De notre envoyée spéciale Samira DAMI Après la projection de La vie d'Adèle d'Abdellatif Kechiche qui a embrasé la Croisette et remporté l'adhésion de la critique et du public, deux autres films sont attendus par les Cannois : Only Loversleft Alive de l'Américain Jim Jarmush et Venus in fur du Polonais Roman Polanski. Cette 66e édition touchant à sa fin, on peut se poser la question : qui raflera la Palme d'or ? Réponse demain soir lors de la cérémonie de clôture quand le jury, présidé par le réalisateur américain Steven Spielberg, livrera son palmarès. Entre-temps, la compétition continue de s'égrener doucement, voire gentiment, sans susciter cette fièvre qui a déferlé sur la Croisette après la projection de La vie d'Adèle. Ainsi, Nebraska, projeté hier, signe le retour du réalisateur américain Alexandre Payne, onze ans après M. Schmidt. Le film met en scène un vieil homme Woody Grant (Bruce Dern, le célèbre protagoniste de On achève bien les chevaux de Sydney Pollack) qui est persuadé d'avoir gagné un million de dollars dans une loterie, alors qu'il s'agit visiblement d'une arnaque. Récupérer cet argent devient l'idée fixe de ce père gâteux et alcoolique, son fils se retrouve quasi obligé de l'emmener au Nebraska dans ce but. Le périple façon road-movie commence. Payne filme en noir et blanc de manière dépouillée ses personnages ainsi que les paysages dénudés de l'Amérique profonde. Au fil de ce «trip», on redécouvre le passé du vieil homme, des bribes de vie des habitants de sa ville natale qui se morfondent dans le chômage et l'ennui. La cupidité et la convoitise des frères, sœurs, neveux et anciens amis affleurent à la surface. Mais ce voyage dans l'Amérique rurale aura permis au père et à son fils de se redécouvrir et de se réconcilier. Nebraska baigne dans une atmosphère mélancolique fort heureusement teintée d'humour, où le réalisateur jette un regard caustique sur l'Amérique profonde embourbée dans ses poncifs où les gens traînent dans un quotidien mou sans rêves ni ambitions. Un gentil film, ce Nebraska qui est loin d'égaler en force ses précédents opus, tels Side ways ou The Descendants. The Immigrants est le quatrième en compétition à Cannes de l'Américain James Gray après The Yards, La nuit nous appartient et Twoolovers. Le film met en scène l'histoire de deux sœurs Eva (Marion Cotillard) et Magda qui débarquent de Pologne dans l'Amérique du début des années 20, terre promise d'espoir et de liberté pour les immigrants. Arrivée à Ellis Island, Magda tombe malade, pour la sauver, Eva, forcée par Bruno, un souteneur (Joaquim Phénix), se prostitue. Le rêve américain tournerait-il au cauchemar ? Car Eva, exploitée et confinée, est loin d'être libre, même si le réalisateur la représente paradoxalement à l'image de la Statue de la liberté, habillée en robe verte, une couronne sur la tête et tenant là un cierge à la main. Une sorte de dérision en somme. The Immigrants est le premier film d'époque de James Gray qui y alterne scènes spectaculaires et intimistes au rythme d'images couleur sépia mais la mise en scène de ce mélodrame si conventionnelle et peu innovante n'en fait pas un grand film. On pourrait croire que le film de Gray est une critique de l'immigration; or, bien au contraire, le réalisateur considère qu'elle «enrichit la société et apporte du dynamisme à la culture». Illuminé par la présence de Marion Cotillard qui a sorti le grand jeu, ce film traite plutôt du pardon. Pour résumer, disons que Nebraska et The Immigrants ne peuvent en aucun cas être de sérieux concurrents ou faire de l'ombre à La vie d'Adèle de Kechiche qui, jusqu'ici, détient le plus grand nombre de palmes, onze contre six pour Le Passé de l'Iranien Ashgar Farhadi qui, lui, occupe la deuxième place dans «Les étoiles de la critique» française. Mieux, le cinéaste français Claude Lelouch, détenteur d'une Palme d'or pour l'attachant Un Homme et une Femme, a déclaré, en évoquant La vie d'Adèle : «Si j'étais président du jury, je me laisserais bien tenter par ce genre de film, c'est vraiment le film de demain, un film qui libère les acteurs, le scénario, la caméra...Il a des parfums de cinéma de demain». Concernant le prix d'interprétation féminine, Adèle Exarchopoulos, interprète du rôle d'Adèle, s'avère la favorite. Alors que Michael Douglas dans Behind the Candelabra de Steven Soderbergh et Bruce Dern qui campe le rôle de Woody Grant dans The Immigrants sont les plus cités pour un éventuel prix d'interprétation masculine.