Par M.A. BOUHADIBA* Un grand débat secoue nos institutions constitutionnelles, un débat qui aurait été plus d'actualité au XIXe siècle, à l'époque des suffragettes qu'aujourd'hui. Il concerne l'égalité hommes-femmes. Nous voulons parler de l'égalité des droits et devoirs. Comment pourrions-nous expliquer à une honnête mère de famille, qui travaillerait dans le domaine social par exemple et qui paierait ses impôts qu'un individu qui serait un bon à rien et ivrogne de surcroît lui serait supérieur par la seule grâce de son sexe? Lequel des deux serait le plus utile à la société? Les machos avancent un argument qu'ils pensent imparable en affirmant que l'homme est supérieur car la taille de son cerveau est 12% plus grande que celui de la femme, il serait donc plus intelligent et cela justifierait sa domination. Ont-ils raison? Une centaine d'années d'études psychologiques sur la femme furent remises en question le jour où la London School Of Economics publia une étude de John Rushton qui montrait une différence de 4 points au profit du quotient intellectuel de l'homme par rapport à celui de la femme. Les indignations soulevées par cette étude se propagèrent au monde entier, mais Rushton tint bon en disant qu'il ne fallait pas éviter les sujets controverses. Peu de temps après une étude de l'université d'Ontario sur 100.000 étudiants et une autre étude anglaise sur 20.000 étudiants confirma malheureusement son résultat... Tout le monde sait cependant que l'intelligence est quelque chose de beaucoup plus complexe que le QI, qu'elle fait intervenir de nombreux facteurs et qu'elle prend différentes formes. On constate par exemple que dans les postes de responsabilités les femmes surpassent largement les hommes. Tous les sondages montrent qu'elles sont plus créatives, plus honnêtes, plus travailleuses, plus aptes à négocier, à prendre des décisions saines et à mieux représenter les intérêts des autres. Un autre exemple qu'on pourrait avancer, c'est que les femmes parlent et écrivent mieux que les hommes car elles ont un centre du langage plus développé, cela explique le nombre important de femmes dans le domaine de la littérature et du journalisme. On pourrait disserter longtemps sur le sexe des anges et ce sujet n'aurait pas été évoqué si certains, par étroitesse d'esprit, n'en avaient fait un problème aujourd'hui. La grande raison d'assurer l'égalité hommes-femmes, en dehors du fait qu'elle fait partie des droits de l'homme, est économique. L'Organisation des Nations unies, chiffres à l'appui, a prouvé qu'il ne peut y avoir en aucun cas de développement durable, dans un pays, sans égalité des sexes. L'Organisation, en 2008, aurait même mis en garde plusieurs pays qui ne la respectaient pas en pointant une stagnation de leur croissance due à cela. Le projet Millenium d'éradication mondiale de la pauvreté, dans un souci d'efficacité, a axé toutes ses mesures sur l'égalité des sexes. La raison est simple, les femmes, outre le fait qu'elles sont des acteurs économiques à part entière, dépensent beaucoup plus pour l'éducation et pour la santé, deux facteurs majeurs, essentiels au développement durable d'un pays. Le célèbre Mohamed Younis de la Grameen Bank ne s'y est pas trompé puisque 95% de ses prêts vont aux femmes. Ceci nous montre à quel point ce débat aujourd'hui en Tunisie, alors qui y a tant à faire pour construire le pays, peut paraître tout simplement surréaliste.