Les professionnels des médias ne cessent de revendiquer un droit qui, selon eux, leur est confisqué depuis des décennies : la liberté d'expression. Un droit qui ne peut trouver son sens que dans un certain contexte de responsabilités et d'engagement de la part des professionnels vis-à-vis des règles de la déontologie. Cette dernière est jusque-là pointée du doigt par Monsieur-Tout-le-Monde. De même, la marge de liberté serait de plus en plus réduite en raison de pratiques qui sont, du point de vue des journalistes, comparables à celles de l'ancien régime. La profession est marginalisée, fait-on valoir, et c'est seulement à la faveur d'un cadre juridique bien structuré qu'elle trouvera ses repères... Le Syndicat national des journalistes tunisiens a tenu, hier, une assemblée générale exceptionnelle afin de débattre des options à envisager pour exprimer sa condamnation et son refus de toute sorte d'agression physique et morale envers les journalistes. Ont assisté à cette réunion, entre le syndicat et ses adhérents, quelque quatre cents journalistes venus de tous bords. Un communiqué a été rédigé à la fin du débat. Le bureau du Snjt a décidé d'adresser une lettre à l'intention du peuple tunisien afin de lui expliquer que l'agression de la liberté de la presse est une agression contre son droit à une information objective et crédible. Par ailleurs, le syndicat invite les journalistes à porter un brassard rouge en guise de protestation, mais sans préciser la date de cette action. Une troisième recommandation consiste à boycotter partiellement les réunions d'information hebdomadaires du gouvernement avec les médias. Une quatrième décision prévoit de réserver des espaces dans les différents médias afin d'exposer l'affaire des agressions perpétrées contre les journalistes en vue d'éclairer l'opinion publique quant à la justesse de la position de ces derniers. Le Snjt a aussi recommandé la réactivation des décrets-lois n° 41, 115 et 116 promulgués en novembre 2011 et qui portent, entre autres, sur la protection des journalistes contre toute forme d'agression. Les décisions prises par le bureau du Syndicat national des journalistes tunisiens ont été dictées par les attentes des journalistes participant à cette assemblée exceptionnelle. Ces derniers ont évoqué tous les problèmes qui les préoccupent actuellement et en particulier la violation de leurs droits et la marginalisation de ce qu'ils présentent comme informations, tous médias confondus. Entre le marteau et l'enclume Les intervenants ont mis l'accent sur la gravité des agressions perpétrées contre les journalistes. Mais les dernières déclarations émanant de certains constituants ont été évoquées en premier lieu. «Les journalistes ont été violentés par le agents de sécurité intérieure à maintes reprises, indique Aymen Rezgui, membre du bureau exécutif du syndicat, alors qu'ils savaient qu'ils avaient affaire à des journalistes». Il ajoute : «Plusieurs groupes de citoyens ont aussi agressé des équipes de journalistes au centre-ville de la capitale, outre les incidents qui se sont déroulés dans les régions de l'intérieur et les régions frontalières. Désormais, ce sont des membres de l'Assemblée constituante qui s'en prennent à des journalistes, allant jusqu'à les menacer». De son côté, Mongi Khadhraoui, lui aussi membre du bureau, considère que le mal vient de l'extérieur de la sphère professionnelle comme de l'intérieur. «Il y a encore, et malheureusement, des pseudo-journalistes dont les pratiques relèvent de la dépendance, comme à l'époque de l'ancien régime. Ils ne font passer qu'une part de la vérité et marginalisent l'avis opposé dans des sujets importants et alors que le peuple a besoin d'un maximum d'éclaircissements. Cependant, il n'y a pas une critique objective des médias et c'est nous, les journalistes, qui connaissons bien les vrais problèmes de notre métier», enchaîne Kadhraoui. Pour sa part, Zied El Heni, membre du bureau, affirme que le rendement des médias n'a pas encore atteint le niveau escompté : «Cela n'explique pas les agressions contre les journalistes qui sont désormais perpétrées dans l'enceinte de l'Assemblée constituante. C'est très grave, d'autant plus que certains constituants jettent le doute sur le patriotisme des journalistes. Je leur réponds qu'il ne peut y avoir un processus démocratique sans liberté de la presse». Habib Missaoui, Neji Bghouri et Jamel Arfaoui ont évoqué la nécessité de chercher une vision commune avec les partenaires du Snjt pour adopter une position forte et équilibrée afin d'atteindre les objectifs relatifs à la liberté de la presse, la protection des journalistes, etc. Missaoui a indiqué que l'évolution du secteur dépend en premier lieu de l'amélioration de la situation matérielle et morale des journalistes, ainsi que de l'instauration d'un cadre juridique permettant à ces derniers de s'acquitter de leur travail convenablement. Pour Amel Chakchouk, certaines gens, à l'instar de quelques constituants, ne connaissent pas bien la réalité du travail journalistique et ses enjeux. Elle se demande quand on verra la tant attendue Union des journalistes tunisiens. Par ailleurs, la présidente du Snjt, Néjiba Hamrouni, a affirmé que le syndicat poursuit ses efforts afin que les agresseurs des journalistes soient poursuivis en justice, remerciant toute une équipe bénévole d'avocats qui assure ce travail. Elle appelle aussi tous ceux qui ont été agressés ou le seront dans l'avenir à se présenter au syndicat pour que ce dernier leur assure la couverture judiciaire nécessaire.