Samedi matin, menés par l'Union des diplômés chômeurs (UDC), c'était la grogne des jeunes diplômés à la recherche d'un emploi, venus de différents gouvernorats. Ils se sont rassemblés en face du Théâtre municipal et ils ont marché le long de l'avenue Habib-Bourguiba, pacifiquement, accompagnés par un cordon humain de sécurité, afin d'éviter tout débordement. «Toute personne a droit au travail, au libre choix de son travail, à des conditions équitables et satisfaisantes de travail et à la protection contre le chômage», pouvait-on lire sur une des pancartes, comme pour rappeler qu'indépendamment de la constitution en chantier, le travail demeure un droit reconnu par la Déclaration universelle des droits de l'Homme. Ils étaient 3.000 manifestants selon les organisateurs et 500 seulement selon la police, mais en tout cas, ils donnaient de la voix. Outre des slogans qui n'avaient rien à voir avec le dossier de l'emploi, on pouvait entendre : «L'emploi n'est pas une faveur de la part des politiques». Au cœur de la manifestation nous avons retrouvé Salem Ayari, coordinateur général de l'UDC, fier que son organisation ait «contraint» le gouvernement à autoriser la manifestation. «La corruption et l'opacité minent toujours les opérations de recrutement dans la Fonction publique», déclare-t-il. «Si les noms des personnes retenues dans les concours pour la Fonction publique sont révélés, avec leur numéro de sécurité sociale, vous serez étonné par le nombre de personnes occupant déjà un emploi», poursuit-il. Bien qu'il admette la complexité de la résolution du problème endémique du chômage, il déplore le manque de sérieux et l'absence d'une réelle volonté politique pour le résoudre. Il rappelle que les revendications de la jeunesse tunisienne depuis le déclenchement de la révolution sont essentiellement sociales. «Ils essaient de dévier le débat vers le ‘takfirisme' et la ‘traîtrise' et tous ces termes impérialistes qui voilent la hausse des prix et le dossier de la lutte contre le chômage !», s'indigne ce jeune chômeur. Notre interlocuteur dénonce également l'autisme du gouvernement en ce qui concerne les revendications des chômeurs. Un gouvernement qui, selon lui, reçoit les représentants de la société civile sans vraiment les écouter. «Avec 35.0000 diplômés chômeurs, les 25.000 postes d'emploi dont s'enorgueillit le gouvernement, qui d'ailleurs ne sont pas totalement transparents, sont de la poudre aux yeux», selon Salem Ayari. Une manifestation pacifique donc, mais qui devrait alerter les pouvoirs publics sur l'importance du dossier du chômage, qui reste pour la Tunisie (et d'ailleurs pour beaucoup d'autres pays dans le monde) une bombe à retardement prête à éclater à tout moment.