Que se passe-t-il entre la Steg, le Crda, la Seca, les GDA et les agriculteurs au Cap Bon? Est-ce que le courant ne passe plus? Il est d'utilité publique de tenir nos lecteurs informés. Libre à chacun de penser qu'il n'y a pas le feu dans la maison. Dans tous les cas, il flotte sur tout le périmètre des cultures irriguées une sacrée fumée, lourde, épaisse, noire par endroits. S'il n'y a pas vraiment crise, il règne pourtant un malaise, caractéristique de ces périodes qui précèdent la crise. Vraisemblablement, il s'agit d'une histoire d'eau, de son transfert vers les zones de culture importantes dans la région. Il s'agit aussi et surtout de la facture qui reste impayée ! Qui ne paie pas la facture de qui? Difficile, en vérité de localiser le mal. Difficile parce qu'il s'étale un peu partout : à partir du Crda jusqu'à l'agriculteur en passant par la Seca (Société d'exploitation des eaux du Nord et de leurs annexes) et les GDA (Groupements de développement agricole). Les impayés du CRDA… C'est surtout au Crda que le climat semble le plus morose. Parce qu'il y a une lourde facture à payer. A la Steg d'abord. Elle s'élève à… 2 milliards 730 millions ! Le hic, maintenant, est que la Steg menace de couper l'électricité, à défaut de règlement dans les meilleurs délais. Essentiellement, en ce qui concerne l'électrification des stations de pompage qui puisent dans les eaux du Nord, à partir du barrage de Sidi Salem (Béja) et permettant le transfert de l'eau via le canal Medjerda-Cap Bon, à destination des principales zones agrumicoles de la région, essentiellement celles de Menzel Bouzelfa et de Béni Khalled, mais aussi celles de Soliman et de Nianou (Grombalia) en partie. A côté des périmètres irrigués, les zones des cultures maraîchères de Soliman, Menzel Témime, Korba, Marja, Boucharaya et El Mida (zone de sauvegarde). Et puis, il y a une autre facture, non moins importante à payer aussi. A la Seca cette fois, la société qui vend l'eau au Crda avant son départ vers la région. Une facture d'un milliard et 120 millions. Il faut préciser à ce propos que le CRDA achète l'eau de la Seca, avec des tarifs allant de 38 à 82 millimes le m3. Selon son mode de transfert. S'il est gravitaire, il nécessite un seul pompage. A défaut, il demande un double pompage. Ce qui agit bien entendu sur le prix. Par la suite, le CRDA effectue la vente de l'eau aux GDA. Au même prix d'achat. Sans bénéfice aucun, nous a-t-on spécifié. Puis, les GDA vendent à leur tour l'eau aux agriculteurs. A un prix allant de 53 à 115 millimes le m3. Mais c'est là qu'il y a panne. Et des plus volumineuses. Les agriculteurs n'ont pas honoré leurs engagements avec les GDA dont la facture globale s'élève à 4 milliards 100 millions de nos millimes, restés impayés à ce jour. Il y a donc problème au niveau du recouvrement, du moins auprès de la plupart d'entre eux. Surtout du côté des agriculteurs, nous a-t-on relevé. Pourtant, la campagne est pratiquement arrivée à son terme. Et les fruits viennent de ce fait d'être récoltés. Par ailleurs, l'assistance n'a pas fait défaut de la part de l'Etat : la zone de Boucharay (Soliman) vient, à titre indicatif, de percevoir les dédommagements des dégâts enregistrés lors des inondations survenues à la fin octobre dans cette zone. Et puis, là, il y a contradiction. Parce que, maintenant, on est à la veille du démarrage de la saison agricole. Les agriculteurs ont donc besoin d'eau, une eau dont la facture antérieure reste impayée essentiellement pour les zones agricoles qui couvrent environ 15.000 ha. Mais aussi pour la pomme de terre qui compte 4.000 ha installés pour les primeurs et de saison. A cela s'ajoutent quelque 7.000ha de tomates en cours d'installation, 2.000 ha d'oignons de printemps et d'été, 4.000 ha de piment, 500 ha de fraises, 500 ha pour les cultures maraîchères. … en dépit des facilités de paiement ! Pourtant, les agriculteurs ont été bien informés, via tous les GDA de la région, conformément à la circulaire émanant du ministère de l'Agriculture en date du 28 mars sous le n°142, de la grande souplesse des nouvelles modalités de paiement proposées : le paiement dans l'immédiat d'uniquement 20% des dus arrêtés au 31/12/2011, l'échelonnement de 50% sur cinq ans du total des impayés et la déduction des 30% qui restent. Mais les nouvelles consommations d'eau, au niveau des périmètres irrigués, seront payées d'avance. Une façon d'aider le CRDA à honorer rapidement ses engagements vis-à-vis de la Steg et du Seca dont l'enveloppe globale de créances s'élève à 3 milliards 850 millions, tel que spécifié plus haut. Cela est d'autant plus urgent que la Steg se trouverait dans l'obligation de couper toute l'électricité, donc d'arrêter toutes les vannes de l'eau d'irrigation, à défaut de paiement, tel que spécifié dans les correspondances qu'elle a commencé à faire parvenir au CRDA. Et là, le courant ne passera plus pour de bon. Au propre et au figuré !