Par Med Moncef KSIB Le 22 septembre 2013, un homme exceptionnel, le regretté Mezri Chékir, nous quitta pour laisser derrière lui une douleur immense tant dans sa famille que chez ceux qui ont eu le privilège de le connaître. Ayant eu la chance de le côtoyer durant pratiquement 33 ans, je pense être parmi ceux qui peuvent lui rendre un hommage sincère et sans fard et formuler à sa mémoire un véridique témoignage amplement justifié par les mérites de ce grand commis de l'Etat. Au fil des six années de travail aux côtés de Si Mezri, j'ai pu me forger en toute objectivité une haute opinion de cet homme si humble et toujours égal à lui-même malgré l'énorme pouvoir que lui conférait sa position, non seulement comme ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative, mais surtout en tant que bras droit du Premier ministre, qu'il assistait avec une fidélité à toute épreuve ; fin politicien, patient négociateur avec de puissants syndicats très portés sur les revendications excessives, ses qualités professionnelles furent tant de fois utiles au pays et à l'action du Premier ministre. Le disparu était l'instigateur, sinon l'artisan, du nouveau statut général de la Fonction publique adopté en 1982 et de la grande réforme des retraites des fonctionnaires de l'Etat promulguée en 1985. La révision du statut général a été l'occasion de supprimer une sanction trop injuste qui a fait bien des victimes et qui consistait à licencier un fonctionnaire avec privation du droit à la pension de retraite. Cette sanction ne se contentait pas de frapper l'auteur d'une grave faute professionnelle ; elle s'étendait à sa famille innocente en la privant de la pension de retraite qui a pourtant un caractère alimentaire. Une autre manifestation de cette générosité fut illustrée par la loi de 1985 relative à la réforme du régime des retraites dans le secteur public ; entre autres innovations de cette loi, citons : l'amélioration du rendement des années de service, l'élévation du plafond de la pension de retraite à 90% du salaire d'activité et surtout l'augmentation de la pension de veuve qui fut portée de 50 à 75% de la pension de retraite. Devant contribuer à atténuer l'impact psychologique de la perte du conjoint, cette dernière mesure trouve sa justification dans le fait que le départ du défunt ne signifie pas forcément la réduction de moitié des charges du foyer. Les innombrables et harassantes négociations sociales qui ont jalonné les années du gouvernement Mzali permirent de mettre en évidence un autre aspect de la personnalité de Si Mezri et de son talent ; souvent menées sur fond de difficultés économiques croissantes et de revendications peu conciliables avec la réalité économique, les négociations avec les syndicats ont pu, la plupart du temps, aboutir à des solutions mutuellement acceptables. A cette fin, Si Mezri mettait à contribution sa patience, son ouverture d'esprit et une fertile imagination dans la recherche de compromis, afin de favoriser la préservation de la paix sociale Avec le recul de tant d'années, je peux affirmer que la présence si vigilante de Si Mezri auprès du Premier ministre a largement contribué à enrichir les acquis du pays, qu'il s'agisse de réformes administratives ou d'acquis sociaux. Cette présence a également aidé à circonscrire les difficultés éprouvées durant les six années du gouvernement Mzali, notamment sur le double plan politique et syndical. Dépositaire d'énormes quantités de secrets et ayant vécu au cœur de tant d'évènements cruciaux, Si Mezri, homme stoïque, et sans rancune, était une mine d'informations mais il a toujours refusé de rédiger ses mémoires de crainte qu'il ne froisse la sensibilité de tant de personnalités encore en vie, ce qui est à son honneur et cela confirme encore une fois à quel point il était un homme de cœur et soucieux de ménager la sensibilité des autres. Fort malheureusement, il s'est éteint avant de voir son pays se rétablir de ses maux et sortir d'une situation préoccupante pour bâtir une Tunisie nouvelle où tous ses enfants, sans exception, pourront vivre en paix, sans rancune et sans exclusion. C'était pour lui un grand espoir et il refusait toujours de renoncer à cet espoir. Puisse Dieu exaucer son vœu, accueillir son âme au paradis et aider ses proches ainsi que tous ceux qui l'ont aimé à surmonter leur douleur en sachant qu'un homme qui avait tant de mérite et qui a tant servi son pays, restera toujours vivant parmi nous.