Il est tout de même surprenant que les marges d'intérêt (60%) et les commissions (21%) représentent l'essentiel du PNB et donc de l'activité de la plupart des banques tunisiennes. En somme, le système bancaire tunisien présente des signes de fragilité inquiétants pour ne pas pouvoir résister à des chocs exogènes La révolution a mis en avant certaines défaillances et doit donc forcer les économistes à repenser leur gestion macroéconomique. Elle a surtout montré la faiblesse de l'investissement privé, celui-ci faisant face à des difficultés d'accès aux financements bancaires. Ceci étant, le secteur bancaire en tant que principale source de financement de l'économie nécessite des réformes cruciales et urgentes afin de mobiliser davantage l'épargne et de mieux affecter les fonds à l'investissement. De toute façon, les investisseurs ont besoin d'un dispositif bancaire développé avec des conditions d'accès aux crédits plus souples. En Tunisie, les projets d'investissement et les entreprises souffrent souvent d'un besoin de financement alarmant. Le rapport entre banques et PME ressemble quelque peu à celui des couples qui se font des reproches incessants mais doivent vivre ensemble malgré tout. En tout état de cause, de nombreux travaux de recherches estiment qu'une faiblesse de l'économie tunisienne est sa relative inaptitude à faire grandir les PME. Cette situation s'expliquerait par une mauvaise gouvernance qui a entravé la capacité du secteur financier de contribuer à la croissance. En conséquence, handicapé par des contraintes liées à l'offre et à la demande, le système financier est peu susceptible de jouer son rôle de catalyseur. En effet, si les entreprises se privent des services financiers à cause de contraintes qui existent à leur niveau (demande), le système financier dans son ensemble n'est pas en mesure de s'adapter à leurs besoins (offre). Nombreuses sont les entreprises tunisiennes qui considèrent que l'accès au financement bancaire ainsi que son coût sont deux obstacles majeurs à leur croissance. Offrir donc des produits et services financiers à un coût raisonnable et moins contraignant ne dépend pas uniquement des facteurs microéconomiques et/ou macroéconomiques mais aussi d'une volonté politique. Une lecture détaillée des données disponibles laisse croire à l'existence d'une réelle fragilité. En effet, le poids des créances improductives (créances classées) est inévitablement le maillon faible du système bancaire tunisien. En effet, le niveau des créances improductives est relativement élevé bien qu'en baisse de plus de 6 points depuis 2006. Le système bancaire tunisien nécessite davantage de provisions, ce qui pourrait nuire à la rentabilité et au développement des banques. Certaines institutions, notamment publiques, auront même besoin d'une nouvelle recapitalisation. Faire face à ce problème est le défi de loin le plus important qui doit être relevé par les banques tunisiennes en particulier et par les institutions financières en général. La part des créances classées ou crédits non performants (NPL), bien qu'en baisse, demeure néanmoins élevée par rapport à la plupart des pays émergents. Ceci est essentiellement le résultat d'une croissance des crédits à la consommation induite par une politique favorisant les crédits aux particuliers et essentiellement les crédits immobiliers. Ainsi, les crédits à la consommation impayés ont augmenté en moyenne de 19,5% entre 2005 et 2010, alors que les NPL relatifs aux prêts accordés aux secteurs productifs n'ont augmenté que d'une moyenne de 8%. Faire tomber les obstacles entre banques et PME En comparaison internationale, le ratio des créances classées en pourcentage des créances totales demeure très élevé, reflétant une mauvaise gestion prudentielle. Mis à part l'Egypte, tous les autres pays émergents enregistrent des niveaux de créances improductives assez faibles allant de 8,4% en Pologne à 1,5% en Argentine, signe d'un système bancaire assez solide. Ceci laisse supposer que la qualité des actifs des banques tunisiennes a été déjà critique et que le système bancaire tunisien ne dispose pas encore d'une assise financière solide et nécessite une recapitalisation. A ce propos, les autorités doivent chercher à mettre en place une stratégie pour renforcer le système bancaire en adoptant notamment de nouvelles mesures visant à améliorer la gouvernance et la culture du crédit. Il est tout de même surprenant que les marges d'intérêt (60%) et les commissions (21%) représentent l'essentiel du PNB et donc de l'activité de la plupart des banques tunisiennes. En somme, le système bancaire tunisien présente des signes de fragilité inquiétants pour ne pas pouvoir résister à des chocs exogènes. Pour l'avenir et afin de stimuler la croissance, il est déterminant de faciliter l'accès des PME à un financement stable et moins couteux. Dans ce contexte exceptionnel, l'Etat doit jouer un rôle de rapprochement entre les besoins de financement colossaux exprimés par les investisseurs et les crédits limités mis à leur disposition par les banques. Il s'agit de parvenir à développer des systèmes financiers plus adaptés au contexte national afin de faire tomber les obstacles entre banques et PME. De même, il est nécessaire d'agir sur la sécurisation des crédits. Si rien n'est fait, l'investissement, la croissance et l'emploi peineront à croître.