Par Nejib OUERGHI Que ce soit au plan politique, économique ou social, les clignotants sont au rouge. La Tunisie fait face actuellement à une crise aiguë qui supporte mal l'attentisme, le laxisme et, encore moins, l'indécision. Au malaise politique viennent s'ajouter le marasme économique et le mécontentement social. Les raisons sont réelles et les inquiétudes sont justifiées. Elles exigent, assurément, un sens du devoir et de la responsabilité et une conscience affirmée pour sortir le pays du cercle vicieux dans lequel il ne cesse de se débattre. Tout faux pas pourrait être préjudiciable, provoquerait des conséquences néfastes et enfoncerait davantage le pays dans l'incertitude et le doute. Sur le plan politique, la Tunisie continue de faire du surplace, faute d'engagements francs, de choix clairs et consensuels et de volonté affirmée à définir les réformes qui mèneraient le pays résolument vers la démocratie, la modernité et le développement soutenu et intégral. Que des zones d'ombre qu'il va falloir, aujourd'hui, éclaircir, des attentes qu'il ne faudrait pas décevoir et des craintes qu'il importerait de chasser. L'interview du chef du gouvernement provisoire, M. Hamadi Jebali, diffusée vendredi soir par les chaînes de télévision nationale, nous a laissés sur notre faim. Au moment où l'on s'attendait fébrilement à des annonces et à des déclarations sur une feuille de route claire et précise sur les questions qui continuent à diviser les acteurs politiques, on s'est contenté de vagues promesses. Toutes les questions qui fâchent ont été justes effleurées, esquivées et momentanément ajournées. Sur le plan économique, le pays amorce un virage décisif. D'une extrême gravité. A une conjoncture internationale incertaine et hésitante, s'ajoutent des difficultés structurelles inextricables qui ne finissent pas de tirer vers le bas la production, l'investissement, les exportations, la croissance, l'emploi et même la confiance des opérateurs économiques. A l'évidence, les résultats enregistrés jusqu'ici sont en demi-teinte. L'heure est plutôt au questionnement et à l'expectative qu'à l'optimisme. Le pays est en train de s'enfoncer inexorablement dans une crise systémique dont on ne voit pas encore la porte de sortie. Résultat : la plupart des indicateurs sont en berne, ou presque. D'où une persistance des pressions sur l'économie altérant l'équilibre du secteur extérieur, les liquidités bancaires et le niveau des prix à la consommation. Le déficit commercial s'est élargi de plus de 50% durant les huit premiers mois de l'année en cours, engendrant une augmentation du déficit courant qui atteint 5,6% du PIB, les avoirs nets en devises sont descendus, pour la première fois depuis des années, à moins cent jours d'importations et la poussée inflationniste s'est renforcée avec un glissement annuel de l'indice général des prix à la consommation de 5,6% au mois d'août 2012. En même temps, l'économie fait face, depuis le début 2012, à une conjoncture difficile du fait de la décélération de l'activité économique chez nos partenaires européens, provoquant un net ralentissement au niveau des industries manufacturières et un sentiment d'inquiétude chez les opérateurs. En effet, le moral des chefs d'entreprises industrielles stagne, traduisant une situation hésitante du climat dans l'industrie. Les opérateurs demeurent peu confiants en ce qui concerne leurs propres perspectives personnelles d'activité et leurs carnets de commandes sont jugés très peu étoffés. Plus inquiétant: le taux d'utilisation des capacités de production reste très loin des niveaux antérieurs. Concomitamment, la confiance des institutions internationales dans le pays est entamée. En témoigne le rabaissement, par l'agence de notation américaine Standard & Poor's, respectivement en mai dernier de la note à long terme de la Tunisie de deux crans à BB et ces derniers jours de la notation bancaire du pays en le classant dans le groupe des pays à risques élevés. Une telle appréciation du risque tunisien laisse envisager que la Tunisie peut confronter des risques réels en matière de résilience économique, de déséquilibres économiques et en termes de financement de l'économie. Sur le plan social, on peine toujours à proposer des réponses convaincantes à des attentes urgentes en termes de développement des régions intérieures, de lutte contre la pauvreté et de création de nouveaux emplois au profit des nombreux postulants qui se recrutent essentiellement parmi les diplômés de l'enseignement supérieur. La stabilisation relative du chômage (17,6%) annoncée n'augure nullement une éclaircie sur ce front et, encore moins, un trend qui pourrait s'inscrire dans la durée. Avec un stock de sans-emploi qui ne finit pas de prendre de l'ampleur, les véritables solutions ne peuvent venir que d'une stabilisation de l'environnement, d'une meilleure visibilité et d'un renforcement du rang des entreprises performantes. Cela implique, en d'autres termes, d'identifier de nouvelles pistes d'une croissance soutenue et durable à l'effet de créer des emplois pérennes. Toutes ces conditions sont devenues aujourd'hui indispensables pour que la Tunisie arrive à offrir des perspectives d'avenir propres à renforcer le sentiment de confiance. Ce dernier facteur est un déterminant pour enclencher un processus vertueux de croissance et d'un développement soutenu et partagé.