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L'œuvre de Bourguiba face à l'ingratitude, aux rancœurs et aux intrigues
Opinions
Publié dans La Presse de Tunisie le 09 - 04 - 2013


Par Habib CHAGHAL
Des dizaines de milliers de Français d'origine algérienne désignés sous le nom de Harkis sont empêchés depuis plus d'un demi-siècle de visiter l'Algérie, en raison de la collaboration de leurs parents avec le colonialisme français durant la guerre de libération nationale
On est en droit de se demander pourquoi ce drame est-il unique au Maghreb ? Car ni en Tunisie ni au Maroc la minorité des Tunisiens ou des Marocains qui avait collaboré avec le colonisateur à quelque niveau que ce soit n'a été inquiétée. Or, s'il est reconnu que les atrocités de la guerre d'Algérie avaient engendré des rancœurs que le temps n'arrive pas encore à effacer, il n'en est pas moins vrai que les gouvernements tunisien et marocain avaient préféré résoudre la question des collaborateurs par le pardon, ce qui n'excluait pas quelques procès, pour certains d'entre eux, qui avaient soutenu activement le colonialisme en connaissance de cause et en toute responsabilité.
Aujourd'hui, certains hommes politiques, qui vont jusqu'à nier le leadership de Bourguiba sur le mouvement de libération nationale, ne manquent pas une occasion pour déverser leur haine contre le père de la nation alors qu'ils ne connaissent de lui que les conséquences de son combat pour la transformation d'une société arriérée en société moderne, ils devraient relativiser leur jugement à moins d'être eux-mêmes les héritiers de la collaboration ou des nostalgiques d'idéologies délocalisées, sombrées dans l'oubli bien avant la mort de Bourguiba.
S'il est tout à fait légitime de critiquer certains aspects de l'ère bourguibienne et d'éclairer l'opinion publique sur les erreurs de celui-ci, il serait injuste de ne pas tenir compte des réalités de l'époque tant nationales qu'internationales quand il présidait aux destinées de notre pays.
Un régime autoritaire
Ainsi, quand on proclame que la Tunisie avait vécu trente ans sous le régime autoritaire de Bourguiba, on oublie que jusqu'en 1975 — année du décès de Franco — le nombre des nations démocratiques ne dépassait pas la vingtaine dans le monde, on oublie aussi que la Russie n'a accompli sa transition démocratique qu'au milieu des années 1990 et que jusqu'à ce jour, un milliard et demi de Chinois vivent sous le régime du parti unique.
Faut-il rappeler, par ailleurs, que Bourguiba avait autorisé le pluralisme politique dès 1978, trois ans après l'Espagne et permis à plusieurs partis de participer à des élections libres en 1981. Il est vrai, cependant, que ni les adeptes du marxisme léninisme, ni les baâthistes, ni les islamistes du MTI n'étaient admis dans l'espace politique tunisien, car pour Bourguiba les programmes de ces partis constituaient une menace pour son projet moderniste exclusivement tunisien. N'oublions pas que le mouvement de libération nationale dirigé par Bourguiba fut le premier en Afrique et dans le monde arabe et que la nature de l'Etat indépendant faisait l'objet de débats dans les instances du parti bien avant l'indépendance.
Rappelons, par ailleurs, que contrairement à tous les pays qui étaient dotés d'un régime à parti unique, Bourguiba n'avait pas inscrit son parti dans la Constitution de 1959.
Ceci n'explique pas, selon les normes internationales actuelles, le pouvoir personnel largement paternaliste de Bourguiba mais les événements avaient bâti le personnage en accord avec les réalités de son époque, tout comme Mao, Tito, Nasser ou Castro. Ainsi, il justifiait la limitation des libertés politiques par son ambition de forcer et d'accélérer le processus de modernisation d'une nation archaïque et majoritairement analphabète, située pourtant à quelques dizaines de kilomètres de l'Europe.
