Un fonds indépendant pour les travailleurs mis au chômage avec une prime sociale mensuelle de l'ordre de 200dt pour tout licencié Révision globale du système d'enseignement ainsi que des différents systèmes de sécurité sociale Création d'un conseil national de dialogue social au cours de l'année 2013, avec une composition tripartite équilibrée C'est un message clair et fort qui vient à un moment décisif et qui dénote une volonté commune des trois partenaires sociaux signataires du contrat social de garantir une certaine atmosphère de paix et de stabilité sociales, condition sine qua non pour toute croissance économique et incitation à l'investissement. Les négociations marathons tripartites, qui ont duré quelque six mois, entre les équipes du gouvernement, de l'Union générale tunisienne du travail (Ugtt) et de l'Union tunisienne de l'industrie, du commerce et de l'artisanat (Utica), ont fini hier par la signature du premier pacte social de la Tunisie sous la coupole de l'Assemblée nationale constituante. Lequel pacte comporte un ensemble de principes consacrant un environnement favorable à l'investissement et à l'emploi et qui est entré en vigueur dès sa signature. La cérémonie de signature du document relatif à ce pacte a été marquée par l'absence du président provisoire de la République, Moncef Marzouki, alors qu'elle a connu la présence, entre autres, d'un certain nombre de personnalités étrangères, dont Guy Ryder, directeur général de l'Organisation internationale du travail (OIT), et Monica De Coninck, ministre du Travail de la Belgique, outre des constituants, ministres, syndicalistes et experts internationaux. Le texte du pacte social comporte cinq axes, à savoir la croissance économique et le développement régional, les politiques de l'emploi et de la formation professionnelle, les relations professionnelles et le travail décent, la protection sociale et l'institutionnalisation du dialogue social tripartite. Ont signé ce contrat, le chef du gouvernement, Hamadi Jebali, le secrétaire général de l'Ugtt, Hassine Abassi, et Wided Bouchamaoui, présidente de l'Utica. Dans son allocution, le chef du gouvernement a indiqué que la réussite des négociations sociales entre les différents partenaires est un acquis majeur alors que la situation économique actuelle recommande à tous de redoubler d'efforts et d'abnégation pour renforcer les facteurs de la croissance économique, loin de toute surenchère. D'autre part, il a ajouté : « En coordination avec le président de la République, le gouvernement est déterminé à renforcer la participation de toutes les parties politiques et les représentants de la société civile en vue d'assainir le climat politique et réaliser la concorde nationale». Selon lui, le gouvernement «ne prétend pas trouver, toujours, les solutions adéquates et immédiates aux problèmes posés». Enchaînant, il a indiqué que le gouvernement compte sur la compréhension de ses partenaires sociaux dont en premier lieu l'Ugtt et l'Utica, tout en soulignant que le dialogue social constitue l'un des fondements de la croissance économique et le meilleur moyen de surmonter les tensions sociales alors qu'on se prépare à entamer la dernière phase de cette étape transitoire. Corrélation : paix sociale et croissance économique Pour sa part, le président de l'Assemblée nationale constituante (ANC), Mustapha Ben Jaâfar, a indiqué que la Tunisie, qui célèbre le deuxième anniversaire de sa révolution, entame la prochaine étape avec plus de maturité, tout en saluant toutes les initiatives visant à instaurer le dialogue et la concorde entre toutes les composantes de la scène politique. De même, il s'est déclaré optimiste «quant au sens de la responsabilité et d'ouverture au dialogue, sans exclusion, dont ont fait montre les différentes parties». Ben Jaâfar a fait remarquer, par ailleurs, que la nouvelle constitution donnera des garanties constitutionnelles quant à la préservation des droits de l'Homme et notamment ceux ayant une dimension sociale et en particulier les droits économiques et sociaux. «Nous espérons que ce contrat social sera le point de départ d'un processus dans lequel nous comptons réaliser le développement et consacrer les libertés et la dignité dans un cadre de paix sociale». Le secrétaire général de l'Ugtt, Hassine Abassi, a insisté sur l'importance de l'aboutissement des négociations sur une garantie des droits économiques et sociaux ainsi que celui syndical, appelant les constituants à les inscrire dans la nouvelle constitution. Selon lui, c'est une garantie de la paix sociale. «Aujourd'hui, nous avons besoin d'une vision globale du développement», a-t-il conclu. «La réalisation d'un équilibre entre l'efficience économique et les revendications sociales ne peut se faire qu'à travers le dialogue et le respect de la loi», a affirmé pour sa part la présidente de l'Utica, Wided Bouchamaoui. Une meilleure image à communiquer Quant au directeur général de l'OIT, Guy Ryder, il s'est dit optimiste par rapport à l'avancement de ce projet de pacte social et à la suite de la phase transitionnelle dans les pays arabes, notamment la Tunisie, dont il a loué l'enthousiasme de la jeunesse. Il a ajouté : «La conclusion de ce pacte a nécessité d'opter pour des choix dans une période critique notamment sur le plan social. Félicitations aux groupes de négociations tripartites. La signature de ce pacte social est une initiative majeure pour le développement social et économique de la Tunisie et ce n'est que le lancement d'une nouvelle dynamique qui n'aura que des répercussions positives». Aussi, il a indiqué que l'OIT travaille sur l'élaboration d'une stratégie pour la promotion du travail décent et qu'elle s'engage à appuyer davantage la Tunisie et à soutenir ce processus entamé vers une paix sociale. Rebondissant sur l'importance du message développé pour la finalisation de ce pacte social, Monica De Coninck, ministre belge du Travail, a affirmé, dans son allocution, qu'il s'agit un message fort au peuple tunisien, aux voisins de la Tunisie et à la société internationale quant à l'engagement de la Tunisie dans la voie de la réforme. «Un chemin parcouru, certes, mais les défis à relever restent nombreux et le chemin est encore long». Et d'ajouter, lors d'une conférence de presse organisée suite à la signature du document : «Je pense que c'est très important d'organiser des communications sur ce contrat. C'est encore un travail pédagogique mais il est nécessaire pour entamer la construction. Vous devez regarder la réalité économique. Quand un investisseur met son argent dans une société, il doit gagner, mais en gagnant plus, il va devoir payer des salaires plus conséquents. Je pense, ici, qu'il y a un défi important : fournir des conditions de travail respectables (conditions sanitaires, écologiques,etc.). Nous avons subventionné ce processus de dialogue dans le but d'élaborer un pacte social avec la Tunisie, le Maroc et l'Algérie, et voilà que seule la Tunisie a donné des résultats», a-t-elle conclu. Pour sa part, le secrétaire général adjoint de l'Ugtt chargé du secteur privé, Belgacem Ayari, a insisté sur la garantie des droits économiques et sociaux et notamment le droit syndical. Il a évoqué les conditions d'un travail décent loin des pratiques illicites de certaines sociétés et a affirmé que l'institutionnalisation du dialogue social est très important dans le processus de redynamisation du secteur de l'emploi notamment avec des mécanismes de révision globale du système de formation professionnelle et de couverture sociale. Dans ce sens, il a indiqué qu'un fonds indépendant sera créé pour prendre en charge ceux qui seront mis au chômage le temps de les réinsérer dans la vie professionnelle. La signature du pacte social ayant eu lieu, reste son application qui se heurte à plusieurs défis dont la délicatesse de la situation économique des sociétés et le mécontentement de certains partenaires sociaux à l'instar de la Confédération générale tunisienne des travailleurs, qui a estimé qu'elle a été écartée lors de ces négociations. Déjà des prémices de tensions...