Il n'y a pas eu que la Shoah comme crime contre l'humanité dans l'Histoire, comme preuve de l'intolérance et du refus de l'Autre, le différent de la communauté. Il y a eu — et il y a — des crimes tout aussi honteux contre les Palestiniens, les Africains... et les Tziganes. Le «représentant officiel du cinéma tzigane» en France, Tony Gatlif, de son vrai nom Michel Boualem Dahmani, est né en 1948 à Alger d'un père kabyle et d'une mère gitane. Après une enfance à Alger, Gatlif arrive en France en 1960 durant la Guerre d'Algérie. Gatlif est, aujourd'hui, un réalisateur français, également acteur, scénariste, compositeur et producteur de films. Liberté est son dernier film, qu'on a eu l'occasion d'apprécier, à l'occasion de la célébration de la Semaine de la francophonie à Tunis. Le film est une surprise, par son sujet, d'abord, qui est la déportation et l'extermination des Tziganes pendant la Seconde Guerre mondiale, épisode rarement évoqué dans les livres d'histoire et encore moins dans le cinéma. Par sa forme ensuite, qui, même si elle convoque un peu le folklore culturel des Tziganes, évite la représentation-cliché, généralement associée à ce peuple. Et, enfin, par son casting : «Taloche» campé par le Suisse James Thierrée, petit-fils de Charlie Chaplin, est hallucinant d'audace et de sincérité dans son rôle. Une clôture de barbelés, l'hiver. Un alignement de baraques grises et sales. Derrière les fils de fer, une armada de femmes, d'hommes, d'enfants, visages figés, d'une tristesse indicible. Un cadre peu comparable à ce qu'on a comme image des Tziganes aux costumes joyeux, chantant et dansant en liberté, apportant la joie à tout le monde ! Dans Liberté, Tony Gatlif raconte la genèse du drame des Tziganes de France pendant l'Occupation, qui, à partir de l'automne 1940, furent progressivement internés dans des camps gérés par les autorités de Vichy, avant, pour nombre d'entre eux, d'être conduits vers les camps de la mort nazis. Liberté raconte l'histoire d'une de ces familles, arrivée un jour dans un petit village de France, exposée à l'hostilité d'une population qui ne comprend pas son mode de vie, si opposé au sien, mais aussi aidée par quelques Justes, comme l'institutrice incarnée par Marie-Josée Croze et le maire, rôle campé par Marc Lavoine. Pour les Tziganes, alors, c'était le «vagabondage» et la liberté ou la mort, et c'est de ce choix impossible que se nourrit le film, qui a su suggérer l'horreur du régime nazi avec subtilité, sans lourdeur et avec beaucoup de justesse. De l'évocation d'une montre aux chiffres hébreux, trouvée le long des rails d'un train par Taloche le Tzigane, le coupant un moment de ses instants de liberté en pleine forêt, aux scènes de torture parallèles du maire et de l'institutrice. Des suggestions qui permettent d'opposer la liberté du peuple tzigane et qui peuvent symboliser n'importe quel autre peuple et la monstruosité de l'intolérance. Un film touchant, sincère et libre, militant contre le racisme, l'intolérance et la dégradation de l'être et de l'humanité en général.