Overdose d'initiatives pour sortir de la crise. Sihem Ben Sedrine, Farhat Rahji et leurs amis jouent les médiateurs de l'apaisement, l'Ugtt reste sur ses positions La diarrhée d'initiatives en vue de trouver une sortie à la crise politique qui secoue le pays depuis le 25 juillet dernier continue de plus belle. Chacun y va de ses propositions et l'on assiste à un ballet de concertations et de négociations, à titre officieux, faut-il le souligner, puisqu'aucun débat n'a été jusqu'ici annoncé à titre officiel qu'il soit entre les partis de la Troïka au pouvoir et ceux dans l'opposition radicale (Front populaire) ou modérée représentée essentiellement par Nida Tounès. A la suite de l'initiative de l'Ugtt dont l'édifice essentiel est celui relatif à la préservation de l'ANC tout en lui traçant un programme qu'elle s'obligera à suivre à la lettre sans oublier la nécessité de former un nouveau gouvernement, une kyrielle d'organisations nationales syndicales et patronales (Conect, UTT, Oect, Ftav) a pris, hier, le relais pour proposer leur feuille de route. Ces organisations proposent la formation «d'un gouvernement de salut national composé d'un nombre limité de compétences nationales indépendantes qui ne se porteront pas candidates aux prochaines élections». Quant à l'ANC, les auteurs de l'initiative pensent que «son action devrait être renforcée par un comité d'experts pour la rédaction de la Constitution». Rajhi, Ben Sedrine et Hmida Enneïfer de retour Une deuxième initiative a été lancée, hier. Elle s'appelle «l'initiative de la protection du processus démocratique». Elle est pilotée par des visages qui ont marqué une certaine absence médiatique ces dernières semaines pour ne pas dire des mois. Il s'agit d'Ahmed Rahmouni (observatoire de l'indépendance de la justice), Farhat Rajhi (ex-ministre de l'Intérieur, redevenu entre-temps avocat), Sihem Ben Sedrine (Conseil national des libertés), Slaheddine Jourchi (analyste et président du Forum El Jahiz), Hmida Enneïfer (universitaire et l'un des premiers fondateurs d'Ennahdha passé entre-temps au club des islamistes progressistes) et Zouheïr Makhlouf (Association de réhabilitation des prisonniers). Une nouveauté à enregistrer d'emblée dans l'initiative en question : tout en appelant «le gouvernement actuel à présenter sa démission pour permettre la formation d'un nouveau gouvernement», Rajhi et ses amis demandent aux constituants sit-inneurs de reprendre leurs activités au sein de l'ANC. Ils considèrent encore qu'il est temps de «suspendre les manifestations et les sit-ins ainsi que les mouvements de protestations». «L'initiative de la protection du processus démocratique» prévoit également la création «d'un comité de dialogue national» qui aura pour tâche d'appuyer l'action des instances légitimes, dont en premier lieu l'ANC considérée comme «une autorité légitime authentique». Et les signataires, de l'initiative d'exprimer leur conviction qu'il est «impératif pour les différents protagonistes de faire des concessions et d'adopter des mesures d'apaisement». Des initiatives qui sèment la confusion Du côté de l'Ugtt, l'on reste attaché, bec et ongles, à l'initiative présentée et explicitée à plusieurs reprises par le secrétaire général de la centrale ouvrière Hassine Abassi. Hier, à l'issue de la réunion du bureau exécutif consacrée à l'examen de la participation à la célébration, hier soir, du premier semestre de l'assassinat de Chokri Belaïd tué le 6 février dernier, Sami Tahri, membre du BE chargé de l'information, n'a pas manqué de crier sa colère et son dépit «face à cette diarrhée d'initiatives qui ne font que semer le trouble et la confusion dans les esprits des Tunisiens». «A l'Ugtt, nous considérons que toutes ces initiatives n'aboutiront à aucun résultat concret. Plus encore, certains de leurs auteurs ne sont pas connus pour leur indépendance pour ne pas dire qu'ils roulent pour Ennahdha et répercutent ses propositions», s'insurge-t-il. «Abderrazak Kilani, Taoufik Ouannès et Mokhtar Yahiaoui sont venus nous rencontrer et nous n'avons pas saisi en les écoutant s'ils sont les auteurs de leur propre initiative ou s'ils sont venus en mission de médiation envoyés par Ennahdha pour nous pousser à adopter ses propositions», conclut-il. Reste maintenant à savoir quel sort sera réservé à ces initiatives à gogo, dans les jours à venir, en sachant qu'à Montplaisir, on campe toujours sur les mêmes positions. Elles se résument en deux points : non au départ de l'ANC et le maintien d'une personnalité nahdhaouie à la tête du gouvernement quelle que soit l'appellation qu'elle portera.