Notre souhait le plus ardent est que l'on parle plus de l'équipe et moins du sélectionneur. Il serait grand temps... En football, les jugements et les appréciations sont souvent dans l'excès. On peut être capable de décerner la médaille d'or avant de gagner et la lanterne rouge avant de perdre. Mais que nous y soyons préparés ou pas, le football nous surprend toujours avec son incroyable faculté à se prêter à des délires collectifs et à une instrumentalisation éhontée entraînant la quasi totalité des acteurs dans un dépassement qui repousse toutes les limites. Un dépassement institutionnel qui récompense ceux qui ont le pouvoir de la parole. Il y en a qui aiment se saisir de quelques clichés et leur offrir une mise en application spectaculaire. Ces gens-là se distinguent par un trait assez distinctif : ils ne disent pas ce qu'ils font et ne font pas ce qu'ils disent... Mais à chaque fois, ils retombent dans leurs travers. C'est ainsi qu'à force d'accumuler du ressentiment à l'égard de Sami Trabelsi, à force de ne retenir dans le rendement de la sélection que les éléments négatifs, on sent qu'il y a moins de patience à l'égard du sélectionneur. Certains commentateurs, notamment les consultants de télévision et de radio, on fait, il est vrai, un fort mauvais usage des notions footballistiques, mais on ne fait pas disparaître magiquement les réalités auxquelles elles correspondent par un simple coup de balai. Le cœur de l'action réside dans une mesure phare qui tient probablement son nom de sa capacité à aveugler l'opinion publique. En un temps où de subversif et critique on devient décoratif, où chacun parraine, parade, pontifie, la campagne de dénigrement, dont le sélectionneur est l'objet, a finalement suscité une indifférence assez polie. Comme si la polémique poussée à plein régime était arrivée prématurément à court de carburant. Inutile de préciser que le phénomène dévoile de plus en plus la face cachée de tous ceux qui n'ont plus grand-chose à redire sur le maintien du sélectionneur en poste. Allez expliquer cela à tous ceux qui suivent la sélection de loin. Le sélectionneur tel qu'en lui-même Il faut dire que le passage de Sami Trabelsi en équipe nationale, malgré tous les aléas de la fonction, ne peut être qu'une bonne expérience, peut-être plus enrichissante que celle de sa vie de footballeur. Elle est de nature à lui permettre d'apprendre, non pas ce qu'est le football, mais le monde du football. Cet intérêt n'est pas dû à une montée de conscience, celle qui vient avec l'âge, ou avec l'affirmation des convictions. Le mérite du sélectionneur est d'avoir suffisamment évolué, surtout avec les circonstances. Parfaitement instruit de sa fonction de fusible, «sous tutelle» et surveillé comme rarement un entraîneur le fut dans l'histoire de l'équipe nationale, il tient malgré tout à bâtir dans la durée et il n'a jamais oublié la rhétorique de la construction, attaché comme il est à la nécessité de ne pas miser sur une conjonction immédiate de facteurs favorables pour obtenir des résultats et espérer durer un peu. Le sélectionneur averti doit savoir qu'il est constamment attendu. Mais pour Sami Trabelsi, le football n'est qu'une perpétuelle remise en question. Ce qui est fait est fait, en bien ou en mal. Il faut toujours voir devant. C'est une conscience au quotidien. Le seul moment où il n'aura plus rien à prouver c'est quand il arrête. Tout cela a fini par se développer et prendre forme. Mais après tout, ça ne peut être qu'un mouvement du balancier de l'histoire. Sami Trabelsi est resté lui-même. Il n'a jamais lâché les fondamentaux et commis l'énorme erreur de penser que l'impératif du résultat entraîne des obligations dans le jeu. Si le potentiel de l'équipe nationale n'est pas encore assez optimisé, son influence est manifeste, à l'image de l'homogénéité entre les joueurs et qui se traduit par une compatibilité assez parlante. L'important maintenant est que le sélectionneur puisse travailler en étant moins traqué, et surtout qu'il ne soit plus au centre de l'attention. Réduire le sort de la sélection à celui du sélectionneur aura pour effet de transformer l'avenir de l'équipe en un absurde quitte ou double, faisant oublier l'essentiel: l'équipe sur le terrain. Celle-ci devrait reprendre ses droits tout en confirmant Sami Trabelsi à sa place. A la fois à son poste de sélectionneur et sur le banc. Notre souhait le plus ardent est que l'on parle plus de l'équipe et moins du sélectionneur. Il faut dépersonnaliser l'équipe de Tunisie. Il serait grand temps... Parfois, le silence suffit là où les mots seraient de trop. Un regard, un sourire en disent plus long qu'un grand monologue.