• Au 30 juin 2010, quelque 219 entreprises ont été privatisées ou restructurées, générant des recettes estimées à 5.976 MD • L'expérience de la privatisation freinée par les agissements mafieux de l'ancien régime 31 décembre 1987 : l'ex-président Ben Ali, alors galvanisé par les dividendes de son tristement célèbre coup d'Etat du 7 novembre 1987, ordonne la mise en exécution d'un programme de privatisation des entreprises publiques. Un programme qui se voulait d'une ampleur sans précédent. Tous les Tunisiens ont alors, dans leur naïveté, applaudi, apprécié et cru aux bonnes intentions incluses dans les... miracles promis pour «le changement». Globalement, la nouvelle expérience de la privatisation promettait beaucoup, dans la mesure où, selon des commanditaires, «elle s'inscrit dans le cadre d'une politique macroéconomique tendant à relancer l'économie du pays sur la voie du progrès et de la croissance dans un contexte gagné par la mondialisation des processus de production, la globalisation des marchés et l'émergence d'une concurrence de plus en plus farouche». Ainsi, la privatisation, telle que conçue et prônée, s'alimente directement du processus de désengagement de l'Etat et favorise par conséquent le replacement de l'entreprise privée au cœur de la nouvelle régulation de l'économie au sein de laquelle se concrétisent les principes de la libre initiative, la vérité des décisions et des engagements et la responsabilité garante de la bonne gouvernance. Ce sont là les grandes lignes de cette nouvelle politique pour la réussite et la pérennité de laquelle l'Etat avait, à l'époque, pris des mesures visant la dynamisation du processus de privatisation. Et cela notamment par : 1 - La création, le 21 février 1997, de la «Commission d'assainissement et de restructuration des entreprises à participations publiques» (Carepp), organe chargé de l'application de cette politique. 2 - Les mesures incitatives prises par la BCT avec l'octroi direct aux intéressés par les opérations de privatisation, de crédits à moyen terme permettant le financement de l'achat d'un bloc de contrôle ou d'éléments actifs. 3 - La mise à la disposition des sociétés d'investissement à capital risque (Sicar) de lignes de crédit contractées par la Tunisie auprès de la Banque européenne d'investissement (BEI). 4 - La généralisation des avantages fiscaux, avec le dégrèvement fiscal au titre du bénéfice ou revenu réinvesti, l'enregistrement au droit fixe des actes, l'exonération des droits de partage relatif à la réduction du capital, l'exonération des droits d'enregistrement des opérations de mutation de biens immobiliers et de fonds de commerce, l'exonération de l'impôt sur les bénéfices des sociétés pendant les cinq premiers exercices d'activité effective, ainsi que l'exonération de la plus-value de cession réalisée par les sociétés cédantes, et enfin l'exonération totale ou partielle de la taxe sur les transactions boursières. Tout cela sans compter d'autres mesures non moins «tentantes», telles que la renonciation à l'exercice du privilège du Trésor et les avantages spécifiques aux salariés et anciens salariés (droit d'achat prioritaire, acquisition d'actions à prix réduit et distribution d'actions à titre gratuit). Dérives et fuite en avant Comme on peut le constater, ledit programme semblait, à ses débuts, ambitieux, prometteur, voire révolutionnaire. Au point que plusieurs entreprises au bord de la faillite ont été sauvées. D'autres ont même retrouvé leur prospérité d'antan, et, au 30 juin 2010, on comptait déjà pas moins de 219 entreprises privatisées ou restructurées dont 116 ont fait l'objet d'une privatisation totale. L'opération qui a généré des recettes estimées à 5.976 MD devrait, à partir de 2002, connaître une fulgurante percée qui a — ô quel hasard — coïncidé avec l'entrée en lice du clan mafieux de l'ancien régime qui allait, mine de rien et en toute impunité, faire main basse sur les actions les plus juteuses en matière de privatisation. «L'invasion» de ce clan a été si ravageuse que plusieurs hommes d'affaires tunisiens et étrangers ont déserté la piste, en refusant de prendre le risque de concurrencer les intouchables Trabelsi et leurs acolytes dans les opérations de privatisation. Entre-temps, des employés licenciés dans le cadre de cette expérience ont dû, à leur corps défendant, partir à la retraite, alors que d'autres ont été contraints d'engager une bataille juridique dans l'espoir de bénéficier du reste de leurs émoluments de licenciement. Tous ces dossiers brûlants dormaient tranquillement, gardés qu'ils étaient de main de fer par un régime tyrannique, jusqu'au... 12 janvier 2012, date à laquelle la «mascarade» prit fin. En attendant que la justice dise son mot sur les abus et les dérives et établisse les noms des victimes de cette scandaleuse expérience de privatisation, on ne sait pas encore si celle-ci sera, ou pas, retentée.