"Dabbous El Ghoule" enflamme la polémique : les imams tunisiens dénoncent une atteinte au sacré    Des changements à la direction générale de BH Assurance    Les jeunes médecins tunisiens annoncent une grève nationale et menacent de boycotter les stages    Semaine boursière : Le Tunindex poursuit son trend haussier    Tunisie : Les agressions contre les journalistes en baisse de 40 %, selon le SNJT    Confusion de noms : un prisonnier dangereux relâché par erreur    L'Espérance de Tunis s'impose 1-0 face au CS Sfaxien    À l'occasion de sa journée nationale, retour sur les racines de la diplomatie tunisienne [Vidéo]    Les voleurs s'acharnent sur la maison de Marzouki, elle est encore cambriolée    France : un Prince qatari se baladait à Cannes avec une montre à 600 000 €, ça a failli mal tourner    Le chanteur libanais Rayan annonce sa guérison et rend hommage à la Tunisie    La composition officielle de l'Espérance Sportive de Tunis    Le lundi 5 mai, 144 mille élèves passent le bac blanc    Ben Arous et Nabeul privés d'eau potable à partir du 6 mai : Les détails    Moins de plis, moins de fers : pourquoi les Français délaissent le repassage ?    ST : Inverser la tendance    Guerre en Ukraine : Trump voit les choses "un peu différemment", selon Zelensky    Des investisseurs qataris intéressés par Tabarka : la Tunisie séduit à nouveau...    Sidi Bouzid : Des coupures d'électricité ce week-end, l'eau sera également impactée    Pape Trump ? Une image virale secoue les réseaux    Grèce : une voleuse présumée tuée par son propre engin explosif    Décès du producteur Walid Mostafa, époux de la chanteuse Carole Samaha    Comment avons-nous été manipulés : ce n'était pas accidentel mais un plan méthodiquement exécuté    Sihem Ben Sedrine en aurait trop fait, Fatma Mseddi saisit Leila Jaffel    Alerte scientifique : le "monstre sous-marin" du Pacifique prêt à entrer en éruption à tout moment    Des plages sales, des routes dégradées : l'état alarmant des villes de Tabarka et Ain Drahem avant l'été    Sousse : Arrestation d'un criminel recherché dans 18 affaires, drogue saisie    Grandes cultures : Une équipe de chercheurs mettent au point un stimulant agricole    Affaire du gouverneur de Tunis : Enquête sur un cadre sécuritaire de haut niveau    La Télévision algérienne s'en prend aux Emirats Arabes Unis suite à un passage télévisé !    USA – La CIA annonce la suppression de 1.200 postes, la NSA le prochain ?    Le Canal de Panama: Champ de bataille de la rivalité sino-américaine    Le ministère de l'Agriculture recommande une série de mesures sanitaires aux éleveurs à l'approche de l'Aïd al-Adha    Tunisie : Découverte archéologique majeure à Sbiba (Photos)    Entreprises délaissées – Saïed : « Fini les comités, place à l'action »    La STB Bank plombée par son lourd historique, les petits porteurs à bout !    Gymnastique rythmique : la Tunisie en lice au Championnat d'Afrique au Caire    Drame en Inde : une influenceuse de 24 ans se suicide après une perte de followers    Nouveau communiqué du comité de l'ESS    BCT - Le TMM recule à 7,50% en avril 2025    La Liga: Le Rwanda désormais un sponsor de l'Atlético de Madrid    Météo en Tunisie : légère hausse des températures ce weekend    Foire internationale du livre de Tunis 2025 : hommages, oeuvres et auteurs primés au Kram    L'Open de Monastir disparait du calendrier WTA 2025 : fin de l'aventure tunisienne ?    Psychanalyse de la Tunisie : quatre visages pour une même âme    Ce 1er mai, accès gratuit aux monuments historiques    Par Jawhar Chatty : Salon du livre, le livre à l'honneur    Décès de la doyenne de l'humanité, la Brésilienne Inah Canabarro Lucas à 116 ans    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Du rêve aux enfants à travers l'art
Entretien avec Hamideddine Bouali
Publié dans La Presse de Tunisie le 21 - 01 - 2013

En décembre 2012, le photographe Hamideddine Bouali a animé un atelier de photographie au profit de 53 écoliers âgés de 6 à 12 ans, à Kallel Sammama, un village à mi-chemin entre Sbeïtla et Kasserine, où les habitants vivent dans l'isolement et dans des conditions de vie modestes. Retour sur une expérience humaine intense, qui aura donné aux enfants l'occasion de rêver et de se révéler à eux-mêmes et aux autres.
Comment est née l'initiative de cet atelier à Kallel Sammama ?
Les deux associations qui ont organisé à la perfection l'atelier de photographie sont le MEPI (dépendant de l'ambassade américaine à Tunis) et l'Association de développement de la femme rurale (ADFR), présidée par Bechir Omri. C'est ce dernier qui m'a contacté. Je l'avais rencontré dans un atelier de photographie à Redeyef il y a six ans. Je n'en suis pas à mon premier atelier avec les enfants et, en général, je suis toujours partant pour ce genre d'initiative.
Comment s'est déroulé l'atelier ?