Les observateurs politiques ne pourraient évaluer la nécessité ou non de la nature autoritaire du régime du temps de Bourguiba qu'en cas de réussite de la transition démocratique actuelle
La deuxième source de rancœur envers Bourguiba est la suppression de l'enseignement zeitounien au lendemain de l'indépendance dans le cadre d'une réforme globale de l'éducation nationale qui incluait, entre autres, la création d'une faculté de théologie dont sont issus la majorité des imams actuels. En fait, l'opposition entre la pensée de Bourguiba et les défenseurs d'une « idéologie zeitounienne», dont se réclament aujourd'hui quelques nostalgiques du parti majoritaire et certains exaltés, date du début des années 1950, donc bien avant l'indépendance.
Ainsi dans une lettre prémonitoire adressée du Caire le 25 mai 1952 à Salah Ben Youssef,alors ministre de la Justice dans le gouvernement Chénik, Bourguiba attirait l'attention du secrétaire général du Destour sur cette question en ces termes : « Je me suis longuement étendu sur le problème zeitounien, c'est un problème qui est en train d'évoluer vers une direction dangereuse, un problème qui se pose, au surplus, avec plus d'acuité dans tous les pays musulmans arrivés à l'indépendance... Je vous raconterai toutes les difficultés qu'éprouvent les gouvernements des pays musulmans que j'ai visités, à résister à l'opposition insidieuse des exaltés de l'Islam, à mentalité zitounienne, qui sévissent dans ces pays et résistent à cette adaptation de l'Islam aux nécessités de la vie internationale moderne. C'est pourquoi il convient de ménager les zeitouniens en vue de les gagner, de faire preuve de patience et de sang-froid avec les chefs, de maintenir surtout le contact avec les étudiants, en grande majorité de bonne foi, de façon à les empêcher de devenir les troupes de choc d'un quarteron d'intrigants, d'ambitieux ou de fanatiques».
N'est-ce pas la synthèse de la lettre de démission de l'intellectuel Abou Yarab Al Marzouki du parti Ennahdha ?
Bourguiba conclut sa lettre à Ben Youssef en ces termes: « Le même problème, le même antagonisme, se pose en Egypte, en Syrie, au Pakistan, en Indonésie, mais il y est moins redoutable parce que le pouvoir dans ces pays est aux mains des progressistes qui se rendent compte que seule une adaptation de l'Etat musulman aux nécessités de la vie internationale et du monde moderne est en mesure de garantir la survie, le développement et le progrès du monde musulman et, partant, de l'Islam ».
Un Islam réadapté
On en conclut que l'antagonisme entre les partisans d'un Islam adapté aux réalités de notre temps et ceux d'un Islam figé au temps fondateur ne date pas d'aujourd'hui aussi bien en Tunisie que dans la plupart des pays musulmans. Pour juger de la justesse de ces deux visions, il suffit de se référer à la réalité actuelle de la société soudanaise façonnée depuis une vingtaine d'années, par un gouvernement islamiste ayant des références proches du parti Ennahdha et de la comparer à la société tunisienne; il est certain que tout observateur sensé ne peut que louer l'œuvre de Bourguiba en faveur d'un Islam réadapté à notre temps.
Remarquons que dans cette lettre, Bourguiba concevait la pérennité de la religion musulmane comme conséquence du développement et du progrès du monde musulman, car il ne pouvait pas placer cette question en dehors des rapports entre le monde chrétien (l'Occident) et le monde musulman, ces rapports que Bourguiba avait explicités le 6 novembre 1987 à son médecin personnel en ces termes : « ...vous voyez bien que la lutte entre l'Orient et l'Occident est très ancienne! Aujourd'hui, cette lutte se poursuit. La chrétienté n'a pas pardonné à l'Islam d'avoir occupé les territoires conquis par Alexandre Le Grand et d'avoir ramené le proche-Orient à l'Islam après une domination de près de mille ans par les Grecs, par les Romains puis par les Byzantins qui y avaient implanté le Christianisme».
Le troisième grief formulé contre Bourguiba et qui fait l'objet de débats, de temps à autre, sur les médias concerne les événements liés à la guerre de Bizerte. « C'est une bataille inutile », prétendent tous ceux qui n'ont pas compris le sens du combat pour la souveraineté nationale sans laquelle l'indépendance politique n'était qu'un leurre.
