La commission constituante chargée du dossier des martyrs et des blessés de la révolution a du pain sur la planche et n'est pas près de trancher sur ce dossier délicat et objet d'instrumentalisation politique qui ne cache plus son nom, tant les chiffres du nombre des blessés sont contradictoires, les associations et les structures gouvernementales prétendant posséder la réponse aux souffrances des blessés grossissent et se multiplient de jour en jour. Hier, après-midi, au Palais du Bardo, ceux qui ont assisté à la réunion de la commission consacrée à l'audition de Chakib Derouiche, membre du cabinet du ministre des Droits de l'Homme et de la Justice transitionnelle, venu éclairer les constituants sur ce que son ministère a déjà fait ou compte faire pour accélérer le traitement du dossier, sont restés sur leur faim. D'abord, sur le nombre des blessés que le gouvernement va prendre en charge pour les envoyer se faire soigner à l'étranger. Sont-ils 17 cas comme le souligne Yamina Zoghlami, présidente de la commission, quarante blessés que le Qatar ou l'Allemagne ont proposé d'accueillir ou enfin 150 au total comme l'avance Mehdi Ben Gharbia, vice-président de la commission. Ensuite, pourquoi cette lenteur à prendre les décisions qu'il faut pour accorder les cartes de soins gratuits et de transport gratuit aux ayants droit afin qu'ils puissent faire le déplacement à Tunis pour recevoir les soins nécessaires ? «Et d'ailleurs, ont-ils les moyens matériels de le faire, comme l'observe le constituant Mahmoud Baroudi qui ajoute qu'il est inacceptable de demander aux blessés de la révolution de se faire soigner à leurs frais, et d'envoyer ensuite les factures au ministère des Affaires sociales afin d'être remboursés après des mois de procédures administratives, à n'en plus finir». Le même constituant se pose la question suivante : «Pourquoi le gouvernement ne propose-t-il pas, dans le cadre de la loi de finances complémentaire, un chapitre dans lequel un crédit sera alloué de l'ordre de 10 millions de dinars, par exemple, en vue de soigner nos blessés, sans attendre les offres du Qatar, d'Allemagne, de Belgique ou de n'importe quel autre pays offrant ses services, pour on ne sait quelles dividendes à en tirer ?». Enfin, quand est-ce que la commission présidée par Taoufik Bouderbala et le comité supérieur des droits de l'Homme et des libertés fondamentales présidé par Noureddine Hached vont-ils se décider à produire les listes définitives des martyrs et des blessés de la révolution, afin de mettre un terme aux surenchères des uns et des autres et aux pratiques inacceptables de certains partis politiques qui ont fait de ce dossier un fonds de commerce qu'ils ne sont pas près d'abandonner ? Toutes ces interrogations ont constitué la toile de fond des interventions des membres de la commission chargée des martyrs et des blessés de la révolution, lesquelles interventions n'ont pas manqué de «dénoncer la lenteur avec laquelle le dossier a été traité depuis la révolution et les trois premiers gouvernements qui ont suivi la fuite du président déchu, sans pour autant désengager le gouvernement actuel qui tergiverse toujours et n'arrive pas à proposer les réponses à ce dossier, en dépit des belles promesses qu'il a fait miroiter en accédant au pouvoir à la suite des élections du 23 octobre 2011». On attend toujours les listes «Plus d'une année après la révolution du 14 janvier 2011, les listes définitives des martyrs et des blessés de la révolution ne sont pas encore prêtes», souligne Azad Badi, rapporteur de la commission, en présentant le rapport que la même commission a mis en œuvre et qui «fera l'objet — ainsi que l'a précisé Meherzia Laâbidi, première vice-présidente de la Constituante — d'une séance plénière de l'ANC dont la date sera fixée, aujourd'hui, jeudi 5 avril, lors de la réunion du bureau de l'Assemblée». Le rapport en question avance quelques recommandations propres à apporter les réponses que les Tunisiens, les familles des martyrs et les blessés de la révolution attendent. Il s'agit de «définir l'instance en charge d'arrêter la liste définitive des martyrs et des blessés de la révolution, d'accélérer l'envoi des blessés graves à l'étranger sans attendre la traduction de leurs dossiers en anglais» (comme l'a fait remarquer Chakib Derouiche, en charge du dossier au ministère des Droits de l'Homme et de la Justice transitionnelle), de créer des structures de suivi au sein des régions qui seront mises sous la supervision des membres de la Constituante en vue de garder le contact avec les familles des intéressés et d'éviter qu'il y ait encore des dépassements.