Par Abdelhamid GMATI Les Tunisiens sont inquiets de la situation qui prévaut dans leur pays. Tous les sondages, toutes les manifestations, les différents sit-in l'indiquent. Le dernier sondage effectué par l'institut «Tunisie Sondage» précise que 59% des Tunisiens estiment que la menace terroriste est élevée et que 56% des sondés pensent que la cause en est le manque de réactivité de l'Etat et son laxisme face à cette menace. L'ensemble de la classe politique et de la société civile a réagi, bien que tardivement aux derniers événements au Chaâmbi et ont également exprimé leur inquiétude. A la Constituante, un certain nombre de députés ont fait porter, aux gouvernements actuel et précédent, la responsabilité de la détérioration de la situation sécuritaire et de la progression du terrorisme dans le pays. Ils ont reproché, aux deux gouvernements, «leur laxisme dans le traitement du dossier sécuritaire et vis-à-vis des éléments du courant salafiste extrémiste, ainsi que de sa composante jihadiste». Le député Hichem Hosni accuse les dirigeants islamistes Ali Laârayedh, Noureddine Bhiri et Rached Ghannouchi d'avoir aidé les terroristes à s'organiser et à s'implanter en Tunisie. «On ne pourra pas combattre le terrorisme si on n'a pas préalablement neutralisé les mosquées», a déclaré Samir Ettaieb, député et porte-parole officiel du parti Al-Massar (Voie démocratique et sociale). Le député Samir Ettaieb, pense, lui, que «plusieurs mosquées sont devenues des espaces pour la diffusion de la discorde et l'incitation à la haine parmi les citoyens». Il a également appelé à dissoudre le ministère des Affaires religieuses, «qui envoie aussi des messages extrémistes». Les forces de l'ordre ont fait savoir, à travers leurs syndicats qui ont organisé une manifestation avec la participation d'un grand nombre de citoyens de tous bords, qu'ils prennent cette menace très au sérieux et qu'elles sont déterminées à l'éradiquer si on les dote des moyens matériels et humains nécessaires. A toute cette détermination des Tunisiens, le gouvernement et certaines personnalités au pouvoir persistent à dédramatiser et à minimiser la situation. M. Ali Laârayedh, chef du gouvernement provisoire, affirme que «les terroristes ont profité de la faiblesse sécuritaire dans le pays et de la liberté pour s'incruster, sauf que l'Etat a pu reprendre le contrôle de la situation sécuritaire suite aux arrestations survenues tout au long de l'année 2012 et après que l'Etat a pu mettre au jour la structure organisationnelle de ces réseaux». Les forces de l'ordre répondent : «Nous les arrêtons en flagrant délit et, deux jours après, on les retrouve dans les mosquées et dans les rues en train de continuer à imposer leurs lois». On vient d'apprendre qu'un salafiste, impliqué dans l'attaque d'un poste de police et l'incendie d'un véhicule de police, à Rouhia, vient d'être relaxé. Rached Ghannouchi, le gourou d'Ennahdha, estime que «les jihadistes ne sont que des jeunes délinquants insensés...Les groupes salafistes qui n'usent pas de violence sont nos enfants et nous envisageons de dialoguer avec eux». Et il affirme «nous ne pouvons pas être en guerre contre des idées ou contre une façon de penser. Ils propagent une nouvelle culture en Tunisie». Il doit vouloir dire «la culture wahhabite». A souligner qu'à aucun moment de sa conférence de presse, le chef islamiste n'a prononcé le terme «terroriste». Il va jusqu'à faire du bourguibisme à son insu. «Le jihad en Tunisie doit être contre la pauvreté et le chômage». Bourguiba le répétait au lendemain de l'indépendance et ajoutait «l'ignorance». Ce discours lénifiant est alimenté par d'autres comme celui de Mohamed Abbou, ex-ministre du CPR, qui minimise et affirme que le nombre des radicaux est fort limité et que le terrorisme existait déjà sous Ben Ali. M. Samir Dilou, ministre des droits de l'Homme (sic) minimise aussi, niant que «le mouvement salafiste est devenu un mouvement armé». Le ministre de la Justice, lui a rafraîchi la mémoire en dressant, devant les députés, un bilan des affaires de terrorisme et des affaires liées aux salafistes. Le ministre de l'Intérieur avait lancé, il y a quelques jours, un avertissement aux groupes salafistes. «Toute personne appelant au meurtre, incitant à la haine, accrochant un drapeau autre que celui national au fronton des institutions publiques ou plantant des tentes de prêche dans n'importe quel endroit.. sera arrêtée et jugée». Ce qui voulait dire que la 3e réunion du groupe islamiste «Ansar Acharia» (celui du terroriste fugitif Abou Iyadh que les journalistes tunisiens et étrangers interviewent à tout bout de champ et que la police ne trouve pas), prévue pour le 19 mai à Kairouan, devait être interdite. Mais ce groupe a fait savoir qu'il défierait le ministère et tiendrait sa rencontre avec 35.000 participants. Le ministre vient de faire savoir qu'il étudierait la demande du groupe. Cette «nouvelle culture» se transmet essentiellement dans les mosquées dont un très grand nombre, contrairement aux dires du ministre des Affaires religieuses, est contrôlé par ces salafistes. Les invitations de prédicateurs wahhabites, que des députés d'Ennahdha reçoivent avec les honneurs, et auxquels on ouvre mosquées, places publiques, stades et autres lieux publics, entrent dans le cadre de la propagation de cette nouvelle culture. Et si d'advertance, des citoyens désertent les mosquées et les prêches haineux, on s'arrange pour que la religion soit partout présente. Dans les mosquées, les prêches sont retransmis à l'aide de hauts parleurs puissants et on ajoute des psalmodies du Coran à longueur de journée, pendant une partie de la soirée et au petit matin. Ce qu'un cheikh zeïtounien considère comme contraires aux enseignements du prophète Mohammed. Ne parlons pas de certaines chaînes de télévision et certaines radios qui multiplient les émissions religieuses et les invités religieux. Idem pour certains journaux. Ce que l'on veut implanter, coûte que coûte, c'est la culture de la piété permanente. Que les Tunisiens passent leur temps dans les mosquées et les prêches et oublient ce qui se trame à l'ombre.