La presse locale rend compte de la visite au Qatar d'une délégation tunisienne que vous conduisez. L'objectif, selon elle, est de participer au Forum international de Doha. On ne parle nulle part d'une visite officielle. Quelle est la nature exacte de cette visite ? C'est à la fois une visite de travail et pour la participation au Forum de Doha. La journée du dimanche couvre le volet de la visite de fraternité et de travail au Qatar. Alors que la journée du lundi sera consacrée à la participation au Forum international de Doha. Je vous fais remarquer que la journée de demain (aujourd'hui lundi) sera réservée en partie à des séances de travail qui regrouperont les responsables tunisiens avec leurs homologues qataris. J'ai personnellement été reçu ce matin, en compagnie des membres de la délégation, par Son Altesse l'Emir du Qatar en présence du ministre de l'Intérieur. Les membres de la délégation tunisienne auront à leur tour des séances de travail avec les responsables qataris concernés, chacun dans le domaine de ses compétences. Peut-on parler d'ores et déjà d'un bilan de ces pourparlers bilatéraux, en termes d'accords ? Nous ne sommes pas là pour conclure des accords précis et concrets. Mais comme la visite se poursuit et les rencontres entre ministres homologues des deux pays ne sont pas achevées, il est préférable de ne pas tirer des conclusions hâtives sur les résultats de cette visite, surtout que l'Emir du Qatar a exprimé ce matin la nette volonté de son pays d'approfondir et de diversifier la coopération avec la Tunisie dans les divers domaines. Les ministres et leurs staffs techniques préciseront ultérieurement les requis et les contours de cette coopération. Je suis certain qu'il y aura de nouveaux projets qui viendront s'ajouter à ce qui existe déjà. Je dois dire que l'on n'est pas venu ficeler de nouveaux projets seulement, mais ma visite vise à dynamiser la réalisation d'un certain nombre d'accords ou de mémorandums dont la concrétisation enregistre un certain retard pour diverses raisons. Les cercles officiels ont tendance à dire que les échanges tuniso-qataris sont au beau fixe, comme en témoigne leur niveau financier global estimé en mars 2013 à 1,3 million de dollars US. Or on remarque que l'Emirat investit en Europe une enveloppe cinq cents fois plus élevée. N'y a-t-il pas une sorte d'évaluation idéalisée de cette coopération tuniso-qatarie ? Je ne crois pas qu'il faille poser le problème en ces termes. Nous sommes un pays à l'affût des investissements extérieurs, et en quête d'opportunités de partenariat et de coopération. La Tunisie cherche avant tout à compter sur ses propres ressources mais saisit toutes les opportunités de partenariat avec les pays frères et amis. Stratégiquement, pour nous, la priorité est aux pays du monde arabe et islamique dont la Tunisie est une composante. Nous partageons cet idéal avec l'Emirat du Qatar qui agit activement dans ce sens. Nos volontés se croisent à ce niveau. Je dois dire que tout investissement est la résultante de deux principaux facteurs: le climat propice aux affaires et une volonté politique concernant ce dernier facteur. Je pense que le Qatar est déterminé à apporter son soutien à l'économie tunisienne et plus généralement aux économies du Printemps arabe. En comparant les taux d'octroi des crédits qataris à ceux du Japon par exemple, ou même du FMI, on constate que ce pays ne fait pas forcément de cadeau à la Tunisie? Je pense qu'il n'y a pas lieu de polémiquer sur ce sujet. Cela est, à mon avis, injustifié. La vérité est que l'Etat du Qatar a consenti à notre pays un soutien sans aucun taux d'intérêt. Celui-ci engage également un certain nombre d'actions à vocation sociale et caritative sans taux d'intêret aucun également. Le lancement, au début du mois courant, du fonds d'amitié qatari en Tunisie traduit ce caractère désintéressé de l'engagement de ce pays en Tunisie. En tout état de cause, les investissements qataris en Tunisie sont en droit de réaliser des profits. C'est la règle. Nous souhaitons pour notre part établir des liens économiques sains et profitables aux deux parties. Il n'y a que ça qui dure. Des questions d'actualité internationale et de portée géostratégique ont été évoquées, croit-on savoir, lors de l'audience que vous a accordée l'Emir du Qatar. Les positions de nos deux pays sont-elles identiques, convergentes ou différentes concernant le dossier syrien précisément ? Lors de ma rencontre avec Son Altesse l'Emir du Qatar, le menu principal s'est articulé autour des relations bilatérales et les perspectives de leur développement dans les divers domaines. C'est là également l'objectif primordial de ma visite dans ce pays. Toutefois, la rencontre avec Son Altesse a été l'occasion pour moi de prendre connaissance des points de vue de l'Emir à propos de ces questions dont il maîtrise les données, on a écouté sa propre analyse de la situation en Syrie et en Palestine et accessoirement au Mali. Son Altesse l'Emir a exprimé sa grande douleur à l'égard du drame syrien et forme le vœu de mettre fin à ces événements tragiques dans les meilleurs délais. Ensemble, on s'est interrogé sur le niveau de crédibilité qu'on peut accorder aux dernières initiatives menées au niveau international pour faciliter un processus de solutions à cette crise syrienne. Souvent, ces pays cherchent leurs propres intérêts avant celui de la Syrie. En fait, c'est aux Arabes d'agir et de prendre leur destin en main. Le Qatar a franchi le pas en acceptant sur son sol une représentation diplomatique syrienne, incarnée par l'opposition. La Tunisie suivra-t-elle le Qatar dans ce sens, surtout qu'elle a, de façon précoce et unilatérale, rompu ses relations diplomatiques avec la Syrie ? A notre tour également, nous avons reconnu la légitimité et la représentativité de l'opposition. Nous préconisons une solution politique à ce drame, en mesure d'atténuer ses coûts et de préserver l'unité du peuple syrien et l'intégrité de ses territoires. Pour ce qui est de l'éventualité d'ouvrir une ambassade, cette question est très complexe et obéit à des juridictions internationales. C'est un sujet à placer au futur et non au présent. Vous représentez, en compagnie de la délégation que vous conduisez, la Tunisie aux travaux du Forum international de Doha prévus pour demain lundi (aujourd'hui). Or on constate que la société civile tunisienne est quasiment absente. N'aurait-il pas fallu assurer un minimum de coordination pour faciliter la présence de quelques ONG à cette grande manifestation citoyenne? En Tunisie, nous avons de nombreuses priorités et nous sommes profondément préoccupés par nos problèmes intérieurs. Je veux signifier que nous ne sommes pas dans un contexte ordinaire nous permettant de hiérarchiser des priorités selon l'ordre de leur urgence. Je n'ai pas eu l'occasion par le passé de participer à ce Forum. Un certain nombre de personnalités, dont moi-même, ont reçu des invitations à participer à la 13e édition de ce Forum. Alors que les ministres qui m'accompagnent viennent au Qatar dans le cadre de la visite que nous effectuons dans cet Emirat. Je suis convié en tant que représentant du pays initiateur du Printemps arabe et j'interviendrai aujourd'hui en très bonne place, en cette qualité. Pour ce qui est des représentants de la société civile, je ne suis pas au fait du nombre et du niveau des invitations qui ont été adressées par les organisateurs.