérité économique, toute apparente, du fait du tourisme, du commerce ou du pétrole, tout en étant loin de profiter à toute la composante nationale. Un espoir dans une longue nuit sanglante Y aurait-il fallu quelque douze mois d'affrontements meurtriers tant de drames au quotidien, pour qu'un espoir—aussi mince soit-il—apparaisse dans une longue nuit sanglante ? Ou, laisser croire enfin qu'il serait possible d'arrêter le massacre à l'artillerie lourde, de mettre fin à la tragédie qui déchire le pays, aux moindres frais, sans gains substantiels, pour autant? Dans ces conditions ,disons que tous les obstacles seraient alors franchis. Tous ? Ce ne serait pas toujours évident, loin de là. Même si les accords conclus ou les promesses faites, ne semblant pas satisfaire toutes les parties, et encore, avaient-ils néanmoins le mérite d'exister et d'entretenir l'espoir. Et, à défaut, de constituer un point de départ intéressant pour tenter de mettre fin au conflit ou, du moins, à pousser les parties en présence vers la table des négociations, au tant que faire se peut. Et, sans doute, préparer enfin le terrain à un travail ultérieur, à une approche en profondeur permettant d'asseoir toutes les composantes en vue de restaurer l'autorité de l'Etat, un Etat qui n'avait plus d'attributs que le nom, et de garantir le droit à l'autodétermination au peuple syrien, longtemps spolié du moindre de ses droits et en qui, d'ailleurs, il aurait placé tous ses espoirs. Un grain de sable dans l'échafaudage Mais un grain de sable allait faire basculer tout cet échafaudage alors qu'on commençait seulement à en poser les éléments. Le grain de sable, en l'occurrence le veto excipé conjointement par deux superpuissances alliées stratégiques, la Russie et la Chine, lors de la tenue du Conseil de sécurité pour l'examen du cas syrien ; lesquelles, pour une fois ,se seraient conduites en alliées indéfectibles. Il fallait le faire ! Outre le fait d'avoir largement ouvert une crise internationale aux effets incalculables, nécessitant alors une mobilisation quasi générale, tout autour des amis de la Syrie ,des parties prenantes au conflit, placée sous le haut patronage des Etats-Unis et qui s'est tenue ces jours-ci dans la Capitale tunisienne. Les Etats arabes, au premier plan, mais aussi toute la communauté internationale réunie, ne doivent plus faire le jeu des Grands de ce monde, mais se devaient plutôt de se déterminer sur le sort de la Syrie. Ainsi, la responsabilité des uns et des autres ne risque-t-elle pas de devenir histoire. La voix de la raison Aussi, faudrait-il procéder par des approches qui laissent entrevoir des possibilités de solutions, pour amener les parties belligérantes à composer, à déblayer le terrain et à ouvrir la voie au dialogue. Restaurer dans un premier temps le calme, le cessez -le- feu définitif qu'on n'a pas réussi, malgré les efforts des uns et des autres, à rétablir pour s'asseoir ensuite sur la table des négociation et engager enfin un dialogue franc et sincère entre des frères devenus, malencontreusement, ennemis .Oui, de préférence autour d'une table syro-syrienne, pour que les parties prenantes au conflit se prennent en charge, car connaissant mieux que quiconque les tenants et les aboutissants du dossier syrien. Ou du moins , tenter ensemble d'explorer toutes les possibilités pour surmonter la mauvaise passe et, pourquoi pas ,laver son linge sale en famille .En somme, privilégier la voie du dialogue pour faire taire au plus tôt les armes et permettre plutôt à la voix de la raison d'avoir le dernier mot