Par Abdelkader KACEM* La deuxième moitié du XXe siècle a été marquée par le développement sans précédent du modernisme induit par la mécanisation des systèmes de production au moyen des progrès techniques et technologiques. Cela a favorisé la croissance mondiale et multiplié la production des biens et des services plusieurs fois. Depuis les années 90, la généralisation de l'informatique et des systèmes de communication et d'information ont réduit les efforts humains au minimum déléguant la pénibilité du travail aux machines et aux personnes à l'origine des procédés ingénieux d'organisation et de programmation. Ce contexte a favorisé en même temps un phénomène de mode, de créativité et d'innovation induit par l'accroissement de la demande, l'approfondissement des études, des connaissances, des recherches et des coopérations. Appuyé par le libéralisme économique et l'ouverture des frontières, le monde de l'entreprise et des affaires s'est donc développé en conséquence, profitant d'un marché relativement vierge, d'une demande élargie et d'un pouvoir d'achat amélioré. Mais, la croissance vertigineuse de l'économie mondiale s'est faite de façon déséquilibrée en raison des écarts de développement entre les pays, les entreprises et les sociétés civiles. Il s'ensuit un développement sans précédent pour les uns accompagné d'une consommation abondante et un appauvrissement inquiétant pour les autres du fait de leur incapacité à produire et à consommer. Concrètement, les entreprises dominantes avec leur capacité de production multipliée ont tout simplement écarté les concurrents (plus faibles) des marchés incapables de produire au même niveau tant pour les exigences des prix que de la qualité. Il en découle tout simplement une perte conséquente d'emplois et de la capacité de production dans les pays retardataires du fait de l'augmentation des coûts et écarts importants de compétitivité. Cela coïncide avec les idées de certains qui affirment que trop de développement dans un endroit donné correspond un appauvrissement alarmant ailleurs. La question qui reste toujours d'actualité est liée au degré de libéralisme d'une économie et de l'opportunité du protectionnisme pour préserver les entreprises et sauver les emplois nationaux. Toutes les formules ont été essayées à travers l'histoire par les grands pays comme les petits. Il semble évident, aujourd'hui, qu'un bon dosage d'équilibre entre l'un et l'autre des systèmes est nécessaire et profitable à toutes les nations. Un excès de protectionnisme réduirait les exportations nationales alors qu'un excès de libéralisme porterait atteinte de l'autre côté aux emplois et aux réserves en devises. Quel serait l'avantage d'un pays producteur d'un grand nombre de biens incapable d'exporter sur des pays dépourvus d'emplois et de moyens de payement ? Ne serait-il pas plus bénéfique de donner l'occasion à ces pays de favoriser la demande des biens en question par des emplois qui créeraient un pouvoir d'achat suffisant ? Nous pensons que pour se préserver les uns les autres, il convient de mettre un nouveau règlement qui préserve les intérêts nationaux. Il serait nécessaire d'encourager un libéralisme protecteur qui limite la taille des entreprises nationales ou internationales en les amenant à décentraliser sur les plus faibles lorsque leur taille devient imposante et crée des déficits importants ailleurs. Cela peut être lié au niveau des échanges. La réalisation d'un certain chiffre d'affaires à l'import ou à l'export doit, à titre d'exemple, favoriser une synergie qui porterait sur la création de tant d'emplois dans le pays partenaire, etc. Cela aura l'avantage de créer des emplois dans les régions en besoins, favoriser l'équilibre entre les pays, donner du pouvoir d'achat aux plus faibles pour relancer la production et la consommation mondiale et donc profiterait aux grandes entreprises généreuses. L'intérêt encore plus important d'une telle mesure serait lié à la sécurité internationale, à la stabilité des pays, à la réduction de l'immigration et au développement des rapports d'entente et de bon voisinage qui auront des répercussions sur les échanges et les affaires. Outre les effets économiques et sociaux facilement évalués, le phénomène du modernisme a induit des comportements psychologiques pathologiques donnant naissance à des frustrations, des complexes, de la méfiance envers l'autre et des tensions dans les rapports à l'intérieur, entre les régions, et à l'extérieur par des signes de rejet et de stigmatisation qui ont dégradé les efforts de coopération et d'entraide. Y a-t-il des limites au progrès ? Nous mesurons tous les effets bénéfiques du progrès technique et des technologies modernes dans notre vie de tous les jours. Cela a apporté des révolutions importantes à l'avantage de l'homme, sa santé et son confort. Cela est perceptible à titre d'exemple dans les effets d'un téléphone portable, d'un avion, d'une voiture ou des équipements médicaux, etc. Mais, certains imputent au progrès technique et au modernisme plusieurs maux de société dont le chômage, la sous-qualification professionnelle, l'immigration, l'appauvrissement, les grands écarts de niveau de vie entre les personnes et les sociétés, etc. En effet, à force d'user des progrès techniques et technologiques on perd facilement en intelligence par le recul de la maîtrise des processus de fabrication et de production en devenant simplement esclave de la machine. Pour favoriser l'emploi, surtout dans les pays retardataires, il serait avantageux de réexaminer aujourd'hui le niveau de modernisation de certains secteurs et activités pour en déterminer le meilleur avantage pour la nation. Nous pensons qu'à un certain niveau, cela a empêché l'accomplissement de beaucoup de travaux domestiques et professionnels autrement plus bénéfiques et moins coûteux. Quel est l'apport des aliments conditionnés pour la femme au foyer qui ne prépare plus sa provision alimentaire de l'année ou des habitudes prises pour s'alimenter loin du foyer ou encore d'un agriculteur qui n'élève plus ses vaches, ses poules et achète son lait et ses œufs, son alimentation, ses fruits et légumes au marché, etc. ? Quel serait encore l'avantage d'une voiture qui nous empêche de circuler en ville à pied et profiter de la nature ? La même chose pour d'autres secteurs qui font appel à des travaux qu'ils sont normalement en mesure d'accomplir par eux-mêmes. Cela appelle au discernement des populations, à une éducation consciente qui fait la part des choses entre le nécessaire, le bénéfique et le superflu par l'étude du coût et des avantages. En fait, le progrès apporte beaucoup d'avantages, mais qui ne sont pas profitables à tout le monde de la même façon en tout temps. Il serait nécessaire de faire la distinction entre les choses pour se préserver des dangers et économiser ses revenus.