L'opposant de gauche et constituant Mohamed Brahmi, assassiné par balles devant son domicile à la cité Al Ghazala à l'Ariana, a été reçu hier vers 13 heures corps sans âme à l'hôpital Mahmoud-Materi. Selon un cadre médical, l'homme aurait rendu l'âme sur le chemin de l'hôpital après avoir été la cible d'une arme à feu très puissante. « L'atrocité de cet assassinat est pire que celle de l'assassinat de Chokri Belaïd. La victime était à première vue méconnaissable, tellement son corps était couvert de sang. Nous avons repéré des traces de balles dans différentes parties de son corps. Il semble que l'on a commencé par viser sa tête avant de tirer le reste des balles au niveau de la poitrine, du bassin et du ventre», a encore assuré la même source, sur fond d'incessants cris de colère et d'intenses mélopées ayant suscité les larmes d'une grande partie de l'assistance massive qu'a abritée l'hôpital. De son côté, la femme de la victime nous a confié que son mari a reçu des balles successives, tirées à bout portant juste après avoir quitté la maison vers midi. « Dès qu'il a claqué la porte, j'ai entendu des coups de feu. Du coup, je me suis précipitée vers la porte pour trouver mon mari allongé dans la voiture. Je me rappelle qu'en levant la tête, j'ai vu deux jeunes portant des casquettes rouge et beige prendre la poudre d'escampette. Je n'oublierai jamais que son corps a été criblé de balles devant les yeux de ses enfants», a-t-elle déclaré en pleurs, pointant du doigt le mouvement Ennahdha. « Ils ont à maintes reprises menacé de plonger la Tunisie dans un bain de sang. Cette menace qui revenait sans cesse dans leurs prêches et discours a vite résonné dans ma tête à l'écoute du premier coup de feu qui a coïncidé avec la sortie de mon mari. Ce, compte tenu des menaces qui lui ont été précédemment adressées ». La dame, qui prend son mal en patience, a encore exhorté les Tunisiens à faire face à toutes les tentatives visant à asservir les Tunisiens et à assassiner le mot et les esprits libres, en adoptant une conduite sage. Une grande conspiration contre le pays Les Tunisiens qui ont afflué nombreux, hier, à l'hôpital Mahmoud-Materi avaient deux exigences : la destitution du gouvernement actuel et la suspension des travaux de l'ANC. Comme ils l'entendent, le deuxième assassinat politique survenu en Tunisie alors que l'on célèbre la fête de la République confirme, à lui seul l'incompétence et le trébuchement des gouvernants actuels. « Leur laxisme quant à la poursuite des assassins de Chokri Belaïd, leur gaucherie politique, le vide sécuritaire qui règne dans le pays depuis leur accession au pouvoir et leurs prêches et discours violents sont, à l'évidence, à l'origine de ce drame national. Voilà, donc, un deuxième évènement sciemment orchestré afin de désorienter l'intérêt public et de terrifier toutes les voix libres et critiques », a égrené Hamdi, un des jeunes évoluant au sein du Mouvement du peuple, parti de Mohamed Brahmi. Kais Said, professeur de droit constitutionnel, croisé dans la foule, a lâché la bride, soulignant qu'il s'agit d'une grande conspiration contre le pays. «Ils cherchent à terroriser tous ceux qui osent dire les choses telles qu'elles sont. Il faut qu'ils sachent, une fois pour toutes, aujourd'hui, qu'ils ont échoué à faire réussir la période transitoire. Là, je parle de tous les acteurs politiques, gouvernants comme opposants. Ils n'ont qu'à tirer des leçons pour ensuite se retirer de la scène politique. Car leur gaucherie a pesé lourd sur le sort du pays». Dans la même optique, notre interlocuteur a laissé entendre que l'assassinat de Mohamed Brahmi le jour même de la fête de la République donne à lire que l'on cherchait à assassiner tout un pays et à tuer dans l'œuf une démocratie naissante. Abdelwahab Hani, secrétaire général du parti Al-Majd, a affirmé que les escadrons de la mort circulent librement en Tunisie au vu et au su de la classe gouvernante. «Depuis pas moins de deux ans, nous assistons à des discours politiques et religieux incitant à la violence, la haine, l'humiliation de l'opposition et la division des Tunisiens. Tout cela n'a fait que nourrir les tensions et baliser le terrain devant des actes violents. Le pays a plus que jamais besoin de l'union de tous ses enfants pour traverser ces zones de grande turbulence», a ajouté Hani avant d'accompagner le cortège du défunt vers le service d'autopsie à l'hôpital Charles-Nicolle.