Par Dr Moncef GUEN Espérons que la classe politique aura été à la hauteur des défis existentiels auxquels le pays fait face actuellement. Espérons qu'elle se mettra vite d'accord sur un gouvernement de compétences pour mener le pays vers une phase permanente de stabilité politique et d'expansion économique. Les urgences sont essentiellement de deux ordres : une urgence sécuritaire et une urgence économique. La première prend le pas sur la seconde dans le court terme, c'est-à-dire l'espace de six mois du futur gouvernement, car il est évident que sans sécurité l'économie sera en panne. Mais il est non moins évident que la lutte contre le terrorisme nécessite de nouvelles ressources publiques (moyens humains et matériels) que le nouveau budget doit prévoir. Il faut se résigner à penser que la lutte contre le terrorisme demandera des efforts nationaux publics et privés de longue haleine. Quand l'infrastructure terroriste s'implante dans un pays, ce n'est pas du jour au lendemain qu'elle sera éradiquée. Le prochain gouvernement ne peut que jeter les bases d'un système sécuritaire doté de moyens suffisants et plus efficace. Quant aux urgences économiques qui attendent le prochain gouvernement, elles sont multiples et complexes. Elles nécessitent un plan de redressement global qui devrait être rapidement mis au point et adopté par une Conférence économique nationale, permettant un accord de toutes les parties prenantes sans lequel rien d'efficace ne sera mis en œuvre. A mon avis, ce plan devrait s'inspirer des grandes lignes de la lettre d'intention signée par les responsables tunisiens en appui à l'accord stand-by du Fonds monétaire international. Pourquoi ? Eh bien, parce que d'abord les engagements pris devraient être respectés si l'on veut que le programme qui sous-tend cet accord ne sorte pas des rails. Ensuite, ce programme s'adresse aux problèmes urgents de l'économie tunisienne : croissance anémique, inflation, déséquilibres budgétaire et extérieur, secteur bancaire fragile. Enfin, sans la réussite de cet accord, tout soutien extérieur, dont nous avons cruellement besoin, n'est pas possible. Je sais que malheureusement l'endettement extérieur a grimpé rapidement (de quelques dizaines de points du PIB) en l'espace de deux ans et demi. Je sais que cet endettement a servi surtout à couvrir les dépenses ordinaires de l'Etat, c'est-à dire sa consommation, au lieu de financer l'investissement. Mais le nouveau gouvernement s'interdira une telle pratique odieuse. Il a, toutefois, besoin d'appui financier extérieur, car les tâches sont immenses et le taux d'épargne est très insuffisant. Une des premières mesures qui s'imposera au nouveau gouvernement est de préparer un nouveau budget 2014 qui tiendra compte de sa nouvelle politique économique et financière. Du côté dépenses. Il faut inverser les priorités en réduisant les dépenses de la fonction publique et des subventions aux produits de compensation, notamment celles relatives aux hydrocarbures. Les Tunisiens devraient s'attendre à ce que la vérité des prix soit instaurée pour les hydrocarbures et les produits agricoles. Une poussée d'inflation est malheureusement inévitable mais elle ne sera pas répétitive : les prix augmenteront à un nouveau palier supérieur mais finiront par se stabiliser. C'est pourquoi le programme du futur gouvernement devra avoir l'aval d'une Conférence nationale. Mais il est urgent de faire subir les banques des tests de stress pour déterminer leurs besoins de recapitalisation et de procéder à cette recapitalisation rapidement. Ceci permettrait de réduire considérablement les besoins de refinancement de ces banques sur le marché monétaire et donc l'injection de liquidités attisant l'inflation. Le budget aura besoin de ressources supplémentaires mais celles-ci ne devraient pas être improvisées comme celles dont on parle actuellement et devraient être le résultat d'une réforme fiscale et parafiscale globale qui devrait bénéficier de l'appui technique du FMI. Si le bassin minier retrouve sa santé et ses activités exportatrices, des ressources jusqu'ici gaspillées viendront alimenter les caisses du Trésor et soutenir la balance des paiements. C'est pourquoi l'Ugtt devra mettre tout son poids à régler cette infestation du bassin minier. Une mesure qui permettra d'accélérer la réalisation des investissements publics est la création au niveau de la primature ou de la vice-primature d'une Direction générale des grands travaux qui se chargera de la mise en œuvre rapide des grands chantiers de l'Etat. Que notre économie nationale, qui a été négligée pendant ces longues années, retrouve son souffle et ses capacités de rebondissement.