La condition de la femme, épouse —mère— travailleuse dans une société traditionnelle, est examinée dans deux cas n'appartenant pas à la même catégorie sociale, l'idée étant de faire se croiser différentes réalités féminines. Voilà déjà une année que Kamel Laâridhi, Moncef Taleb et Amine Messadi ont lancé la société de production cinématographique et audiovisuelle Inside Productions. L'événement international Dox Box Global Day 2012 qu'ils ont organisé en mars dernier, en partenariat avec le festival syrien des films documentaires Dox Box et soutenu par d'autres sociétés de production tunisiennes, a accompagné les premiers pas de leur boîte et a connu un franc succès. Le premier est réalisateur, le second est ingénieur du son et le troisième, directeur photo. Ensemble, ils ont déjà produit deux documentaires en 2010, réalisés par Kamel Laâridhi (Gharsallah et Rossini Palace), que le public a pu voir lors des dernières éditions des festivals tunisiens «Doc à Tunis» et les JCC. Ils viennent de tourner, il y a une semaine, leur première fiction en court métrage intitulée Une femme et demie (M'ra wa noss). Une équipe de choc Le film est une sorte de commande sollicitée dans le cadre de la campagne «Ana houna» (je suis là) qui ambitionne de sensibliser sur les inégalités actuelles que subissent les femmes dans le monde du travail. Kamel Laâridhi avait son mot à dire sur le sujet, aidé pour le scénario par deux femmes, Abir Gasmi et Chema Ben Chaâbène. Cela a donné Une femme et demie, un film qui, comme le révèle le synopsis, aborde la question à travers le portrait de deux femmes. La première s'appelle Emna (rôle campé par la même Chema Ben Chaâbène), juge aux affaires familiales, qui a réussi professionnellement et qui n'a vraisemblablement pas de problèmes financiers. Etant mère d'un enfant en bas âge, assez prise par son travail et n'ayant personne pour le garder, elle est dans l'obligation d'employer quelqu'un, une femme, pour garder son fils pendant la journée. Et c'est là qu'entre en jeu le deuxième personnage, Hajer (Emna Derouiche), issue d'un milieu défavorisé avec un faible niveau d'instruction, elle cherche embauche comme femme de ménage. Mère de trois garçons, elle est obligée d'amener le plus jeune avec elle sur les lieux de son travail, car il ne va pas encore à l'école. Bien qu'appartenant à deux mondes différents, les deux femmes ont en commun cette double responsabilité qu'elles doivent assumer au quotidien, mères de famille dévouées et travailleuses honnêtes et responsables. «D'autres personnages féminins croiseront le quotidien des deux femmes», précise Moncef Taleb, l'un des producteurs du film, qui ajoute: «La condition de la femme, épouse —mère— travailleuse dans une société traditionnelle, est examinée dans deux cas n'appartenant pas à la même catégorie sociale, l'idée étant de faire se croiser différentes réalités féminines». Et c'est à la caméra de concrétiser les mots et les idées, de les mettre en images et de les sublimer. Pour ce faire, les membres de Inside Productions ont fait appel à la crème des jeunes techniciens tunisiens et à d'autres acteurs de talent, qui ont accepté de collaborer avec eux dans ce projet malgré la modestie des moyens. Cinq jours de tournage dans un seul décor, aménagé par les soins de Maha Marrouki et Dorra Chaouachi. «Nous avons fait en sorte d'inclure un maximum de femmes dans ce projet pour faire honneur à la thématique du film», relève le producteur. L'on cite encore Héla Djebbi au département costumes qui n'en est pas à son premier film, et Nadia Ben Ayed au département maquillage. Pour mener à bien son projet, Kamel Laâridhi a pu compter également, et entre autres, sur la rigueur de son premier assistant Mohamed Aâjbouni, sur le talent du chef opérateur Sofien El Fani, sur la minutie de la scripte Safé Messadi, sur la technicité sonore de Walid Ouerghi et sur les conseils artistiques de Amine Messadi. Les rushes collectés seront prochainement montés par Fakhreddine Amri, avec comme bande originale les tracks du groupe jordanien Autostrad. A propos de transparence L'équipe de Inside Productions ont d'autres projets en vue, dont une fiction intitulée Gharsallah, le retour, adaptée du documentaire «Gharsallah» et qui n'a pas figuré —malheureusement— sur la liste de la dernière commission des films subventionnés par l'Etat, annoncée il y a deux semaines. «Parmi les réalisateurs qui ont reçu une subvention, il y a encore et toujours les Jaziri, Ben Mahmoud...», note Moncef Taleb dans ce sens, en ajoutant que les aides à la production sont accordées le plus souvent aux mêmes personnes. Commentant la politique d'octroi des soutiens de l'Etat au cinéma, Taleb déplore un manque terrible de transparence : «Un producteur n'a même pas le droit d'accéder à la fiche d'appréciation de la commission pour pouvoir retravailler et revoir son dossier. Et quand on sait maintenant que le budget alloué à la culture a baissé pour atteindre un taux négligeable de 0, 38 % du budget de l'Etat, on prend conscience qu'on ne peut s'attendre à rien du ministère de la Culture, d'autant qu'avec l'ancien budget, le cinéma souffrait déjà assez du manque des moyens qui lui étaient réservés», souligne-t-il. Voilà une des raisons qui a motivé ces jeunes cinéastes à lancer leur propre société de production pour pouvoir ainsi voler de leurs propres ailes et offrir une structure solide aux auteurs, scénaristes, réalisateurs et autres artistes qui croient à un devenir, autre et meilleur, du cinéma tunisien.