Première semaine de la rentrée scolaire. 7h30. Les artères de Tunis sont bondées de voitures particulières aux côtés des engins de transport collectif. Sur l'autoroute Bizerte-Tunis, au niveau de l'échangeur Ariana-Enkhilet, les voitures sont au point mort depuis une vingtaine de minutes. Sur le pont, en venant de Bizerte, et du côté des bretelles latérales, les voitures s'entassent les unes à côté des autres, se frôlent, les passagers, à peine séparés par les habitacles des engins, se regardent dans les yeux. Les parents, accompagnant leurs enfants à l'école, stressent, s'emportent ; les risques de collision omniprésents. Le danger vient surtout des conducteurs des camionnettes de transport urbain qui circulent en toute impunité dans les centres urbains. Ces chauffards ne respectent rien ni personne. Ils roulent à toute vitesse en sens inverse, s'engouffrent, sans prudence et sans égards, entre les files des voitures stoppées aux feux rouges, s'arrêtent pour embarquer les passagers et redémarrent sans jeter le moindre coup d'œil sur le rétroviseur. Il faut 45 minutes pour parcourir un trajet de 10 mn en cas de circulation fluide. Sur les ondes d'une radio privée, les informations qui fusent font état de plusieurs embouteillages et bouchons dans différents croisements et artères de la ville et appellent les conducteurs à la vigilance. A vue d'œil (les statistiques tardent à «venir» du ministère du Transport, ndlr), le parc auto grossit d'une année à l'autre, voire d'un mois à l'autre. Voitures, pour la plupart, neuves ou du moins en très bon état. Les séries d'immatriculation se suivent et se succèdent, depuis plusieurs années, presque sans interruption. Il faut reconnaître que le programme «voiture populaire» a rendu bien des services et pas seulement aux familles à revenus moyens, bénéficiaires initialement ciblés par le programme. Le problème n'est pas là mais au niveau du déséquilibre entre le parc auto en pleine expansion et la voirie de l'ancien Tunis qui n'a pas évolué : exiguë, usée, le plus souvent crevassée et «surpeuplée». Dans les quartiers et cités populaires, y compris les plus récents, les étals anarchiques des marchands, installés de manière permanente jour et nuit, disputent la rue aux automobilistes, bus et mobylettes. Du côté du marché municipal de l'Ariana, le spectacle matinal est on ne peut plus exhaustif. Bon gré, mal gré, les «Tunisois» se sont habitués aux embouteillages, ils tentent de s'en accommoder, certains en choisissant de prendre le départ de plus en plus tôt. Mais non sans un brin d'agacement, de ras-le-bol, de colère parfois, surtout quand la rentrée scolaire coïncide avec un changement radical et brutal dans les habitudes des fonctionnaires. Quid du nouvel horaire administratif ? Selon des usagers de la route, coincés à un feu rouge passé plus de six fois au vert sans que les files de voitures n'avancent d'un mètre, le nouvel horaire administratif est responsable de ces encombrements en ce sens que tout le monde — les agents de l'Etat, des collectivités locales et des établissements publics à caractère administratif — commence et finit sa journée de travail à la même heure (8h30, 17h15). « Le même encombrement est visible du côté des fast-foods et des self-services à l'heure du déjeuner (45 mn entre 12h30 et 13h15, ndlr)», explique ce jeune cadre au volant de sa voiture, en bras de chemise, le visage en sueurs. Ce matin de début d'automne, le thermomètre du tableau de bord affiche 26 degrés à 7h45. Les autorités concernées, en l'occurrence la présidence du gouvernement, ont promis de procéder à l'évaluation de cette nouvelle mesure et de la réviser si c'est nécessaire. A en juger des protestations qui ont éclaté dès le premier jour de son application, le 17 septembre, jour de la rentrée scolaire et universitaire, notamment dans la région de Kébili, et des doléances presque quotidiennes des citoyens transmises aux responsables via les médias radiophoniques surtout, cette évaluation ne devrait pas tarder et devrait être faite avec le plus grand sérieux en tenant compte de l'avis du large public et pas seulement celui qui a accès à Internet. Cette mesure avait dès le départ, selon ses initiateurs, le noble objectif de favoriser la cohésion familiale, faisons en sorte qu'elle n'entraîne pas de dommages collatéraux qui de toute façon se répercuteront sur la famille, le noyau de la société.