Le gouvernement vient d'examiner le projet de budget pour 2013 avant de le présenter pour débat et éventuellement approbation par l'Assemblée nationale constituante avant la fin de l'année. Il est à espérer que la Constituante aura d'ici là progressé dans l'approbation des textes importants qui lui sont soumis et qui sont relatifs à l'Instance supérieure indépendante des élections et la justice transitionnelle. Des bribes d'informations sur ce projet de budget sont déjà disponibles mais elles sont insuffisantes pour l'analyser en profondeur. Cependant, des remarques préliminaires peuvent être formulées et quelques suggestions pourraient être fournies pour cet acte important de l'Etat, dans les circonstances difficiles que traverse l'économie nationale. Tout d'abord, il est essentiel de noter que ce budget se prépare dans un climat mondial récessionnaire. La zone euro — qui domine nos relations économiques extérieures — voit sa production industrielle chuter de 2,8% et son PIB (produit intérieur brut) tourner autour de -0,5%. La France, notre principal partenaire économique, connaîtra une stagnation, l'Italie une récession de 2,4%, l'Espagne 1,7%, même l'Allemagne n'aura qu'une croissance anémique de 0,8%. Les Etats-Unis verront leur PIB dépasser légèrement les 2% et la Chine, qui en 10 ans a quadruplé son PIB avec un taux annuel de croissance de 11%, n'atteindrait que 7,8%. En Tunisie, suite à la récession de 1,8% en 2011, le PIB aura une faible croissance d'un peu plus de 2% en 2012 et de 3,5% en 2013. Ces taux sont tellement faibles qu'ils ne mettront pas fin à l'aggravation du chômage. Cette faible croissance s'accompagnera d'une inflation de plus en plus attisée non seulement par les rémanences de la bulle monétaire de 2011 mais aussi par la situation alarmante des banques, alitées tous les jours par des injections massives de liquidités sur le marché monétaire. Les comptes extérieurs voient leurs déficits se creuser sur le plan de la balance commerciale et sur le plan des paiements courants. Il faut remarquer également que le budget continue à être préparé dans une optique annuelle traditionnelle. On est encore loin de son insertion dans un cadre de dépenses à moyen terme (CDMT) qui assurerait la satisfaction de deux objectifs fondamentaux, à savoir les équilibres macroéconomiques à moyen terme et l'allocation d'enveloppes sectorielles pluriannuelles de dépenses aux secteurs prioritaires. On est encore loin de la budgétisation par objectifs qui fixerait aux secteurs des indicateurs quantitatifs de performance et des jalons à atteindre annuellement. Un jour, la Tunisie se dotera de ces outils essentiels des finances publiques modernes. Budgétairement, on continue à vivre dans le sillage des années 1960. Les quelques chiffres dévoilés jusqu'ici indiqueraient un budget de 26,6 milliards de dinars, en progression en termes nominaux de 4,7% sur celui de 2012. Cela veut dire qu'en termes réels (avec une inflation de 5,7% en 2012 et 2013), sa masse est en décroissance. Il faut noter, toutefois, que la masse salariale sera nettement plus élevée, suite aux augmentations de salaires et au recrutement envisagé de quelque 30.000 nouveaux fonctionnaires qui viendraient s'ajouter à un corps pléthorique de 580.000. Ce n'est pas en alourdissant la masse salariale de cette façon, qu'on viendra à bout du chômage. C'est en accroissant, d'une manière très substantielle, les investissements publics que l'on aidera l'emploi. Or, le taux de réalisation des investissements publics en 2012 a été extrêmement faible : 1.112 milliards de dinars sur 5.675 milliards de dinars de prévus, soit moins du cinquième. Dans un pays assoiffé d'investissements dans les infrastructures, l'agriculture, l'industrie, l'éducation et la santé, un tel taux est décevant. Le gouvernement devrait en tirer les conséquences nécessaires, y compris la nécessité d'une meilleure programmation des investissements publics et surtout d'une meilleure efficacité dans la capacité d'exécution de ces investissements. La création d'une Direction générale des grands projets au sein de la primature pourrait considérablement améliorer cette performance. A propos des infrastructures. Il est important de donner une grande priorité au réseau ferroviaire du pays, longtemps négligé. Dans ma ville natale, Kairouan, du temps des Français, il y avait une liaison ferroviaire fort utile avec Sousse, le port le plus proche. Un ministre de Bourguiba, se croyant « génial», a décidé de couper cette liaison en détruisant un chemin de fer déjà construit et fonctionnel ! C'est lamentable. Un pays comme la Chine pourrait nous aider à couvrir le pays d'un réseau ferroviaire qui nous ferait économiser l'énergie et aiderait au ravitaillement adéquat du pays en produits, y compris les produits alimentaires et à la réduction de l'inflation. En matière d'énergie. Il est surprenant de voir ces manifestants, se prenant pour des défenseurs de l'environnement, s'opposer au projet du gaz de schiste dans le Kairouanais. On pourrait soupçonner dans ces manifestations les intérêts de certains groupes. Les investissements en gaz de schiste sont en train de révolutionner la production énergétique aux Etats-Unis. Pourquoi priver notre pays, qui n'a pas eu la chance de recéler de grandes mannes pétrolières comme ses voisins, d'une telle manne naturelle qui pourrait réduire notre dépendance énergétique et favoriser le développement d'une région jusqu'ici marginalisée ? Enfin, il faut espérer que le gouvernement, qui a pris des décisions courageuses de réduction des subventions des hydrocarbures, continue à réduire les subventions onéreuses qui profitent, non pas aux pauvres, mais à ceux qui conduisent des Ferrari et des Porsche et qui possèdent des yachts de plaisance.