La ville de Tunis ne cesse de connaître une dégradation de son aspect esthétique à cause d'un laisser-aller qui ne date d'ailleurs pas d'hier. Une promenade dans les artères de la capitale permet de constater, en effet, que beaucoup reste à faire pour améliorer l'esthétique urbaine. Aussi bien à l'avenue de Carthage que dans les rues environnantes ainsi qu'à la rue Mongi-Slim et à l'avenue de Madrid, les façades des immeubles et des commerces n'ont pas été entretenues depuis une longue période. Certains balcons sont même fissurés et risquent de s'écrouler un jour sur les passants. Personne ne semble donner, non plus, une attention aux murs qui se trouvent dans une ville cacophonique où se côtoient les immeubles, les établissements administratifs et les commerces. Le changement de vocation de certains établissements – certains appartements destinés à l'habitation sont devenus des bureaux administratifs, voire des écoles de formation privées – a créé une certaine désorganisation dans la ville qui accueille chaque jour des milliers de personnes venant pour travailler ou pour passer d'un gouvernorat à un autre. Toutes les entreprises ou commerces veulent faire de la publicité à moindre prix en utilisant les murs déjà lugubres comme supports publicitaires. Les clôtures entourant les terrains vagues ou en construction sont également utilisées en tant que support d'affichage anarchique. Bref, tous les espaces libres sont visés surtout dans les artères passantes. Les afficheurs veulent être sûrs que leur message sera vu par le maximum de passants sans payer le moindre millime. De préférence sur une période illimitée Les affiches publiées sur les murs sont de différentes dimensions avec une qualité différente. En effet, on constate les affiches en couleur élaborées presque dans les règles de l'art et dont le coût de production est assez important. Ces affiches sont celles des entreprises de cassettes et de supports numériques, des festivals, des centres de formation privés... D'un autre côté, les visiteurs de la ville, qui continue à accueillir des touristes de diverses nationalités, constatent aussi des affichettes simples provenant de petits commerçants comme les brocantiers qui veulent informer le public de leurs services. Les écoles de formation en coiffure ont préparé, elles aussi, leurs affiches de petite taille pour mettre en exergue les prix pratiqués et la qualité des cours dispensés. Plusieurs agences de voyages organisant «le petit pèlerinage» ou des séjours en Turquie et en Egypte à des prix avantageux et un hôtel 4 étoiles... Les murs sont également un vrai support pour les offres d'emploi aussi bien en Tunisie que dans les pays du Golfe. Sur l'un des murs à Sidi Béchir, une affichette informe les jeunes diplômés de contacter un numéro de téléphone pour avoir un travail avec une rémunération allant de 400 à 600 dinars. Une autre affichette collée sur un mur dans une rue perpendiculaire à l'avenue Jean-Jaurès informe les intéressés qu'un pays du Golfe recrute des secrétaires ou des coiffeuses avec un salaire de 1.200 dollars ! Certaines pièces théâtrales ou nouvelles productions musicales, œuvres d'artistes tunisiens, occupent également une bonne place sur ces supports gratuits. Supports métalliques détruits Les chefs d'entreprise, commerces ou associations s'obstinent à utiliser les murs pour passer leurs messages de préférence sur une période illimitée. En effet, on a constaté que certaines affiches ne sont plus d'actualité – comme celles qui concernent la campagne des élections de l'Assemblée nationale constituante – mais sont toujours là. D'autres affiches sont à moitié déchirées, donnant une image triste à ces murs sales et non entretenus. Le pire est que, dans certains cas, les affiches sont superposées les unes sur les autres. Les afficheurs «sauvages» ne daignent même pas enlever l'ancienne affiche pour mettre à sa place la nouvelle. Même les colonnes Morris à l'avenue Habib-Bourguiba sont envahies par plusieurs affiches. En l'absence d'un contrôle rigoureux, les afficheurs ont trouvé le terrain libre pour utiliser les murs publics. Ils agissent même la nuit pour être plus en sécurité. Pourtant, il existe des entreprises spécialisées dans la communication qui mettent à la disposition des intéressés leurs supports publicitaires dans les principales artères de la ville, même si certains supports métalliques ont été détruits au cours de la révolution et la période qui l'a suivie. Mais certains gérants d'entreprise, des commerçants et des responsables d'association trouvent plus pratique d'afficher directement sur leur mur pour éviter de payer les frais publicitaires. La situation devrait, en tout cas, changer pour préserver l'aspect esthétique de la ville en commençant d'abord par badigeonner les murs et les façades des immeubles et des établissements qui se trouvent au centre-ville. De petits supports dont l'utilisation est gratuite ou à prix symbolique pourraient être installés dans certaines artères pour que les intéressés n'utilisent plus les murs. Certes, il n'est pas possible de mobiliser un gardien près de chaque mur, mais l'affichage anarchique devrait faire l'objet de sanctions après une campagne de sensibilisation dans les médias. Ce n'est que la prise de conscience collective qui peut atténuer ce phénomène qui ne cesse de s'amplifier au fil des ans. Les départements publics devraient, quant à eux, donner le bon exemple en évitant de coller les affiches partout. L'affichage publicitaire répond à certains critères à respecter par tous les intervenants dans ce domaine. C'est une affaire de spécialistes dans le domaine de la communication et du marketing. Les dimensions, les couleurs (qui doivent être en harmonie) ainsi que les caractères du message sont pris en compte dans l'élaboration de l'affiche pour qu'elle n'altère pas la vue générale et permet au message d'être bien transmis et gravé dans les mémoires. Or, à voir les affiches sur nos murs, on a l'impression qu'aucun de ces critères n'est respecté. Tout ce qui importe pour l'afficheur, c'est d'être présent sur n'importe quel support.