Trois mois après sa création officielle en décembre 2012, l'Association Carthage annonce son programme et ses projets –un peu trop, peut-être– ambitieux. Hommes de culture et artistes, toujours relayés par les journalistes, ne cessent, depuis quelques décennies, d'appeler le secteur privé à investir dans la culture tunisienne, d'abord sur la foi qu'elle peut être rentable, ensuite parce que la culture d'une nation entière ne saurait indéfiniment reposer sur les seules épaules de l'Etat. A ce jour, il n'y a qu'un seul vrai précédent louable : le parrainage effectif et de poids, vers la fin des années 1990, de Saber Rebaï par Batam. Puis, plus rien. Un deuxième pas vient d'être franchi, avec la naissance de l'Association Carthage pour le malouf et la musique tunisienne (ACMMT). Des cadres supérieurs, entre hommes d'affaires, présidents-directeurs généraux issus du secteur privé, fonctions libérales, se sont joints autour de la volonté de sauver à tout prix l'une des expressions artistiques les plus représentatives de l'identité tunisienne : le malouf en particulier et la musique tunisienne en général. Sauver ?... Oui ! Le mot n'est pas déplacé car, à un certain moment, le malouf tunisien a failli tomber en déshérence s'il n'y avait pas eu, pour le repêcher, ce talent hors pair du nom de Zied Gharsa. Bien sûr, il y a toujours eu cette vieille structure qu'est la Rachidia et dont la vocation est précisément de préserver notre malouf. Sauf que son nom, depuis quelques années déjà, s'est littéralement confondu avec Zied. Et c'est justement celui-ci qui est appelé à la direction artistique de la Troupe de l'ACMMT. Une valeur artistique sûre que justifie amplement un placement indéniablement sûr. Agissant d'emblée en professionnelle, l'ACMMT a concocté un programme pour le restant de l'année en cours, soit un concert par mois (*) qu'animera un orchestre de 25 musiciens et 20 choristes sous la baguette du virtuose Gharsa qui promet d'exhumer un riche patrimoine resté méconnu à ce jour. Puis, dans un souci de réconcilier tous les Tunisiens avec leur musique propre, l'orchestre de l'ACMMT entend organiser périodiquement des concerts à l'intérieur de la République pour que le malouf cesse d'être perçu comme une expression tunisoise cantonnée dans la capitale. Autre intention fort louable : les répétitions de l'orchestre pourraient être ouvertes au public jeune, dans une tentative de l'amener à apprécier à sa juste valeur la richesse insoupçonnée du patrimoine, lui qui est ballotté par diverses expressions musicales à dominante occidentale. Or, l'ACMMT arrive avec une poignée d'objectifs un peu trop ambitieux : créer des filières régionales, organiser des concerts à l'intention des colonies tunisiennes à l'étranger (donc des déplacements), participer de manière significative aux grands festivals internationaux, créer une école de musique tunisienne, lancer une Radio de la musique tunisienne et un club de chant islamique (soufi ?). Evidemment, c'est trop beau tout cela, mais on craint que ce ne soit justement trop beau pour être réalisable. Contentons-nous pour le moment d'une certitude : un concert mensuel, avec et sous la direction du maestro Zied Gharsa. L'ensemble de ces informations a fait l'objet d'une conférence de presse qui s'est tenue mercredi dernier, sous la présidence de M. Mohamed Lamine Kaouach (homme d'affaires), en présence, entre autres, de Leïla Hejaïej (commission de la communication), Raouf Ben Amor (conseiller artistique), Abdelbasset Mitsahhel (vice-directeur artistique) et, bien sûr, l'incontournable Zied qui annonce pour le mois de juin un concert-hommage à Tahar Gharsa, à l'occasion du 10e anniversaire de son décès. (*) Les concerts prévus en 2013 : le 29 mars, le 19 avril, le 17 mai, le 28 juin, juillet (ramadan), août (festivals d'été), le 18 octobre, le 15 novembre et le 20 décembre. Tous auront lieu à l'Acropolium de Carthage.