Par Abdelhamid GMATI L'été nous arrive avec ses habituelles températures, sa canicule, ses transpirations en hausse, ses moustiques... Mais il signifie aussi vacances, repos, loisirs, farniente, fêtes (succès scolaires, fiançailles, mariages), grosse bouffe, soirées musicales, festivals, manifestations culturelles et une multitude de petits métiers...C'est aussi la haute saison touristique aussi bien pour les résidents que pour les hôtes étrangers, faisant la joie des hôteliers, restaurateurs, commerçants... Comme d'habitude. Et comme d'habitude, on commence à préparer la saison en se préoccupant de la sécurité routière. Il y aura incessamment la campagne de sensibilisation «Vacances en sécurité» qui, cette année, intéressera toutes les routes. «Sécurité», voilà le maître mot qui préoccupe les Tunisiens depuis plusieurs semaines, depuis que des groupes extrémistes religieux sèment la violence verbale et physique, s'en prenant aux personnes, aux édifices publics, aux postes de police, aux commerçants, aux bars et restaurants et même aux hôtels. Des corps de métiers, des secteurs importants de l'économie, des artistes se sentent menacés et demandent à être protégés. – Un grand nombre d'agriculteurs demandent qu'on intensifie les interventions des patrouilles conjointes (police, garde nationale, armée) et qu'on adopte des lois plus sévères pour protéger les personnes et les fermes contre les agressions et les pillages. Certains ont même demandé des autorisations de port d'armes. – Les activités d'une société étrangère de prospection et d'extraction pétrolière (et de gaz) sont suspendues à Kerkennah, car le personnel demande à être protégé ainsi que le matériel, les installations et les produits de leur société. — Les médecins internes et résidents se sont mis en grève pendant trois jours pour exiger protection et sécurité (882 cas d'agression entre mars 2011 et mai 2012). – Des magistrats, des journalistes, des personnalités, des chauffeurs de bus, de métros, de taxis sont régulièrement agressés. Ce qui est inquiétant, c'est que dans certaines régions, les appels aux autorités ne suffisent plus et des «comités d'autodéfense» se constituent. Que la société civile participe à assurer la sécurité est une bonne chose mais se pose la question du contrôle de ces comités et on peut craindre des «dérapages». Il y a quelques jours, la Fédération tunisienne de l'hôtellerie a émis un communiqué dans lequel elle exprime le désarroi des professionnels devant la multiplication des actes de violence et «d'atteintes à l'image du pays et au secteur touristique». On se rappelle la mise en garde récente (menace déguisée ?) du chef salafiste Abou Yadh prétendant que des «gens prépareraient des agressions sur des personnes qui ne jeûnent pas ou qui fréquentent les plages... Nous appelons nos enfants (les salafistes) à garder leur calme et surtout à ne pas tomber dans les provocations de nos ennemis qui préparent pour Ramadan des agressions et des explosions qu'ils vont nous attribuer». Personne n'est dupe : qui se préoccupe de ceux qui ne jeûnent pas ou qui se prélassent sur les plages à part les salafistes? De son côté, un étudiant salafiste ne se gêne pas pour menacer les artistes qui «doivent demander la rédemption» en attendant de leur appliquer d'autres châtiments prévus par la charia. Le gouvernement est ainsi interpellé. Lors d'une réunion partisane à Bizerte à laquelle participaient plusieurs ministres et secrétaires d'Etat, la sécurité a été plusieurs fois évoquée. M. Ali Ben Salem, militant bien connu et défenseur des droits de l'Homme, interpella le ministre de la justice : «M. le ministre, vous devez vous expliquer sur votre mutisme face aux violences perpétrées par des salafistes. Soit vous n'arrivez pas à gérer la situation, soit vous profitez de ces actes» (propos rapportés par le journal électronique Kapitalis). Tout cela doit être pris au sérieux et les autorités chargées de la sécurité doivent assumer leurs responsabilités. Il en va de nos intérêts économiques mais aussi et surtout de la quiétude des Tunisiens qui aimeraient bien avoir confiance en leur gouvernement. Et qui ne veulent surtout pas vivre un été chaud. La canicule naturelle est suffisante.