Les syndicats de la santé refusent catégoriquement le projet d'amendement de la loi 91-21 et s'insurgent contre la gravité de la situation dans les divers établissements hospitaliers et contre la tutelle Le syndicat des médecins internes et résidents, relevant de l'Ugtt, a tenu hier une conférence de presse pour expliquer les raisons de la grève engagée depuis le 9 courant, à Sfax et à Sousse, et depuis le 10, à Tunis et à Monastir. Une grève qui durera jusqu'à demain. Le refus du dialogue par le ministère de la Santé et le refus des médecins internes et résidents de l'amendement de la loi 91-21, encore en projet, obligeant lesdits médecins à exercer durant trois ans dans les régions intérieures en sont les principales causes, selon les syndicalistes. «Nous avons répondu présents à une réunion de réconciliation avant la grève à laquelle aucun représentant du ministère de la Santé ne s'est présenté, nous a indiqué Salma Maâlla du syndicat des médecins internes et résidents de Tunis. Nous craignons pour le droit du citoyen à la santé, alors que la situation dans les hôpitaux et les établissements hospitaliers s'aggrave de jour en jour. Nous défendons le droit de tous à un service équitable, ce que les méthodes actuelles ne le permettent pas. Le secteur souffre d'un manque de visibilité et on a besoin d'un dialogue effectif avec tous les intervenants pour déterminer les priorités. Ce n'est pas un problème lié aux médecins spécialistes seulement, c'est une question d'efficacité et nous avons les solutions aux problèmes existants. Sauf que le ministère persiste à marginaliser les professionnels. Lundi, nous allons boycotter le choix des stages, donc il n'y aura pas d'affectation des médecins et il faudra remplacer 2.400 médecins ! Si cette politique de marginalisation continue, nous allons opter pour d'autres formes de protestation et la grève est en vue», a-t-elle ajouté. Des problèmes de fond Pour sa part, Emna Ben Zina, membre du même syndicat, a précisé que le projet d'amendement de la loi 91-21 visant à obliger les jeunes médecins spécialistes à exercer dans les hôpitaux de l'intérieur du pays pendant trois ans a été élaboré sans étude préalable des besoins réels. «Nous refusons de faire partie de cette politique absurde, celle de mettre de la poudre aux yeux et laisser les problèmes réels du secteur s'aggraver davantage. C'est une loi populiste à des desseins électoralistes. Sans les conditions de travail requises, nous n'allons pas pouvoir remettre les pendules à l'heure», a précisé Ben Zina, jeune médecin. Présente à la conférence, Dr Habiba Mizouni, secrétaire générale du syndicat des médecins hospitalo-universitaires, s'est étalée sur les conditions du secteur qu'elle a jugées catastrophiques. «Il y a des dossiers plus importants et qui sont les dossiers de fond qui devaient être ouverts, notamment celui de la Cnam dont le déficit financier s'élève à 150 millions de dinars. Les autres dossiers à ouvrir sont ceux des médicaments basiques en manque, des maladies chroniques, des hôpitaux sans cahiers des charges, des équipements introuvables... La situation est plus que catastrophique dans le secteur qui est aussi important que celui du dossier sécuritaire ou économique du pays. Il faudra une réelle volonté politique, loin des décisions populistes, pour sortir de cette crise. Nous avons un problème avec le budget de 2014 qui ne prévoit pas de d'augmentation du budget du secteur de la santé, alors que nous avons un manque de matériel, d'équipements et de médicaments de première nécessité. Cependant, on se focalise sur un projet de loi injuste dans l'élaboration duquel on n'a pas impliqué tous les acteurs. Le dossier de la Cnam est prioritaire et nous, en tant que syndicalistes, nous appelons à une révision du système de santé. Nous pensons que le projet que nous avons proposés, à savoir le partenariat et le jumelage entre services et hôpitaux dans les différentes régions, servira à effectuer un vrai transfert de technicité et donnera de l'équilibre au niveau des services proposés dans les régions. Le ministère persiste, malheureusement, à marginaliser les syndicats», a enchaîné Dr Mizouri. La situation de la médecine générale, qui résout 80% des cas de maladies, a été évoquée par Dr Mohamed Héi Souissi. D'après lui, les salaires des médecins spécialistes durant les trois ans à affecter dans les régions intérieures s'élèveront à plus de 18 millions de dinars... «La situation est inquiétante pour les médecin, dont 700 ont présenté leur démission. 70% des malades s'orientent vers le secteur public, alors que c'est le secteur privé qui accapare 70% du budget. Dr Souissi a par ailleurs indiqué qu'une réunion a eu lieu avant-hier entre les représentants des syndicats régionaux des médecins internes et résidents ainsi que des médecins dentistes internes et résidents, avec la vice-présidente de l'Assemblée nationale constituante (ANC), Meherzia Laâbidi, et l'un des membres de la commission de législation. La réunion a porté sur le projet d'amendement de la loi 91-21 de mars 1991 et, encore une fois, les médecins ont refusé catégoriquement ce projet. Une autre réunion à l'ANC est prévue mercredi prochain et des propositions seront présentées comme solutions aux problèmes du secteur. On compte parmi les solutions le renforcement de la première ligne, celle de la médecine de famille ou générale, par le recrutement et la formation continue, la mise en place de partenariats entre les grands centres hospitalo-universitaires du littoral et des régions intérieures, la création de véritables pôles de santé pluridisciplinaires à l'échelle des grandes régions (groupements de plusieurs gouvernorats). Les syndicalistes, notamment les jeunes internes et résidents, laissent planer le doute quant à l'organisation d'une grève générale avec l'appui des hospitalo-universitaires et les autres syndicalistes du secteur.