C'est une séance d'audition d'experts internationaux intéressante qu'a tenue, hier, la commission constituante des droits et des libertés conjointement avec la commission du préambule et des principes fondamentaux. En effet, les experts internationaux invités, en collaboration avec le chef du bureau de l'Unesco à Tunis, Mehdi Ben Chelah, ont donné des détails sur les expériences d'autres pays, notamment le Canada, l'Afrique du Sud et l'Indonésie, qui ont inscrit la liberté d'expression et de la presse ainsi que le droit à l'accès à l'information dans la Constitution. Le but de cette séance d'audition, dont il y aura une deuxième aujourd'hui, est de voir quel genre de garanties peut-on avoir dans la Constitution et les lois pour ces droits et libertés. Sauf qu'un droit évoqué par l'expert international de droit constitutionnel et directeur du programme de droit de l'article 19, Toby Mendel, qui est le droit à la critique religieuse, a été le sujet d'un débat dans le débat. Pas de restriction à l'accès à l'information L'expert international auprès de l'Unesco a présenté une consultation que le centre canadien «Center of law and democracy» a préparé pour le bénéfice de l'Assemblée nationale constituante. Il a évoqué d'emblée l'importance de la Constitution pour le système de valeurs dans toute société. Selon lui, l'article 19 du pacte international, relatif aux droits civils et politiques, évoque le droit d'expression pour «chacun» et non pas pour les citoyens seulement. Tout comme le droit à l'accès à l'information. Certains constituants ont relevé ce point pour relativiser ce dernier droit, vu la possibilité, selon eux, d'infiltration aux informations qui peuvent être utilisées par d'autres pays... L'avis des experts, notamment le journaliste sud-africain Joe Thloloe, qui a été emprisonné à plusieurs reprises pendant l'apartheid au cours de sa carrière de plus de 50 ans, a été clair : pas de restriction à l'accès à l'information, sinon ce n'est plus un droit entier. De son côté, le vice-président du Conseil de la presse indonésien et directeur du journal El Tempo en Indonésie, Bambang Harymurti, a souligné qu'il y a des restrictions à faire concernant la liberté d'expression et celle de la presse. Pour le cas de l'Indonésie, il a précisé que la supervision des médias se fait par le citoyen et non pas le conseil de la presse. «Nous avons connu plusieurs réformes, les premières élections et la formation d'une Assemblée constituante en 1959. En dépit des réformes constitutionnelles entreprises de 1999 jusqu'en 2002, nous avons toujours des contraintes devant la liberté de la presse dont les agressions à cause des agendas politiques et l'implication de la mafia... Finalement, nous avons pu promulguer une loi qui criminalise celui qui œuvre pour restreindre la liberté de la presse, outre la création d'une Commission nationale qui défend la liberté de la presse», a-t-il ajouté. Pour sa part, Ali Radhouan Ghrab, professeur de droit constitutionnel, a souligné que dans les sociétés démocratiques on ne demande jamais le but de l'utilisation d'une information. Lors du débat, les intervenants parmi les constituants venus assez nombreux ont insisté sur la spécificité du contexte tunisien par rapport à ces libertés et aux standards internationaux. D'ailleurs, les limite de la liberté d'expression dans ce contexte, en liaison avec le religieux surtout, demeurent un point flou et qui a suscité tant d'interrogations. Les experts ont été clairs sur la non-acceptation de tout blasphème au discours irrévérencieux à l'égard de ce qui est vénéré par les religions.