Ils sont plus de 6.000 insuffisants rénaux à recourir, trois fois par semaine, aux cliniques de dialyse privées Suite à la première initiative visant à crever l'abcès et à se pencher- pour de bon- sur le problème financier des cliniques de dialyse privées, la Chambre syndicale nationale des cliniques de dialyse privées a décidé de reporter la grève censée avoir lieu les 25 et 26 septembre 2013. Une grève qui revêt l'aspect d'une alerte-chantage, ayant pour motif d'attirer l'attention de l'opinion publique et de l'administration sur l'imminent péril du secteur de dialyse privé. Les moyens de pression sur les ministères et les institutions nationales concernés ne sont autres que des vies humaines ! Ils sont plus de 6000 insuffisants rénaux à recourir, trois fois par semaine, aux cliniques de dialyse privées. Pour ces personnes à besoins spécifiques, une séance d'hémodialyse est synonyme de survie. Pourtant, et contre toute attente, c'est bien à eux de payer les pots cassés de la Caisse desdites cliniques. A défaut d'une solution radicale, ils serviront, contraints, de souffre-douleurs à leurs médecins et paramédicaux. Cette décision, prise par la Chambre syndicale nationale des cliniques de dialyse privées serait l'ultime alternative visant à mettre l'administration face à ses responsabilités: actualiser la tarification des cliniques privées ; une tarification gelée depuis 1977. Service de soin vital «Nous assurons un service de soin vital qui exige une certaine qualité et donc, un coût costaud. Le gel de la tarification propre au traitement de dialyse se traduit, en outre, par une inflation qui dure depuis 36 ans», indique M. Tarak Enneifer, président de la chambre syndicale nationale des cliniques de dialyse privées. Cette dernière interpelle depuis sept ans les différentes parties concernées par ce domaine sanitaire, dont le ministère de la Santé publique, le ministère des Affaires sociales et des Tunisiens à l'étranger, le ministère du Commerce et de l'artisanat ainsi que la Caisse nationale de l'assurance maladie ( CNAM) sans pour autant parvenir à trouver une solution radicale à ce problème. « Vendredi dernier, nous avons été convoqués à une réunion regroupant les représentants du ministère des Affaires sociales et des Tunisiens à l'étranger, du ministère de la Santé publique et de la CNAM. Nous en étions fort déçus par le fond de cette rencontre: les mêmes promesses d'autrefois, la même langue de bois en était le principal son de cloche. Cependant, nous sommes arrivés à nous entendre sur un calendrier de réunions dans le but de négocier, ensemble, les éventuelles solutions. Ces réunions auront lieu les 3, 10 et 18 octobre», ajoute M. Enneifer. Les négociations porteront sur la pérennité d'un domaine sanitaire de grande importance pour la santé publique et pour le secteur sanitaire privé. Le président de ladite chambre syndicale tire la sonnette d'alarme et prévient le naufrage du navire. Il indique que les cliniques de dialyse privées se trouvent dans l'incapacité de subvenir aux dépenses indispensables aux prestations sanitaires. « Nous avons carrément touché le fond. Nous ne pouvons plus payer les fournisseurs. D'ailleurs, nous sommes prêts à accueillir d'éventuels audits pour vérifier l'état des lieux financier des cliniques», renchérit M. Enneifer. Il ne manque pas de préciser que les cliniques de dialyse privées sont aussi « vitales » pour les 6000 malades qui y reçoivent les soins que pour les 3000 personnes qui y travaillent. Une séance reportée :un danger de mort Tâchant de dissuader les responsables des cliniques de dialyse privées quant à cette manœuvre et tentant de freiner une démarche jugée comme inadmissible car fondée sur la privation de l'Homme de son droit le plus élémentaire qu'est le droit à la santé, l'Association tunisienne des insuffisants rénaux rappelle les besoins sanitaires basiques des patients hémodialysés. « Les insuffisants rénaux dialysés sont dans l'incapacité de résister et de survivre au report de la séance de dialyse. La régularité de ce traitement constitue, en effet, une composante essentielle de son efficacité. D'autant plus qu'elle est vitale pour les malades d'un certain âge», explique M. Ridha Hmila, président de l'association et insuffisant rénal, lui-même, dialysé depuis 33 ans. Pour lui, faire la grève et s'abstenir d'apporter aux malades des soins vitaux représente une réelle offense à la déontologie médicale et s'avère être un crime de non-assistance préméditée à des personnes en danger de mort. Une position tempérée par M. Enneifer : « Nous ne mettrons aucunement la vie des gens en danger. Sauter une séance de dialyse n'est point risqué. D'ailleurs, nombreux sont les insuffisants rénaux dont le traitement se limite à deux séances hebdomadaires ». Or, ce n'est pas évident pour tous, et encore moins pour les seniors...Pis encore: si les négociations tournent mal et que la grève est maintenue, les malades ne bénéficieront point du transport gratuit comme à l'accoutumée. Or, bien des insuffisants rénaux sont dans l'incapacité de se déplacer seuls jusqu'aux unités de dialyse, et ce, même en état d'urgence. « Les hémodialysés ne serviront pas de dinde à cette farce!» La grève des cliniques de dialyse reste probable, dans l'optique de dénoncer le déséquilibre budgétaire de ces établissements de santé dû au laxisme de l'Administration. « Si c'est le cas, pourquoi la commission chargée du traitement de l'insuffisance rénale chronique et relevant du ministère de la Santé publique vient-elle d'accorder quelque 21 autorisations pour mettre en place de nouvelles unités de dialyse privées? Si l'hémodialyse n'est pas considérée comme rentable, pourquoi investir dans ce domaine et enrichir la plateforme sanitaire privée de 21 unités de dialyse supplémentaires?», s'exclame M. Hmila. Et d'ajouter que, bien que l'association ne croie pas à l'hypothèse des pots-de-vin attribués à cet effet, elle suspecte toutefois d'éventuels dépassements... Il est par ailleurs à souligner que la population dialysée compte 9100 Tunisiens dont les deux tiers sont pris en charge par les 101 unités de dialyse privées. Les services de dialyse publics se limitent, eux, à 48 unités implantées à l'échelle nationale et régionale. Le secteur public serait-il apte à assumer la tâche en cette période de grève et accueillir 6000 patients supplémentaires? « Il aurait été souhaitable que ces 21 autorisations soient orientées plutôt vers le renforcement des capacités du secteur public en matière de dialyse. C'est la capacité du public qui doit toujours excéder celle du privé», souligne M. Hmila. Le président de l'association tunisienne des insuffisants rénaux ne manque pas de passer en revue toute sorte de maltraitance et de négligence qu'endurent les hémodialysés aussi bien dans le secteur public que privé. D'où le rôle que doit jouer l'Inspection non sans vigueur. L'éventuelle grève ne constituerait-t-elle pas une autre forme de maltraitance infligée à cette population à besoins spécifiques? Le président de l'association tunisienne des insuffisants rénaux prévient que, si ces agissements ne sont pas stoppés, l'association fera appel aux instances internationales ayant trait à ce domaine. « Nous demandons simplement notre droit à la vie, à la dignité, à la santé, et donc, au traitement. Et nous n'accepterons pas que les hémodialysés servent de dinde à cette farce», souligne fermement M. Hmila.