L'esprit général qui a prédominé, hier, à l'ouverture des travaux du 2e round du congrès national de dialogue initié par l'Ugtt était plutôt à «l'union sacrée», à l'entente et à la détermination générale à mettre la main sur ce fameux consensus qui échappe aux Tunisiens, plus précisément à leur classe politique, opposition et gouvernement en place, depuis l'avènement de la révolution du 14 janvier 2011. Dans leurs allocutions d'ouverture, le secrétaire général de l'Ugtt et les trois présidents ont insisté, en chœur, sur la nécessité de parvenir à ce consensus chéri mais insaisissable ou plutôt aux «consensus» que tout le monde connaît mais que personne ne sait comment et quand il va être concrétisé. Qu'il s'agisse des élections municipales intéressant pour l'heure uniquement le Dr Marzouki ou de la date des élections présidentielle et législatives, de la nature du régime politique à choisir, du parachèvement de l'installation des instances constitutionnelles ou du bannissement à jamais de la violence et de la neutralisation des terroristes jihadistes, tous étaient du même avis ou presque. Il faut trouver une solution à ces questions et le plus tôt possible, le pays ne pouvant plus souffrir d'attente. Seulement, chacun des intervenants propose sa propre solution. Ainsi, Hassine Abbassi, S.G. de l'Ugtt, avance-t-il un véritable programme politique, économique et social commençant par les élections et les points de discorde de la Constitution pour finir en appelant à la refonte totale du modèle de développement et la proclamation par les participants d'une charte nationale de lutte contre la violence et l'extrémisme, outre la création d'un comité de suivi permanent des conclusions qui découleront de la rencontre d'hier. Quant au Dr Marzouki, président de la République provisoire, il n'a pas dérogé à ses habitudes et a fourni aux présents «la bourde ordinaire» à laquelle ils s'attendaient. En appelant à ce que les étudiantes niqabées soient autorisées à passer leurs examens de fin d'année sans être obligées à enlever leur niqab, il a suscité un tollé de huées de la part de l'assistance (voir ci-bas). Il a offert à Jawher Ben M'barek (Doustourna) et à Emna M'nif (Koullona Tounès) l'occasion de faire «leur numéro» et de quitter la salle à grandes enjambées pour s'indigner devant les journalistes qui ont abandonné Marzouki et ses analyses savantes pour rejoindre les deux indignés et leur offrir leurs micros et caméras. Imperturbable, le président continuait son discours pour s'en prendre aux médias qui bafouent l'autorité de l'Etat et qui disent tout, principalement ce qui ne doit pas être révélé afin que l'aura des hommes politiques ne soit pas remise en cause et pour que la crédibilité de nos gouvernants reste saine et sauve. Le Dr Marzouki finira par sortir un appel pour la création «d'un observatoire qui s'intéressera aux pratiques du gouvernement, des partis politiques et des médias». Quant au Dr Ben Jaâfar, il a continué à lancer les promesses qui sont devenues sa marque de fabrique. Hier, il a répété, à plusieurs reprises, que le projet de la Constitution sera discuté en plénière, début juin prochain, et martelé aussi que les constituants ont accompli un travail colossal, «malheureusement sous-médiatisé ou ignoré totalement» et le président de l'ANC de proposer «une trêve» qui s'étendra tout au long de la période que durera encore la deuxième phase de la transition démocratique, «période qui sera clôturée avant fin 2013». Encore une promesse qui intervient un jour après la décision du Tribunal administratif de suspendre les travaux de la commission parlementaire de sélection des candidats à l'Isie et avant la décision du Dr Ben Jaâfar lui-même de constituer une commission d'experts qui pourrait reprendre de A à Z tout ce que la commission de sélection a déjà entrepris, depuis mi-février dernier. Ce qui revient à dire que l'Isie pourrait attendre encore des mois pour devenir opérationnelle. Le chef du gouvernement, Ali Laârayedh, a développé, de son côté, une idée principale selon laquelle les exigences de l'étape actuelle commandent «l'instauration d'une relation de complémentarité et de solidarité entre, d'une part, la légitimité électorale, et le consensus national le plus large possible sur les grandes questions de l'heure, d'autre part». Et Ali Laârayedh d'insister sur la suprématie de la loi et sur le droit «exclusif de l'Etat à la gestion des espaces publics et à la possession des armes». La mobilisation de la nation tout entière contre les terroristes et le soutien actif des Tunisiens, par l'acte et la parole, aux forces de sécurité nationale et de l'armée ont constitué deux axes sur lesquels il a longuement insisté. Laârayedh n'a pas manqué d'appeler les politiques à «mettre de côté leurs luttes partisanes, à se débarrasser de leurs calculs électoralistes et à éviter les faux problèmes» en cette période décisive de l'histoire de la Tunisie.