L'atelier a duré six jours. Les thèmes abordés sont la prise de vue, la correction des images sur ordinateur, leur sélection sur des critères tels que le cadrage et la lumière ainsi que la réalisation de diaporamas, où les enfants ont appris la notion de causalité et la prise en compte de la dimension de la projection. Je leur ai fait également une introduction à l'histoire de la photographie et parlé d'Ibn El-Heythem, en plus d'une présentation de grands noms de la photographie. A la suite de ce cours, il s'est passé quelque chose d'incroyable. Les enfants venaient de découvrir des photos de Robert Doisneau, dont une avec deux enfants marchant sur leurs mains, intitulée «Les deux jumeaux». Le lendemain, un des écoliers me présente sa reproduction exacte, réalisée par ses soins avec ses camarades, alors que je ne leur avais rien demandé. Les enfants sont sensibles aux photos où leurs semblables sont représentés.
Quels autres travaux ou exercices ont été effectués à l'atelier?
Le premier exercice effectué par les enfants a été de se photographier les uns les autres pour se familiariser avec l'appareil photo dans un environnement qu'ils connaissent bien. De cette manière, ils ne se confrontaient qu'à une seule inconnue à la fois. Dans un second temps, je leur ai demandé de fermer les yeux, d'écouter une musique et de s'imaginer des images. Cela a été magnifique. Sur une marche funèbre de Chopin, l'un a évoqué un enterrement, l'autre des fantômes et un autre une femme en noir en train de pleurer. Sur West Side Story, les enfants ont décrit des gens qui courent, des voleurs en train de cambrioler une maison et des policiers qui les rattrapent, sans même avoir entendu les sifflements, un peu trop évocateurs, à la fin du morceau. Sur Le lac des cygnes, ils ont imaginé des gens qui se tiennent par la main et qui se promènent dans la nature. Ils sont vierges ! Leur esprit n'est pas pollué par une profusion d'images provenant des affiches, des magazines, des bouquins ou de la télévision, car il n'y a pas de ça dans leur village. J'ai réalisé des ateliers pour des enfants dans la capitale, c'était différent. Quand on leur demande d'imaginer quelque chose, ils pensent tout de suite à une image qu'ils ont déjà vue quelque part.
Quelle est l'approche pédagogique adoptée avec les enfants ?
Je leur dis que personne n'a ni tort ni raison. Chacun est libre de penser et d'interpréter les choses comme il veut, selon ses propres perceptions. Les enfants étaient contents de cette approche. Ils n'avaient pas honte de se tromper et n'hésitaient pas à participer. Dans la classe, il y avait un écolier qui bégayait, on m'avait prévenu que d'habitude il ne parle jamais. Dans mon atelier, il s'est complètement libéré !
Comment étaient les enfants à la fin des cours ?
L'atelier leur a donné envie de vivre encore plus d'expériences comme celle-là. Ils se sont habitués à une nouvelle méthode pédagogique qui leur convenait. A la fin de l'atelier, un des enfants est venu me voir en pleurant et m'a demandé si c'était vrai que je ne viendrai plus dès le lendemain. Cela m'a fendu le cœur.
Il faut savoir qu'à Kallal Sammama, il n'y a rien d'autre qu'un dispensaire, une mosquée et une école. Cette dernière est le seul endroit où les enfants peuvent se rencontrer, rester ensemble et entendre autre chose que ce qu'ils entendent à la maison. Leur seule distraction c'est donc l'école. Les ruines de Sbeïtla, le site archéologique le mieux préservé de la Tunisie, n'est qu'à 15 km de leur village. Pourtant, les enfants n'y ont jamais mis les pieds.
De plus, ils vivent dans un isolement total. Quand je leur ai montré une de mes vidéos, qui résume en images l'année 2012, ils m'ont demandé après ce qu'était la Saint Valentin, ce que faisait le drapeau de l'Arabie Saoudite en Tunisie en voyant le drapeau noir porté par les salafistes, pourquoi les gens dormaient dans la rue... Ils sont hors du coup ! J'en ai profité pour ouvrir une parenthèse et expliquer que dans les grandes villes il n'y a pas que des avantages mais aussi des inconvénients, comme l'indifférence et la pollution.
La suite à cet atelier ?
Les enseignants de l'école ont assisté à l'atelier et peuvent le refaire s'ils le souhaitent. Ils ont la possibilité d'emprunter à nouveau les appareils photos achetés pour l'occasion par les organisateurs. Pour ma part, je compte revenir au village pour aménager une salle de lecture à l'école. J'ai créé un événement sur facebook qui s'appelle « une ludothèque pour une école primaire », pour ceux qui veulent contribuer à ce projet et faire des dons. En mars, j'aimerais organiser une journée festive, dans laquelle il y aura une projection de films, des clowns et un magicien. Une caravane pourrait être organisée pour inciter les gens à venir découvrir un lieu où l'air est très pur et les habitants sympathiques et modestes, mais à qui on ne rend jamais visite.
Un appel à lancer ?
J'aimerais lancer un appel aux photographes, aux peintres, aux cinéastes... Il y a une citation qui dit « le bon à rien est celui qui n'est bon qu'à soi ». Il faudrait que tous ceux qui ont un savoir-faire pensent à le partager avec ces gens oubliés, pour les sortir de leur solitude. Malheureusement on ne le fait que trop rarement, parce que c'est extrêmement fatigant et très aléatoire. On ne sait pas ce qui nous attend. C'est difficile, mais c'est en forgeant qu'on devient forgeron.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.