Ceux qui soutiennent que Bourguiba n'aurait pas dû déclencher les hostilités contre la base militaire française de Bizerte devraient étudier plus objectivement la pensée de Bourguiba contenue dans ses discours ses lettres et ses articles dans la presse dont il ressort que le recouvrement de la souveraineté totale de la Tunisie nécessiterait quatre étapes : l'autonomie interne, l'indépendance politique, l'évacuation de toutes les troupes françaises y compris de la base de Bizerte et la nationalisation des terres des colons.
Bourguiba n'avait pas signé les accords de l'indépendance du 20 mars 1956, mais il avait bien promulgué la loi concernant la nationalisation des terres appartenant aux étrangers accomplissant ainsi l'acte définitif de la récupération de la souveraineté nationale.
Contrairement aux allégations de certains, la bataille de Bizerte n'avait fait que quelque trois cents martyrs parmi les Tunisiens, ce nombre est facilement vérifiable, puisque les familles des martyrs ont été ajoutées à la liste des familles des martyrs de la lutte de libération nationale pour l'octroi de l'indemnité d'ancien combattant. Ce nombre est largement en deçà des pertes égyptiennes lors de la bataille de Suez.
Bases militaires des grandes puissances
La France avait-elle l'intention de quitter volontairement la base de Bizerte malgré les travaux effectués en 1961 pour l'allongement des pistes d'aviation ? Pourquoi ne pas en douter quand on sait qu'une base française au sahara en Algérie ne fut évacuée qu'en 1978 et que non seulement la France possède encore des bases en Afrique, mais qu'elle vient d'en construire une aux Emirats.
Ignore-t-on que les USA avaient mal accepté le refus de Ben Ali de lui accorder une base afin d'abriter l'Africom ? Il faut espérer que le gouvernement actuel (et les prochains) maintiendront ce refus.
L'œuvre de Bourguiba est immense: création d'un Etat moderne, tunisification de l'administration et de la monnaie, création de banques nationales, démocratisation de l'enseignement, généralisation du système sanitaire, réunification de la justice, code du statut personnel, libération de la femme, lutte contre la pauvreté, infrastructure, construction des barrages et aménagement de lacs collinaires, ports et aéroports, zones touristiques, zones industrielles, électrification des villages, assainissement dans la majorité des villes, logements sociaux (300 mille logements), troupes théâtrales dans les principales villes, politique étrangère exemplaire, etc. Tous ces programmes avaient été réalisés avec des moyens limités.
Bien plus encore, l'économie nationale, malgré les directives du FMI en 1986, demeure majoritairement à ce jour sous l'emprise de l'Etat, ce qui devrait réconforter les militants de la gauche.
L'erreur de Bourguiba, qui s'était avérée fatale plus tard pour lui et pour le pays, fut la nomination de Ben Ali au poste de directeur général de la sûreté nationale en décembre 1977, sur proposition de Hédi Nouira et de Abdallah Farhat dans le cadre de la domestication de l'Ugtt. Hédi Nouira avait oublié que Bourguiba n'avait jamais désigné, à bon escient, un militaire ou un policier à la tête de la direction de la sûreté nationale depuis l'indépendance.
Aujourd'hui, les destouriens ne sont pas surpris par l'absence de célébration de la fête de l'indépendance par le gouvernement actuel dominé par le parti qui se proclame, entre autres, héritier des zeitouniens, car ils ne peuvent pas ignorer que dans sa lettre à Ben Youssef Bourguiba avait anticipé la position des islamistes en ces termes : «...au fond d'eux-mêmes, les chefs zeitouniens préfèrent encore la domination française qui leur garantit un certain prestige à l'indépendance nationale avec le Néo-Destour».
Ils ne sont certainement pas les seuls à nier l'œuvre de Bourguiba, car l'histoire du mouvement national est aussi jalonnée par la trahison de milliers de Tunisiens qui avaient préféré la collaboration avec le colonialisme, doutant des possibilités du Destour de mener à terme, à partir de 1934, une entreprise colossale contre la présence française en Tunisie.
Il est vrai que Bourguiba n'avait que 31 ans quand il fut éloigné avec certains de ses camarades de lutte à Borj Le Bœuf en septembre 1934 et que la troupe française comptait plus de 50.000 militaires.


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