Par Abdelhamid GMATI Parler de bonheur, par les temps qui courent, pourrait paraître, pour le moins, incongru. C'est peut-être pour cela que l'ONU a décrété le 20 mars journée internationale du bonheur, par une résolution adoptée en juillet 2012, avec le consensus des 193 pays membres, y compris la Tunisie. On part du principe que «la recherche du bonheur est l'un des objectifs fondamentaux de l'être humain». Le but de cette journée est de sensibiliser les gouvernements aux faits que la croissance économique ne suffit pas et qu'un développement plus équitable, équilibré et durable permettrait de mieux éliminer la pauvreté et d'assurer le bien-être du peuple. Il était demandé aux Etats membres de célébrer cette journée «de manière appropriée, notamment par des activités éducatives», prônant, entre autres, le respect et la courtoisie et l'entraide. Rien de particulier n'a été organisé, chez nous, hier pour cette journée. Mais il est une autre fête, très importante pour notre pays, qui a été pratiquement occultée: celle de l'indépendance. On fêtait hier le 57e anniversaire de l'indépendance. Or rien de significatif n'a été organisé à l'échelle nationale. Officiellement, seule une cérémonie de remise de décorations à d'anciens résistants était prévue. Et le président Marzouki en a profité pour faire du populisme et lâcher dans la nature 366 détenus. Comme l'an dernier, les cérémonies officielles ont été réduites. Absence de drapeaux et de festivités populaires à l'échelle nationale. C'est comme si on voulait effacer cette fête de l'Histoire tunisienne. Il n'y aurait donc pas eu de colonisation, de mouvement national, de luttes, de martyrs, de combats, de victimes et de libération ? Commémorer l'indépendance du pays c'est rendre hommage à la lutte de tout un peuple qui, pendant des décennies, a combattu la colonisation et acquis sa souveraineté et le droit d'être maître de sa destinée. Les gouvernants d'aujourd'hui ne seraient pas là où ils sont, sans cette indépendance. En tout cas, cette négation de cette fête n'est pas pour faire le bonheur des Tunisiens qui nagent dans la morosité, l'inquiétude et la désillusion. Et comment ne le seraient-ils pas avec tous les événements inquiétants qu'on découvre chaque jour depuis plus d'une année. Des jeunes Tunisiens sont enrôlés, après un lavage de cerveau dans les mosquées, pour aller se faire tuer en Syrie. Pour 2.000 dollars et une promesse d'entrée au paradis, ils sont emmenés au «Jihad» combattre d'autres musulmans. Au mois d'août 2011, l'actuel ministre des Affaires religieuses, Noureddine Khademi, appelait dans un prêche les jeunes tunisiens à s'engager sur le front de la guerre en Syrie au nom de la guerre sainte. Combien sont-ils ? Les chiffres divergent; les uns parlent de 3.000, d'autres de 5.000 et plusieurs dizaines sont morts, y compris un enfant de 10 ans qui accompagnait son père jihadiste. Des reportages ont montré le désespoir de familles découvrant leurs enfants, disparus, en Syrie. Il y avait même un jeune handicapé, en chaise roulante, parti au jihad en utilisant l'informatique. Bien entendu, tout le monde déplore ces morts mais on s'inquiète : lorsque ces jeunes reviendront au pays, rompus aux techniques de la guerre, que pourront-ils faire ? Viendront-ils, comme l'a demandé un imam salafiste, à la suite de l'organisation terroriste Aqmi, combattre les laïcs et la France en Tunisie ? L'infiltration de groupes de terroristes qui s'en prennent, dès qu'ils sont débusqués, à nos soldats et à nos gardes nationaux, faisant des victimes, n'est pas pour tranquilliser la population. La dernière action en date a eu lieu à Tajerouine dans le gouvernorat du Kef. Les rapports des commissions d'enquêtes sur les événements de Siliana et ceux de l'Ugtt ont démontré l'implication des ligues de protection de la révolution et de certains membres d'Ennahdha. Plus : le ministère de l'Intérieur est pointé du doigt pour l'utilisation préméditée de la chevrotine, qui, comme on le sait, a fait plusieurs victimes. Les agressions contre les artistes ne cessent pas. Et on attend toujours le meurtrier et le commanditaire de l'assassinat de Chokri Belaïd. Récemment le théâtre Al Halaka a reçu la visite de plusieurs individus, prétendant appartenir au courant salafiste, qui ont tout saccagé, les équipements et le matériel. Les milliers de supporters du CA ont menacé de «descendre dans la rue» parce qu'on a voulu les priver de leur président. En plus de ce côté sécuritaire, d'autres sujets inquiètent et provoquent la colère. La hausse des prix qui rend la vie de plus en plus difficile. On a eu la grève des chauffeurs de taxis; d'autres grèves sont annoncées en contestation de la hausse des prix des hydrocarbures. Même les forces de sécurité manifestent leur mécontentement. Les chômeurs de plus en plus nombreux attendent toujours d'avoir un emploi et plusieurs régions espèrent avoir droit au développement. Cela, pour dire qu'on est loin du bonheur. Mais pour être au diapason de l'ONU, il faut se montrer optimiste et donner de l'espoir. Avec les nouveaux membres du gouvernement, on est en droit de s'attendre à des améliorations. Le chef du gouvernement vient d'affirmer que l'état d'urgence «allait bientôt être levé». Le ministre de la Justice estime que «l'indépendance de la justice n'est pas un slogan...c'est un moyen pour réaliser la justice, les procès équitables...». Soyons donc optimistes en attendant que les réalisations suivent dans tous le domaines.